On pose très souvent la question suivante aux féministes ; "est-ce que le combat féministe doit seulement être porté par les femmes" avec en corollaire "pourquoi vous insurgez-vous sur les plateaux télés de la présence plus forte d'homme, au fond un homme est tout aussi apte à parler de sexisme qu'une femme".
Avant de commencer à étudier ces deux points, définissons ce qu'est le sexisme. Le sexisme est un système social qui divise l'humanité en deux catégories de genre, à qui sont assignées des stéréotypes. De là en découlent la discrimination des femmes, des violences de genre envers les femmes, et la dépréciation systématique et systémique du féminin. Le sexisme valorise ce qui est considéré comme masculin et dévalorise ce qui est considéré comme féminin ; il évolue donc dans le temps et l'espace (les activités considérées comme masculines et féminines ne sont pas les mêmes selon les époques et les lieux). Les hommes sont soumis au genre auquel ils sont assignés et ainsi on moquera certains hommes qui aimeraient telle ou telle activité considérée comme féminine. Mais ce qu'on moque c'est qu'un homme puisse aimer une activité aussi nulle, aussi sans intérêt, aussi ridicule que seule une femme peut aimer. Lorsqu'une femme souhaitera, elle, exercer une activité dite masculine (la politique par exemple) on lui rétorquera qu'elle n'est pas compétente pour cela. On ne moquera pas la dite activité. C'est donc en cela que le sexisme doit être compris comme un système qui oppresse les femmes et uniquement les femmes. Il est donc parfaitement inutile de parler de sexisme anti-hommes qui a autant de pertinence que le dahu chevauchant une licorne. Cela ne signifie pas que les hommes ne souffrent pas des stéréotypes auxquels ils sont soumis ; cela signifie simplement que ces stéréotypes sont valorisés (il faut être un homme quand on a un pénis et c'est bien de l'être) alors que les stéréotypes féminins ne le sont pas (il faut être une femme quand on a un vagin et c'est nul de l'être).
Nous vivons dans une monde où le genre est la première chose qui importe. Lorsqu'on croise quelqu'un, on est conditionné en un millième de seconde à lui attribuer un genre. L'indifférenciation sexuelle terrifie. Une des premières questions posées face à un nouveau-né est de savoir son genre.
Et pourtant nombre d'entre vous pensent, tout d'un coup, que pour parler misogynie, le genre n'aurait plus d'importance ? Tout dans notre société vise à sexualiser les gens et à les différencier en deux groupes très distincts mais vous seriez d'un coup aveugle au genre lorsque des hommes veulent parler de misogynie.
Dans un monde idéal, peut-être en effet que cela n'aurait aucune importance, peut-être qu'on serait indifférent au genre mais en ce cas on n'aurait pas besoin d'en parler vu que la misogynie n'existerait plus.
Est ce qu'une femme est plus compétente à parler de sexisme ?
Je suis chaque fois surprise de cette question qui est souvent accompagnée d'un "et Morano et Boutin haha elles sont aptes elles haha" . Personne ne s'est jamais ému de l'aptitude d'un homme, parce qu'il est homme, à parler d'un quelconque sujet. Lors des débats sur la parité, alors que l'assemblée nationale et le sénat étaient très majoritairement masculins (ce qui n'a pas beaucoup changé) d'un coup s'est posée cette question qui n'avait jamais surgi avant. C'était comme si l'on découvrait l'existence du mot "compétence". Tous les hommes politiques à l'AN ou au sénat étaient compétents par défaut - ou du moins on leur faisait l'honneur de le croire - alors que toutes les femmes qui allaient bénéficier de la loi sur la parité étaient par défaut incompétentes. Et l'on entendait des hommes expliquer doctement qu'ils préféraient eux, à notre place, de ne pas nommer du tout plutôt que de bénéficier d'un tel affront. Sachant qu'on a estimé que sans la parité il faudrait quelques 400 ans pour arriver à une parité "naturelle", la phrase ne manquait pas de sel. Nul n'a - à part les féministes - questionné l'idée que les quelques 80% d'hommes présents n'étaient peut-être pas davantage compétents. La question de la présence des hommes aux postés clés de la société (media, économie, politique, travail) n'est jamais questionnée. Il faut dire que dés notre plus jeune âge, nous sommes conditionnés par les livres pour enfants, les livres scolaires, l'éducation en général à apprendre que les hommes font (ils sont faits pour cela) et les femmes regardent.
