Jean-Michel Ribes et François Bernheim, les deux hommes à l'origine de ce nouveau festival musical parisien
Jean-Michel Ribes et François Bernheim sont à l'initiative d'un nouveau festival parisien. "Touche Française" (c'est son nom) a duré deux jours, le week-end dernier et a permis de découvrir de jeunes talents mais aussi des artistes confirmés dans le cadre du magnifique théâtre du Rond Point.
Dimanche, c'est "Milk, Coffe And Sugar", duo hip-hop parisien qui a ouvert les festivités. Pour les avoir vus sur scène quelques fois déjà, je me demandais ce que pouvait bien donner la transposition du live bourré d'énergie du groupe, en version "acoustique" piano/voix.
Et là, surprise : C'est à une vraie transfiguration que le public a pu assister. Le texte présenté sur des arrangements dépouillés (trompette ou piano) a pris plus de place que d'ordinaire et je me suis surprise à soupeser chaque mot, à apprécier chaque formule qui jusque là avait pu -parfois- m'échapper, à m'émouvoir franchement de certains textes, beaux à pleurer.
Attention, si Gaël et Edgar ont adapté leur concert aux conditions exceptionnelles qui leur étaient offertes, ils n'ont pas pour autant renoncé à ce qui fait pour beaucoup le charme de leurs lives : faire participer, en le faisant chanter et en l'invitant à danser, le public.
Le concert de dimanche s'est ouvert sur un solo au piano (tout en délicatesse) de Guillaume Poncelet (qu'on a aussi pu écouter à la trompette un peu plus tard) qui donnait le ton; plutôt intimiste.
Puis Gaël et Edgar sont entrés en scène à leur tour, dans la pénombre, et ont attaqué avec "je vis".
Ils ont interprété leur rap qui se situe loin des caricatures du genre, lookés comme pour un déjeuner dominical en famille, tenue insolite s'il en est pour un concert de "musique urbaine".
Accompagnés de mélodies soignées, "Milk, Coffee and Sugar" s'appuie avant tout sur des textes forts particulièrement bien mis en valeur par la subtilité des arrangements de cette version acoustique.
Leurs textes puissants, qui accompagnent l'auditeur un moment, donnent à réfléchir.
Ils s'amusent eux mêmes de cette situation inédite, se retrouver dans un cadre si prestigieux : "On peut dire que le hip hop s'institutionnalise; on est dans un théâtre, dans un quartier chic et on porte des chaussures de grand-père. En plus depuis deux jours on est commissaires. Oui, on est commissaires d'une exposition à La Rochelle. Comme quoi, on peut faire du rap et être commissaires, hein : Les choses changent".
Sur "Dinosaures", le ton monte, le verbe se fait fougueux puis "ici là-bas" fait danser le public.
Quand arrivent "Charivari" et "Prévu / Pas prévu", en fin de concert, le duo fait se lever la salle et la température monte d'un cran.
Ca chante et danse (le calypso) gaiement.
Puis, pour les deux derniers morceaux, ils invitent la délicieuse Mariama sur "Freedom" et le set s'achève sur une version complètement revisitée du "couleur café" de Gainsbourg (qui se déguste avec eux en version lait sucré, forcément!).
Ovation clairement méritée.
Intense et vibrant, on n'en attendait pas tant et devant l'excellente surprise de ces nouvelles versions peut-être plus chargées encore en émotions que celles dont elles sont inspirées, on se prend à rêver à une nouvelle tournée et peut-être à un CD live qui suivrait...
Qui sait?
Changement de salle ensuite pour découvrir "Dawn".
La jeune femme est accompagnée sur scène par trois musiciens, tapis dans l'ombre la plupart du temps et ce n'est pas leur faire offense que de dire que, de toute façon, lumière ou pas, on ne les voit pas : Devant nous, lorsqu'Aurore, la chanteuse de "Dawn" s'installe, elle capte toute l'attention.
Ca ne tient pas à son insolite coiffe fleurie, non. Pas seulement en tout cas.
C'est sa façon de se mouvoir qui fascine un peu. Elle ondule lascivement et ses mouvements deviennent parfois hypnotiques. Envoûtants.
On est comme happé par sa voix, cristalline, à la Regina Spektor (pour le timbre) mais dont le chant évoque parfois les effets qu'on peut entendre chez Björk ou encore Keren Ann, sur certains morceaux.
D'une grâce inouïe, ce concert donne tout simplement envie d'y revenir, bientôt, pour retrouver un peu de la magie de ce moment d'exception.
C'est pour Dick Annegarn que Dawn a ouvert la soirée du festival.
Le hollandais qui jongle avec virtuosité avec notre chère langue française a joué ses morceaux l'oeil qui frise, comme toujours, avec cet humour incomparable qui est sa signature et qui rend si charmantes les transitions qu'il improvise entre les morceaux.
