Moshe Gershuni ''Untitled'' (1994)
Dimanche 19 octobre, il est aux alentours de 15h et il fait encore très beau pour une mi-octobre à Berlin. Je décide alors de me rendre à la Neue Nationalgalerie pour y voir l'exposition ''No Father No Mother'' de Moshe Gershuni, artiste juif né à Tel-Aviv en 1936 et jusque-là, inconnu au bataillon. Depuis trente ans, celle-ci est la première en solo de l'artiste en Europe. C'est également la première exposition à la Neue Nationalgalerie consacrée entièrement à un artiste juif. Des peintures allant de 1979 à 2011 y sont montrées et l'intitulé de l'exposition provient d'un ensemble de travaux de 1998 où ''No Father No Mother'' apparaît à plusieurs reprises. Le titre confère aux peintures, une voix fantomatique, une figure sinistre mais familière aux souvenirs troubles et à l'histoire refoulée. Une œuvre de 1979 ''Who's Zionist and who isn't'' ouvre l'exposition. Cette phrase en rouge, est écrite en hébreux sur le mûr et force quasiment le visiteur à prendre parti, à faire un choix : oui ou non, tu l'es ou tu ne l'es pas.
Moshe Gershuni ''Four serious songs - And now these three remain : faith, hope, love.'' (1986)
En 1980, après une décennie en tant qu'artiste conceptuel se focalisant alors sur les structures linguistiques, Gershuni adopte à nouveau la peinture comme mode de création. Il travaille alors à l'horizontale, à quatre pattes ramenant la tête au niveau de ses fesses, ce qui selon l'artiste lui-même donne un autre sens au terme ''réfléchir''. Il dit alors créer en ''réfléchissant de manière inconsciente'', comme une sorte d'intelligence sensible, immédiate et primaire. Il couvre le sol avec des feuilles de papier et rampe, peint en animal ou en enfant par-dessus, ses mains, ses doigts pleins de peinture. Ses constellations picturales arborent également des mots, des phrases, des symboles. La topographie perturbée de la surface peinte est agitée d'inscriptions hébraïques bavardes, telles que : ''And now these three remain : faith, hope, love.'' ou encore ''Good soldier''.
Moshe Gershuni ''Good soldier'' (1981)
Durant les années 1980 et 1990 Gershuni qualifie ses peintures comme le résultat de performances jouées, telles des sacrifices païens, des sermons prophétiques, des spectacles de travestis, une comédie musicale, une prière juive, un sacrement. Les symboles (l'étoile de David, la Swastika, l'étoile Islamic, le croissant de lune) et inscriptions liturgiques en hébreux intégrés à ses peintures, leurs confèrent une dualité conflictuelle permanente: foi et doute, grâce et damnation, spiritualité et physicalité.
Une exposition en sous-sol, au contenu agité, dans écrin silencieux et à l'issue ensoleillée une fois le parvis de la Neue Nationalgalerie retrouvé.
Cyril
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Moshe Gershuni ''No Father No Mother''
du 13.09 au 31.12.2014
à la Neue Nationalgalerie de Berlin
Potsdamer Straße 50
10785 Berlin