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Marc Alexandre OHO BAMBE : Le chant des possibles

Par Gangoueus @lareus
Marc Alexandre OHO BAMBE : Le chant des possibles

Il y a quelques années, j’ai eu le plaisir d’écouter Capitaine Alexandre. C’était dans le cadre des rencontres d’Afriqua Paris que Penda Traoré et Astou Camara organisaient au restaurant l’Albarino Passy dans le seizième arrondissement de Paris.En dehors des médiatiques Grand Corps Malade, Abd El Malik ou de Souleymane Diamanka, je n’avais pas eu l’occasion d’entendre du slam. L’engagement des textes clamés du Capitaine Alexandre, c’est le souvenir que j’en gardais.Capitaine Alexandre donne une définition du slameur : « poète au sens où l’entendait Giono, c’est-à-dire de professeur d’espérance; enfant bâtard de la poésie classique et du royaume des ombres, qui préfère se frotter et se piquer à l’Autre, au réel sensible plutôt que s’enfermer dans les cénacles et les cercles intellectuels d’une élite qui pense le monde mais semble vivre en-dehors ». Cette posture exprimée en page 95 de son recueil de poésie, Le chant des possibles, ne manquera pas d’influencer mon commentaire. Du moins, je l’espère. Parce qu’elle ne m’autorise pas à lire la poésie de Marc Alexandre Oho Bambé comme celle des grands poètes africains et antillais, trop loin - selon lui - du petit peuple, trop loin des chants et champs de canne, trop loin de l’exclusion, des discriminations, enfermés dans leur tour d’ivoire. Mais que dit alors le Capitaine Alexandre? 

L’intro…diction nous donne une idée du projet du slameur camerounais. Elle évoque un homme en mouvement, parti du Cameroun, qui a parcouru plusieurs pays et qui revient en France, son point d’ancrage et constate la libération du parole xénophobe qui lui impose une mission : une prise de parole nécessaire pour peser sur le débat avec l’idée d’affirmer une soif d’ouverture et de diversité en France. Et tout de suite, les mots de Marc Alexandre Oho Bambé nous mettent face à la complexité de sa posture : « Nul n’est prophète en son pays » dit-on, très bien cela me convient car chez moi, je me sens nulle part, je vis je meurs et renais chaque jour entre deux rives, entre deux rêves, à la dérive mon esprit flotte, entre deux terres, deux mondes, deux modes de vie et partout je suis, je reste, un étrange étranger.
La prise de parole s’annonce complexe vu l’écartèlement culturel auquel doit faire face Capitaine Alexandre.  Quelle forme va prendre le discours de celui qui se définit comme un révolutionnaire sans frontières (RSF)? Ce jeu avec les sigles a quelque chose de particulièrement délicat. Reporters sans frontières, on comprend. Mais que signifie réellement être un révolutionnaire sans frontières? Ou en encore en se définissant comme un ROM (entendez par là, Résistant d’Outre-Mer), Capitaine Alexandre mélange des réalités où la race finit par s’introduire alors que le Rom aurait constitué une cristallisation intéressante du rejet de l’individu dans les sociétés occidentales et, en même temps,  l’obstination d’un groupe à se tenir en marge d’une société qui désire l’absorber et lisser les aspérités d'un mode de vie.
Je m’attarde sur l’intro…diction.
Capitaine Alexandre produit une poésie que je qualifierai de militante et quelque peu naïve. Elle se veut engagée, pamphlétaire mais elle reste trop vague dans ses observations. Elle ne pénètre pas la source du mal. L’origine de tous les maux. Elle préfère accuser, à juste titre, les auteurs de la souffrance de « nos peuples » (p.43, édition La Cheminante) plutôt que de travailler sur cette douleur et sortir de la victimisation. Il n’y a rien de plus dévastateur quand on veut penser le vivre ensemble. Disons-le, la poésie de Capitaine Alexandre est ennuyeuse quand elle s’embarque sur ces sables mouvants, avec une absence d’ancrage véritable. Pour parler du Cahier du retour au pays natal cité par le slameur, Césaire travaille l’homme au corps à corps, avec un positionnement clairement identifiable. Il est Noir et Antillais, il observe son île, pousse un cri prenant un appui saisissable.
Marc Alexandre Oho Bambé est plus intéressant quand il fait de la littérature. Quand il parle de son rapport à l’écriture. Quand il use de l’intertextualité avec maestria. On sent en lisant ses lignes un homme de culture qui sait lancer un clin d’oeil à l’héroïne de Julien Delmaire dans un poème, citer les grandes lectures qui ont bercé son adolescence : Kourouma, Eza Boto, Césaire, Dadié. Et c’est peut être là que sa poésie devient passionnante. Elle nous dit que les beaux mots, les mots justes, la littérature peut interpeler, élever l’homme qui se frotte à elle. Elle peut lui ouvrir des horizons, lui offrir des perspectives nouvelles. C’est aussi une réflexion sur la vocation. Pourquoi écrit-on quand on ne sait de quoi sera fait le lendemain?
Ecrire. 
Oui, écrire peut-être 
Que faire de ma vie avant ma mort? 
Ecrire. Peut-être à tort. Mais tant pis, j’écris. 
Et j’écrirai encore. Toujours plus fort. Car c’est bien de cela dont il s’agit, écrire.  
De préférence avant de mourir. 
Ecrire. Peut-être même pour ne pas mourir. 
Ecrire juste, écrire. Juste écrire.  
Jusqu’à l’Amour
P.93  Le chant des possibles, Marc Alexandre Oho Bambé
C’est de la poésie. C’est du slam. Certaines phases et phrases feront un effet que j’aimerais bien voir en live. Je pense  en particulier au texte panafricain God bless U.S.A. Mon avis est donc partagé. J’espère toutefois que vous vous ferez votre propre idée, en découvrant ce recueil de poésie ou en allant voir Capitaine Alexandre sur scène.Marc Alexandre OHO BAMBE, Le chant des possibles Editions La Cheminante, 1ère parution en 2014, 257 pages

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