Merci Paul McCarthy. Grâce à vous, nous avons été nombreux ces derniers jours à découvrir le plug anal et surtout, vous nous avez rappelé, bien malgré vous, l’importance de la liberté de la création artistique. Comme l’a justement dit le directeur de la Monnaie de Paris, où vous exposez en ce moment, la liberté d’expression est bien la toute première des libertés et il semble, en 2014, mal venu de l’oublier.
Nous avons tous suivi, de près ou de loin, l’affaire de la place Vendôme. L’oeuvre Tree y était exposée, ballon gonflable représentant un arbre de Noël dont l’inspiration vient à la fois de Brancusi, d’un sextoy, ou tout simplement d’un sapin. La commande avait été chapeautée par trois organismes : la FIAC, la Monnaie de Paris et évidemment le Comité Vendôme qui donne chaque année son avis sur une oeuvre monumentale in situ.
Alors si Paris a été le lieu où l’art a perdu sa liberté, c’est aussi la ville qui ne manque pas de l’accepter, en témoigne l’offre artistique et culturelle incroyable au moment de la FIAC. Les personnalités politiques n’ont pas manqué de se prononcer sur ce scandale, car oui, c’est bien un scandale. Mais so 1917 ! Cette année où Marcel Duchamp provoqua ses pairs en testant leur ouverture d’esprit avec sa fameuse Fontaine (Urinoir) et qui malgré tout a eu le droit d’exister. On respectait l’artiste. Ce qui n’a pas été le cas de Paul McCarthy qui non seulement a vu son oeuvre vandalisée mais qui a aussi été physiquement touché. Et on ressent clairement son traumatisme lorsque l’on visite son exposition à la Monnaie de Paris.
Il y a en fait trois expositions. D’abord, une forêt de structures gonflables, à qualifier soi-même selon le directeur de la Monnaie. Oui, l’art est dans le regard des spectateurs, comme ne manque pas de nous le suggérer ce cher R. Mutt.
Chocolate Factory, Paul McCarthy Monnaie de Paris ©Marc Domage Courtesy de l’artiste et Galerie Hauser & Wirth
Puis vient la Chocolate Factory, petite usine de chocolats dont l’odeur saturée régale puis dérange. C’est là le coeur de l’exposition, une réflexion sur la société de consommation, une sorte de miroir sémantique entre cette société gloutonne et le lieu même, la Monnaie, où l’on frappe l’euro.
Chocolate Factory, Paul McCarthy Monnaie de Paris ©Marc Domage Courtesy de l’artiste et Galerie Hauser & Wirth
Enfin, la troisième « exposition », c’est l’installation vidéo faite au dernier moment par l’artiste, suite à son agression. Comme pour l’odeur de chocolat, c’est plus une sensation qu’une exposition, l’atmosphère dans laquelle il nous plonge est oppressante et se veut vecteur du malaise de l’artiste.
Chocolate Factory, Paul McCarthy Monnaie de Paris ©Marc Domage Courtesy de l’artiste et Galerie Hauser & Wirth
D’ailleurs, il n’était pas présent à la conférence de presse ouvrant l’exposition, reparti chez lui accablé selon le directeur de la Monnaie, en train de fumer une cigarette devant l’entrée selon moi.
Merci Paul McCarthy. Oui, merci car cette exposition n’a finalement ni queue ni tête. Le Pop Art s’était fait critique de la société de consommation, il y a cinquante ans déjà. Le chocolat fabriqué ne se déguste pas mais une réplique exécutée par une vraie chocolaterie est en vente à la sortie. Vous pouvez donc devenir l’heureux propriétaire d’un sapin/plug anal en chocolat pour le doux prix de 50 €. Hum… « faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais ». Et s’il est primordial de respecter l’oeuvre d’un artiste, le travail d’un artisan, il n’est pas exempt de critiques. Le Tree de la place Vendôme est le type même d’un art contemporain sans aucun sens que celui de la provocation, bien loin des excellentes propositions de la FIAC cette année, dont le seul défaut a été d’être moins voyantes. Philippe Dagen, éminent spécialiste de l’art contemporain, rappelle dans sa colonne du Monde, l’absurdité de la spéculation sur de telles oeuvres, simplement et purement provocatrices, sans réflexion autre, oeuvres qui en plus confortent les détracteurs de l’art contemporain dans leurs positions.
Merci Paul McCarthy de nous montrer aujourd’hui les dérives des spectateurs d’art et celles de l’art lui-même. Bien sûr, il ne faut surtout pas prendre en considération ces quelques âmes en peine, suppôts de la Manif pour tous et vandales à leurs heures perdues. Nous sommes une grande majorité d’amateurs d’art, prêts à voir, à comprendre, à aimer et à acheter de l’art contemporain. Mais seulement voilà, le caniche de Koons ne nous suffit plus, il nous faut de l’art, de l’ART !
Pour se faire sa propre opinion :
MONNAIE DE PARIS
11 quai de Conti, 75006 Paris
Tous les jours de 11h à 19h
Nocturne le jeudi jusqu’à 22h
Plein tarif : 8 € / tarif réduit : 5 €