24 May 2008
Ce qui se passe en ce moment aux Etats-Unis est exceptionnel. Il faut s’y intéresser car il se pourrait qu’un jour il arrive la même chose en France, c’est-à-dire qu’un(e) Noir(e) soit opposé(e) à un(e) Blanc(he) lors de l’élection présidentielle.
Dans un pays aussi communautariste que les Etats-Unis, la question de la “race” est de moins en moins tabou au fur et à mesure que Barack Obama se rapproche de la Maison-Blanche. En témoigne cette question posée aux journalistes par une électrice de l’Indiana :
“Est-ce que je suis raciste parce que je n’ai pas envie de voter Obama ?”
Les interrogations sur les origines d’Obama ont occulté complètement le débat démocratique tout au long de la campagne. Suis-je misogyne si je n’ai pas envie de voter Hillary ? Suis-je raciste si je n’ai pas envie de voter Barack ?
Un sondage à la sortie des urnes réalisé auprès de 34 000 personnes durant les 27 primaires démocrates a posé pour la première fois la question de la “race” :
“Lors de votre choix d’aujourd’hui, la race était-elle le facteur le plus important, un des plus importants ou un facteur pas du tout important ?”
Comme l’explique Corine Lesnes sur son blog, en s’appuyant sur un éditorial du Washington Post, les résultats sont plus compliqués qu’il n’y paraît.
- 6 % des électeurs ont dit que la “race” était le facteur le plus important
- 13 % ont dit que c’était un facteur important parmi d’autres
- Le reste a dit que la “race” n’avait pas eu du tout d’importance
Est-ce à dire que 19% des électeurs américains sont des racistes ?
Ou alors, et comme le révèle les détails de ces résultats, est-ce que les 29% de Noirs qui ont répondu que le facteur “race” était un des plus importants n’ont pas simplement envie de voir à la tête de leur pays un homme issu de leur communauté, ce qui représenterait quelque chose d’absolument positif pour eux ?
Du côté des Blancs, 31% de ceux qui ont répondu que la “race” était l’un des facteurs les plus importants ont voté Barack Obama (84 % en Virginie Occidentale et 81 % dans le Mississippi) et 65% pour Hillary Clinton. C’est encore plus frappant dans le Vermont où 61% des Blancs qui ont répondu que la “race” était un facteur important ont voté Obama.
Diriez-vous toujours que les 19% d’électeurs américains qui ont répondu que la “race” était un facteur important sont des racistes ?
On crie trop vite au racisme sans se rendre compte que les Américains sont peut-être déjà au-dessus de cette question et préfèrent simplement les positions d’Obama aux positions de Clinton, ou voient dans un candidat noir ou une candidate un symbôle extrêmement positif. On a confondu le vote “couleur” avec le vote communautariste et le vote d’opinion, tout simplement : l’électrice d’Indiana n’a pas envie de voter Obama tout simplement parce qu’elle n’adhère pas à certaines de ses positions.
Si un jour le cas se présentait en France, les électeurs français arriveraient-ils à dépasser la question de la “race” pour s’intéresser au débat de fond ? Comment répondraient-ils au sondage sur lequel s’appuie cet article ?
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