Le sexisme a d'abord été étudié et ce, depuis plus d'une centaine d'années par des femmes ; cela n'a rien d'illogique ; elles étaient victimes d'un système sexiste, elles ont donc cherché à l'analyser. Celles qui l'ont fait ont donc acquis une compétence sur le sujet et sont nombreuses dans les associations, les universités, la vie civile à maîtriser parfaitement ces sujets et ce dans tous les domaines. Il convient de comprendre également qu'on est davantage susceptible de voir des mécanismes sexistes car on les subit ; la distanciation neutre qu'auraient les hommes aide simplement à ne pas voir le sexisme pas à mieux l'appréhender du haut de la tour d'ivoire que serait la neutralité objective masculine.
Il ne s'agit donc pas de dire "n'importe quelle femme peut parler du sexisme" mais de se demander pourquoi les femmes compétentes sur ces sujets ne sont pas invitées.
Pourquoi estime-t-on qu'un homme, à peu près n'importe lequel (je vous invite à consulter la composition des plateaux télé ayant eu pour thème le sexisme) serait apte à parler de sexisme alors que les femmes qui ont étudié ces sujets ne le seraient pas ?
Prenons un parent qui a fait un gâteau. Il offre 80% de ce gâteau à un de ses enfants et 20% à l'autre et ce sans aucune raison. Puis il se ravise et réduit la part du premier à 50% pour que chacun ait une part égale. Vous trouveriez la situation juste. Et pourtant, réduire la présence masculine sur les plateaux télé vous semble d'un coup le comble de l'injustice alors qu'ils l'occupent depuis que la télé existe et sans le moindre état d'âme. D'un coup selon certains, les féministes voudraient priver les hommes de quelque chose sans qu'on se demande jamais qui est privé en fait. Si l'on passe de 80% de présence dans les media à 50%, on n'est pas privé : on revient à une situation juste.
Pire il faudrait que des hommes qui n'ont jamais étudié ces sujets, (mais qui ont par la magie d'être hommes une compétence sur à peu près tout en témoignent les Onfray, les Finkielkraut, les Zemmour et c'est la même chose en télévision qu'un Taddei soit à la fois spécialiste en histoire de l'art et sur tous les sujets sociaux, politiques et économiques me laisse coite d'admiration) soit invités tant ils ont par défaut une compétence.
Donc pour répondre simplement et de façon concise à la question "faut-il inviter davantage des femmes pour parler de sexisme".
Au premier trimestre 2013, une étude du CSA dit "Qu’elles soient témoin ou experte, en plateau ou en reportage, les femmes intervenant dans les sujets des journaux télévisés des chaînes généralistes occupent une place marginale et surtout qui n’évolue quasiment pas dans le temps ou très lentement. Leur taux de présence s’établit en moyenne (toutes chaînes confondues) à 18.9% sur le 1er trimestre 2013. France 3 est la seule chaîne à se situer au-delà de 20% tandis que Canal Plus enregistre le plus faible taux avec 15,8% de femmes intervenants dans les sujets de ses éditions".
Ma réponse sera donc simple ; il faut davantage inviter de femmes expertes, sur tous les sujets. Il faut cesser de croire que l'expert serait par défaut un homme blanc quinquagénaire.
Tant que nous vivrons dans une société sexuée - et cela n'est pas demain la veille que cela va changer - alors nous devrons comptabiliser la présence des femmes à l'antenne et pratiquer la discrimination positive c'est à dire faire attention à qui est invité et privilégier les femmes.
Nous sommes habitués à ne pas voir de femmes ; il n'y a pas de femmes avec des rôles importants (et non liés aux hommes) dans les livres pour enfants, les films, les livres d'histoire. On n'étudie que peu les femmes artistes. Les couvertures de magazines représentent en général des hommes, qu'ils soient politiques, acteurs etc. Les plateaux télé, les lieux publics sont occupés par des hommes. Nous sommes conditionnés à penser que le sachant "par défaut" est un homme blanc. La seule et unique manière de faire évoluer les choses est donc d'imposer des femmes. Penser que ces femmes ne seront pas compétentes émane ni plus ni moins de préjugés sexistes, puisque cette question ne s'est jamais posée face aux hommes qui étaient invités.