Depuis Ricoeur et bien d'autres on distingue l'éthique de la morale. Une des raisons de cette distinction sans doute conventionnelle repose sur le fait que l'éthique n'est pas sacrificielle contrairement à la morale. On peut aisément trouver une genèse de cette distinction chez Aristote, comme Ricoeur le note bien lorsqu'il écrit suivant la formule célèbre qu' elle est souci de conjonction constant avec soi. L'homme droit, indique Aristote ne connaît jamais la honte. Il ne dit pas aux autres de faire ce qu'il ne fait pas et ce autant que faire ce peu mais surtout la vertu, arêté et donc plutôtexcellence n'est autre
qu'une disposition à agir d'une façon délibérée consistent en une médiété relative à nous laquelle est rationnellement déterminée comme la déterminerait l'homme prudent1.
Aristote entend bien nous indiquer qu'il s'agit, en premier lieu, d'une « disposition » et donc d'un travail acquis, consenti, travaillé mais aussi effectivement disposé et réellement bien disposé mais également qu'elle est relative à nous avant tout certes par référence à l'image du prudent. En d'autres termes, il faut toujours chercher à se conformer par analogie au prudent ou plus exactement au sage pratique – et non théorique – mais cette référence doit tenir compte de soi, avoir souci de ce que nous sommes et de la situation dans laquelle nous nous trouvons.
L'éthique n'est pas morale ici car elle exclut cette tendance au sacrifice qui finit toujours par réclamer elle-même en retour une démarche sacrificielle. Elle a d'abord souci du vivant. Elle n'exige pas la conjonction ou lien à tous prix mais bien une conjonction possible, envisageable en partant de soi et donc d'abord un lien avec soi qu'il ne faut jamais rompre. Elle est soin de soi comme l'indique fort bien les récentes traduction du Nous qui renvoie non nécessairement l'intellect mais au soin, au regard, au fait de sauver ce qu'il faut impérativement sauver.
1Erhique à Nicomaque, précitée Trad. Tricot 1107 a 5