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Après l’officialisation, en septembre, du lancement de programmes d’achats d’ABS (Asset-Backed Securities) par la BCE, les investisseurs ont tablé sur une expansion à 1 000 milliards d’euros du bilan de la banque centrale. Depuis, Mario Draghi n’a pas eu de communication claire à cet égard, hormis sur la durée des programmes qui s’étendront sur au moins deux ans. C’est une différence notable avec la Réserve Fédérale, qui a toujours pré-annoncé l’évolution mensuelle du montant de ses achats d’actifs, tant en phase d’expansion monétaire qu’en phase de resserrement, comme c’est le cas actuellement. Par conséquent, les marchés s’interrogent sur la capacité réelle de la BCE à injecter des liquidités dans l’économie pour relancer la croissance. L’essentiel des doutes exprimés sont excessifs. Il faut garder à l’esprit que les programmes de rachats d’ABS et d’obligations sécurisées n’auront pas d’effets immédiats, mais différés dans le temps. L’octroi de nouveaux crédits aux entreprises n’aura un impact perceptible sur l’économie que d’ici dix-huit à vingt-quatre mois. La frustration des marchés tient à la contradiction flagrante entre l’exigence de résultats à court-terme, formulée par les investisseurs, et le temps nécessaire pour qu’un cycle vertueux soit enclenché. Or, la banque centrale a déjà fait une partie du chemin. Son « pilotage implicite » du taux de change, grâce à l’abaissement de ses taux directeurs (taux directeur à 0,05%, taux de dépôt à -0,20%), a déjà permis la dépréciation de la monnaie unique face au dollar. Ce mécanisme n’est pas à négliger, puisqu’il peut favoriser non seulement l’amélioration de la compétitivité des entreprises exportatrices de la zone, mais aussi les inciter à demander davantage de crédits. Et du côté de l’offre, la BCE doit désormais passer la vitesse supérieure en élargissant le spectre des classes d’actifs, dans le secteur privé, éligibles aux rachats.
L’institution aurait entamé des travaux préparatoires en ce sens. On peut imaginer la banque centrale intégrer dans son bilan des actifs titrisés de crédit à la consommation, de crédit immobilier, de crédit infrastructurel ou de crédit aux collectivités, mais aussi, et cette idée est nouvelle, des obligations d’entreprises (corporate bonds) dont le gisement sur le marché est beaucoup plus important. Dans les pays européens en déflation, là où les demandes de crédit des entreprises ne sont pas exaucées, de telles initiatives permettraient de libérer à terme des sources de financement supplémentaires. En stimulant les divers segments du marché du crédit, la BCE peut faciliter l’accès à l’emprunt des agents économiques, donc contribuer à relancer la consommation et l’investissement et, in fine, amorcer une dynamique économique suffisamment robuste pour être durable. Les études académiques récentes ont démontré les effets positifs sur l’économie réelle, des programmes déployés par les banques centrales américaine et britannique : leurs mesures non conventionnelles auraient permis une accélération de l’inflation et de la croissance, 1% du PIB en achats d’actifs ayant permis une hausse du PIB réel de 0,36% aux Etats-Unis. L’acquisition de corporate bonds aurait un effet encore plus net sur les liquidités en circulation, contribuant ainsi à faire baisser l’euro et à importer de l’inflation, ce dont la zone a bien besoin pour sortir plus vite de la situation actuelle.
À propos de l'auteur : Christian Jimenez est p-dg de Diamant Bleu Gestion, une société de gestion, et professeur agrégé d'économie.