Didier Daeninckx : Galadio

Par Gangoueus @lareus

Je me suis plié aux lectures imposées de la Palabre autour des Arts qui aura lieu la semaine prochaine. Il faut dire que le thème est fort plaisant et sujet à polémiques dans cette France qui se questionne. L’intitulé de cette palabre est : Ils ont combattu pour la France. La première phase de la rencontre nous donnera de partager avec le public autour des romans La saison des prunes de Patrice Nganang, Le nègre Potemkine de Blaise Ndjéhoya, Galadio de Didier Daeninckx et Le terroriste noir de Tierno Monemembo. La figure du tirailleur sénégalais, souvent délaissée dans les méandres de l’histoire de France et de ses anciennes colonies va être explorée sous tous les angles.
© Serge Corrieras
Didier Daeninckx propose une exploration pour le moins étonnante et intéressante du sujet. J’ai eu la bonne idée de ne me laisser séduire que par la couverture du roman illustré par un tirailleur droit et fier. Pourtant, c’est le portrait d’un adolescent métis dans l’Allemagne nazie des années 30 que nous offre le romancier français. Par sa narration, on découvre son entourage très restreint, sa mère personnage centrale et une petite amie juive, Déborah, adolescente comme lui. Quand commence le roman, Ulrich de son prénom en version allemande, Galadio, prénom intime venant de son père, tirailleur africain en poste en 1921 en Allemagne, le jeune adolescent découvre à peine sa différence. Il est un brillant élève dans un collège lycée de Duisbourg. Il fait partie de l’élite sportive. Il décrit progressivement la montée en puissance du régime nazi et la mise en place des mesures raciales et antisémites.
Cette première phase du roman est, il faut le dire, passionnante. Je trouve que Didier Daeninckx réussit remarquablement à souligner la détérioration des rapports dans cette Allemagne aryenne. Ce qui ne manquera pas de mettre mal à l’aise le lecteur. Il est en même temps le regard d’un adolescent portant sur sa peau, la marque de sa marginalité. Mais aussi, celui d’une mère qui tente de protéger son fils. La marque d’une profonde solitude. Trace d’une présence militaire noire souvent méconnue ou ignorée après la première guerre mondiale. En cherchant des informations sur son père, Amadou Diallo tirailleur venu du Mali, il sonde cet épisode complexe.
En effet, quelle interprétation peut-on donner à cette force d’occupation en Allemagne ? Il est difficile de croire vu le statut d’indigénat pour les populations négro-africaines dans les colonies qu’il n’y a pas eu là pour projet d’humilier les allemands. Daeninckx montre, au travers de la relation d'Ulrich et de sa mère, le poids de cette ostracisation qui prend une forme singulière.

La deuxième phase du roman relève plus de la fiction pure. Elle retranscrit la quête identitaire de ce jeune métis qui va chercher en Afrique la figure paternelle absente, grace à un concours de circonstances que seuls le désir et la détermination peuvent créer. On peut regretter que Daeninckx traite trop rapidement cette phase. Son projet, n'est pas de s'apesantir sur le regard que ce jeune allemand peut avoir sur une Afrique de l'Ouest francophone qu'il découvre au tout début du conflit mondial. La fameuse bataille de Dakar est d'ailleurs traitée de manière expéditive. Certes. Retrouver le géniteur africain est l'enjeu essentiel. Une quête qui, selon l'interprétation que l'on peut en faire, pourrait paraître vaine, quand on termine ce roman. Pourtant, et c'est tout le mérite du texte de Daeninckx, le romancier nous fait toucher la condition du métis dans une Europe complètement folle. Galadio. Ulrich. Question : est-ce qu'un prénom doit primer sur l'autre?Didier Daeninckx, Galadio
Edition Gallimard, Collection Folio, première parution en 2010, 153 pages
Autres critiques :
Raphael Adjobi
Claudia sur Lecture / Ecriture
Marronnages.com
Photo Didier Daeninckx -  © Serge Corrieras