[Critique] JOHN WICK

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : John Wick

Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : David Leitch, Chad Stahelski
Distribution : Keanu Reeves, Alfie Allen, Willem Dafoe, Michael Nyqvist, Adrianne Palicki, Ian McShane, John Leguizamo, Bridget Moynahan, Jason Isaacs…
Genre : Action/Thriller
Date de sortie : 29 octobre 2014

Le Pitch :
Ancien tueur à gages, John Wick voit sa vie s’écrouler le jour où sa bien-aimée meurt. Seul, il n’a plus que son chien, à savoir l’ultime cadeau que sa femme lui a offert avant de disparaître. Un jour, une bande de malfrats débarque chez lui en pleine nuit pour lui dérober sa voiture, une Ford Mustang de collection. Très agressifs, les voleurs passent John à tabac et tuent son chien. Dès lors, l’ancienne machine à tuer refait surface. Wick remonte la piste de ses agresseurs et découvre que le responsable n’est autre que le fils d’une grosse pointure de la mafia russe. Peu importe où, quand et comment, quelqu’un doit payer et ce quelqu’un ne sera pas le seul à tomber sous un déluge de balles…

La Critique :
Keanu Reeves ne semble pas vieillir. Alors que certains s’affaissent, gagnent des rides, du poids, voient leur cheveux tomber ou devenir blancs, lui non. Il reste le même, oublié du temps (et un peu du public), tel Dorian Gray, traversant les décennies en charriant une certaine idée d’un cinéma rentré depuis des lustres dans l’inconscient collectif des amateurs du genre.
Ce genre, concernant Reeves, c’est l’action. À cause de Point Break, de Speed, et de la trilogie Matrix, le comédien est assimilé à ces films qui tapent dur, et peu importe si il s’est souvent montré excellent ailleurs, dans des œuvres plus intimistes, plus posées ou, tout du moins, plus feutrées dans leur exécution formelle. Pour nombre de fans, Keanu connaît le knug-fu et quand on lui file une grosse pétoire, les méchants tombent comme des mouches.

Cette année, Keanu Reeves a tenté de revenir. Par la grande porte tout d’abord, avec 47 Ronin, puis, par la petite, avec un Man of Tai Chi qu’il a lui même emballé, histoire de couvrir toutes les issues. Deux tentatives malheureusement soldées par deux échecs. 47 Ronin s’est vautré, tué dans l’œuf par une production malade, tandis que Man of Tai Chi, bien que sincère et parfois efficace, se heurtait à un trop grand nombre de clichés mal digérés et de défauts trop voyants, pour toucher au but. John Wick déboule donc dans des circonstances peu enviables. Le visage dévoré par une barbe toujours aussi sombre, les cheveux longs et le regard empreint d’une mélancolie qu’il a appris à apprivoiser, Keanu Reeves revient encore et toujours et propose autre chose (« Les gens n’arrêtent pas de me demander si je suis de retour » dit-il dans le film, en affirmant que cette fois, il l’est bel et bien). Avec John Wick, il donne au public ce qu’on attend de lui à ce moment de sa carrière. Ici, il cause peu et fait parler la poudre.

Pour orchestrer la vengeance froide et sanglante de ce type n’ayant plus rien à perdre, Reeves est allé chercher deux cascadeurs, qui réalisent donc leur premier long-métrage. Des mecs qu’il connait bien pour avoir bossé avec eux de nombreuses fois par le passé. Des gars compétents et conscients de leur limites et de celles imposées par l’exercice de style. Au passage, il a aussi emmené dans son sillage de solides acteurs, parfaits pour assurer les fondations de l’ouvrage (Willem Dafoe, Michael Nyqvist, Ian McShane, John Leguizamo, Jason Isaacs, Alfie Allen…) et a même tenu à insuffler un peu de féminité via le personnage d’Adrianne Palicki, dont la performance certes pleine d’excès, s’accorde plutôt bien avec la tonalité d’ensemble.
À l’inverse de beaucoup de films d’action modernes et à l’instar de ces madeleines de Proust pour esthètes mélancoliques des bourrinneries des années 80/90, John Wick va droit au but et ne s’encombre pas d’effets de style inutiles. Oh, c’est sûr, il y a bien quelques ralentis et on peut compter sur de savantes chorégraphies lors des fusillades, mais c’est bien tout. Ici, personne de projète une bagnole sur un hélico ou ce genre de joyeusetés décomplexées. Le schéma est ultra-classique et voit juste un type seul et sur-armé buter toute une escouade d’immondes salopards venus du froid dans le seul but de croquer la Grosse Pomme en loucedé, en semant la souffrance et le chaos au passage. Wick est un héros à l’ancienne. Un anti-héros plutôt, même si sa propension à éviter les dommages collatéraux le place indéniablement du côté des gentils. Il est comme Denzel Washington dans Equalizer et d’ailleurs, les deux films partagent de nombreux points communs, à cela près que John Wick ne tente pas vraiment d’installer une dramaturgie solide et s’avère peut-être plus léger, mais aussi plus généreux en action. Les images parlent d’elles-mêmes et se suffisent à elles-mêmes. On a buté le chien que sa défunte femme lui a offert, on a volé sa super caisse et voilà, la bête sort de sa tanière. Du point A au point B, Keanu assaisonne ces tueurs russes (le russe est à nouveau le grand méchant loup du cinéma d’action américain), en trimballant sa carcasse de « jeune premier » de 50 balais, dans une ambiance que les fans du jeu Max Payne ne manqueront pas de reconnaître. Et ça lui va rudement bien !

Sombre, violent, incarné et brut de décoffrage, John Wick est un modèle d’efficacité. Peut-être parce qu’ils ont passé leur carrière à exécuter des cascades pour les autres, David Leitch et Chad Stahelski livrent une mise en scène super lisible et tout autant redoutable dans sa capacité à retranscrire la puissance des coups (quitte à parfois en faire des caisses sur le son). Modeste, leur long-métrage est respectueux envers le genre qu’il aborde et s’apparente par cela à une véritable et sauvage réussite.
Cette année, si on se limite au spectre de l’action pure et dure, John Wick truste le haut du panier. Réminiscence d’une époque où les vidéo-clubs regorgeaient d’aventures du genre, dans lesquelles des gars mettaient toute une armée au défi dans un enfer urbain répondant à leur propre détresse, John Wick remplit largement sa part du contrat. Sans défaillir. Jusqu’à cette fin abrupte et casse-gueule, elle aussi totalement en adéquation avec des codes désuets, mais toujours aussi performants.

@ Gilles Rolland

Crédits photos : Metropolitan FilmExport

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