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Me demandais dernièrement alors que j’entendais un solo de violoncelle à la radio ce qui me rendait si sensible à ce genre de musique sans orchestre et arrangements. Les bruits du frottement des doigts sur les cordes, la vibration brute. Et peut-être cette sensation à chaque fois que la note est juste au bord du vide, à la lisière du silence et raisonne dans ce grand corps creux de nuit. C’est la vibration de quelque chose au bord du précipice et en lequel elle se perd en tombant. Peut-être aussi ce qui me touche dans certaines oeuvres visuelles : que ce dont elles sont faites apparaisse dans sa nudité, la touche dans son tremblement, posée au milieu du tumulte, au bord de s’y laisser aspirer, au bord aussi de son absence. Et que ça ne soit que ça, tache humble, presque ordinaire, ou bruit. Simplicité désarmante à laquelle on bute, première.
En histoire de l’art, la nudité n’est pas le nu. Le nu s’habille de références et d’histoires qui en font une pièce d’un ensemble, la figure d’une évocation, d’un récit. Il est plein de conventions, port des significations. La nudité, c’est quand le corps nu se donne pour ce qu’il est sans pudeur. Il y a une nudité des formes quand elles ne renvoient à rien d’autre qu’à elles-mêmes. Et ça, c’est une invention moderne, sortir la réalité du récit. Image : aquarelle de Sean Scully.