Il débute le concert seul à la guitare (sur "le grand dîner") puis il est rejoint par ses musiciens : d'abord au violoncelle, au violon et à l'alto, ils seront ensuite amenés à s'installer au clavier ou à la guitare.
Sa poésie absurde fait mouche et on aime autant la musique et les textes que le personnage lui-même, attendrissant et drôle. Irrésistible en somme.
On ne peut s'empêcher de remarquer que le théâtre du Rond Point est un endroit qui convient parfaitement à Dick Annergan. Dans ce temple des adorateurs des bons mots, il semble comme un poisson dans l'eau.
C'est ensuite Babx qui s'installe, au piano, accompagné de Sébastien Gatine, à la contrebasse.
D'emblée, il s'amuse de ce que lui et son compère ont pris du galon : "Il y a 15 ans qu'on n'a pas joué ici. A l'époque on interprétait un texte de Roland Topor "Je m'aime" (qu'il jouera d'ailleurs à nouveau, en guise de clin d'oeil/hommage, ce dimanche soir), qu'on jouait au bar à côté. Comme quoi, on a monté en grade", raconte-t'il, visiblement réjoui.
Il enchaine les titres, dont on connait déjà la beauté mais qu'on a plaisir à redécouvrir dans de telles conditions, joués devant un public si attentif qu'il semble presque recueilli.
"J'ai été déconcentré par votre silence" plaisante Babx en attaquant "Naomi aime" sur lequel il a demandé à son public (ultra-respectueux mais du coup resté mutique) de chanter les choeurs.
"Petite fille gâte", "8h04", "Little Odessa", "Tchador Woman", "Mourir au Japon", "Crack Maniac"...
C'est un florilège de ses meilleurs morceaux que l'on découvre ce dimanche soir.
Il termine sur le gracieux "Helsinki". Sombre et lancinant.
Idéale conclusion d'un concert d'une parfaite élégance. A l'image de l'artiste qu'est Babx.
Ce dernier jour de festival s'achève pour moi avec le concert de Jeanne Cherhal, maman d'une ravissante fraicheur qui est venue ce soir avec son tout jeune bébé pour jouer en version piano solo.
Ca fait un moment qu'elle ne s'était pas produite dans cette disposition là.
Elle plaisante d'ailleurs, en évoquant ses débuts, qu'elle a beaucoup aimé dans ces conditions un peu spartiates ("c'était moi, mon AX et mon clavie") mais qu'elle a volontiers abandonnées lorsqu'on lui a proposé des musiciens pour l'accompagner "parce que c'est quand même drôlement bien de pouvoir partager ses pâtes, après le concert, avec quelqu'un, vous savez". Sourires sincères, connivence immédiate : Bien joué!
Elle arrive dans un impeccable costume blanc et s'offre même une entrée façon cabaret , en décalé dans la soirée, mais qui fait son petit effet. Ce n'est un secret pour personne, cette fille a un talent particulier pour la scène; on le vérifie ce dimanche soir en partageant un moment qu'elle réussit à rendre unique, un moment où l'on oscille entre sourire et larmes avec un plaisir constant. Loquace et souriante, Jeanne Cherhal fut, comme à son habitude, délicieuse.
On se régale de ses titres, tout autant de ses "vieilleries" ("5 ou 6 années") que de ses nouveautés (mention spéciale à ce titre que je ne connais pas et qui mêle termes de bureautique et suggestions érotiques) (Délectable découverte du concert).
Pour le rappel elle annonce qu'elle va interpréter sa chanson préférée et entame, au piano le "Nantes" de Barbara et là, impossible de retenir les larmes qui montent malgré moi : Trop d'émotion sans doute, son interprétation me cloue littéralement sur place.
Ovationnée par un public debout, j'ai peine à trouver les mots pour dire toute l'admiration que j'ai pour cette artiste parfaite jusque dans le fait d'assumer avec humour tous ses vilains petits défauts.
La soirée s'achèvera avec un concert de Patricia Kaas mais pour ma part, je m'arrête là. Je ne vois pas comment on peut donner une suite à ce genre de vive émotion. Il faut rester dessus et en apprécier chaque seconde la lente disparition.
Espérons que ce festival "Touche Française" sera reconduit car les deux soirées ont été l'occasion de passer de vrais beaux moments dans des conditions exceptionnelles et en bonne compagnie.
Bravo pour l'excellente programmation, pour la qualité du son et des lumières dans les deux salles mobilisées pour les concerts.
L'année prochain, si le Rond Point remet ça, assurément, j'en suis!
Toi aussi?
A noter que pour retrouver toute la programmation du festival tu peux aller faire un tour par ici.
Et que le billet à propos du concert d'ouverture de samedi, concert de Maissiat, est à retrouver par là.