A l'ère des nouvelles technologies, j'avais apprécié cette invitation manuscrite, avec des lettres arrondies, des belles anglaises sur un carton épais. Une amie travaillant maintenant dans les relations avec la presse et dans la communication des marques de luxe de son groupe, avait eu la bonne idée de réunir de "vieilles copines" de notre école de commerce, celle où nous avions toutes passées nos cinq années avant de sortir avec un mastère spécialisé. Un groupe soudé alors par des cours communs, des devoirs et des beuveries ensemble, mais aussi parfois par des colocations entassées.
Serait-elle toujours aussi mince, aussi sobre dans ses vêtements, parfois on se moquait de ce minimalisme quasi Ikea de la mode. Elle rigolait en nous époustouflant avec une jupe zippée et impeccable, un top en coton apparemment sans forme qui tombait à merveille, son corps peut-être aidait à ce tout réussi.
Six années déjà, avions-nous changé ? un peu, beaucoup, pas du tout ? Ma meilleure copine était parti en Allemagne pour un groupe de chimie, pour suivre ce beau blond devenu son mari, elle était enceinte de deux bébés. Sa grossesse l'empêchait de venir jusqu'à nous. D'autres contacts dilués par le temps et par les affinités naturellement dégradées par la distance, me donnaient parfois des signes de vies via Fb, on discutait fringues, famille et boulot.
Les années passaient, les célibataires restaient, les séductrices se mariaient et avaient quelques enfants, les faire-parts circulaient. D'autres avaient oublié ce pan-là pour se consacrer à leur job d'enfer, pour grimper à la sueur de trop nombreuses heures de présence, de réunions et de rapports, dans les étages du management. Quelques rares cas, sautaient d'un boulot à l'autre, en quête d'un job idéal, impossible, et souvent finissaient par créer leur emploi sur-mesure.
Je les verrai ce soir, derrière ce porche, ce code et sa porte automatique, en haut de cet ascenseur parisien grillagé, chic au creux de cet escalier en marbre.
La tenue avait été un exercice, comment continuer à être soi quand des années auparavant on avait vécu entre jean et tee-shirt, parfois pull moelleux. Mais depuis j'avais changé de clans, surtout depuis quelques mois, encore plus. J'avais choisi de mettre mes jambes en valeur, de porter des jupes, des robes, des tuniques même durant l'été. Ma féminité simple était devenu une part de moi, et récemment un point de séduction.
Collants opaques au début, collants fins, jupes longues puis au genou, puis courtes, j'avais tout essayé, pas tout adopté, mais mes collègues m'avait rassurée. Chaque jour, je jonglais donc entre le tailleur pantalon et le tailleur jupe, avec des bijoux pour marquer mon style, un peu de maquillage.
Ce soir, j'avais choisi la guîpure mais avec un collant rouge, un peu flashy, très opaque, mon caractère pour sortir ce soir, me montrer avec une présence différente, avec mon moi actuel. Après tout je ne venais pas pour être l'étudiante discrète de nos soirées passées. J'étais heureuse, mon petit ami m'accompagnait, j'étais bien.
Nylonement
Octobre rose 2014