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On ne s’est pas dirigés vers telle ou telle pratique avec l’idée de se loger dans une définition, de s’ajuster à un principe comme au tableau de Mendeleiev. Que l’on ne nous demande pas de choisir, que l’on ne nous demande pas de réduire l’empan de nos mains, l’envergure de notre curiosité, ça dépasse. Que l’on se définissent ? Cela dépend des jours, des inclinaisons en soi, des disponibilités pratiques ; et possible que la météo n’y soit pas pour tout dire tout à fait étrangère. On voudrait dire ordinaire et comme tout un chacun à vivre l’incompréhensible, se percevant comme une chambre parfois où se mêlent les bruits du dehors à ce qui s’y produit intimement. On nous dit bien que non. On voit bien que non. Alors ça viendrait de quoi que l’on écrive ou dessine quand d’autres passeraient outre ; qu’on ne puisse occulter ce qui se tient entre les choses ? Vrai que c'est une histoire d'artiste, cet entre. Chaque peintre le sait qui s'attarde entre les figures à son petit pan de jaune ou d'autre chose, les musiciens aussi qui modulent autour du silence et les écrivains travaillant pareillement cet écart. Que dire alors de Béatrice Rilos ? Que nous avons partagé un moment les ateliers des Beaux-arts, à Paris. Qu’elle y pratiquait plus particulièrement la performance (le mot déjà est vague). Qu’il y était question d’intime, de petits rituels, d’écriture aussi. Qu'elle fréquentait l'atelier de CHristian Boltanski. Qu’une fois j’avais écouté des extraits qu’elle faisait lire dans le dos de qui voulait bien s’y soumettre. Il y avait François Bon pas loin. Et puis un livre qui devait sortir au Seuil. A un autre moment elle me dira la compagnie de ses cactées alors que l’on traverse République à pied. Sur son blog tout le monde pourra suivre la cueillette patiente de ses exuvies et le dialogue avec Paul Armand Gette. Et d’autres livres encore témoignant de son histoire intime, du politique, de son usage littéraire ou romanesque de Twitter. Souvent les choses se mêleront entre fiction, biographie, esthétique de la forme. Aujourd’hui, elle nous donne à lire un récit presque halluciné, égrenant à rebours son histoire la plus personnelle et c’est peut-être de ça au fond dont il s’est toujours agit : se chercher soi dans la perspective du monde, remonter à ce creux depuis lequel nous percevons l'alentour.
Béatrice Rilos, Nous aurions dormi vingt ans, éditions Publie.nethttp://www.publie.net/fr/ebook/9782814596719/nous-aurions-dormi-vingt-ans, 2012.