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comment piéger un mari volage

Publié le 27 octobre 2014 par Dubruel

d'après SAUVÉE de Maupassant

Sur le canapé, La baronne des É. avait jeté

Le livre qu’elle lisait

Et regardait avec curiosité

Son amie Elvire

Qui venait d’entrer

En éclatant de rire.

Elle lui demanda :

-« Mais qu’est-ce que tu as ? »

-« Oh ! Ma chère…figure-toi…Je suis sauvée !...

-« Sauvée de quoi ! »..-« De mon mari, délivrée !

Je tiens le divorce ! »

-« Tu Divorces ? »

-« Non, pas encore ! Mais j’ai des preuves…

D’incontestables preuves…

Il me trompe !…un flagrant délit !

Songe…Je le tiens, mon mari ! »

-« Comment as-tu fait ? »

-« Comment j’ai fait ?

Depuis trois mois, il était devenu odieux

Grossier, brutal, monstrueux.

Je me suis dit : Ça ne peut pas durer ;

Il me faut divorcer.

Mais ça n’a pas été aisé.

Je lui ai demandé de me frapper.

Il a refusé.

Il me contrariait tout le temps,

Me forçait à sortir quand je ne voulais pas

Ou me contraignait à rester chez moi

Quand je désirais diner au restaurant.

Insupportable, n’est-ce pas ?

Tu es d’accord, dis-moi ?

Puis j’ai découvert qu’il me trompait.

Alors, devine ce que j’ai fait ?

J’ai prié mon frère Andrés

De me procurer une photographie

De sa maîtresse. »

-« De la maîtresse de ton mari ? »

-« Oui. J’avais besoin de savoir tout

Sur sa taille, sa poitrine, son teint, ses goûts… »

-« Je ne comprends pas. »

-« Quand j’ai connu tout cela,

Je me suis rendue chez …un agent…

De complicité…,

Un enquêteur privé,

Un de ces hommes…enfin tu comprends. »

-« Oui, à peu près. Et que lui as-tu dit ? »

-« Je lui ai montré la photo de Julie,

Sa maitresse s’appelle Julie.

Et je lui ai dit :

’’ Il me faut une femme de chambre qui

Ressemble à ce portrait-ci

Et qu’elle soit propre, honnête et jolie

D’avance, j’accepte votre prix.

Comprenez mon astucieuse ficelle :

Mon mari me trompe à l’hôtel.

Je veux qu’il me trompe chez moi…

Et le surprendre ici, cette fois. ’’

’’ Cette photographie

Représente la maîtresse de votre mari ? ’’

’’ Oui.’’ -’’ Belle personne ! Et quel parfum ? ’’

-’’ Comment, quel parfum ? ’’

-’’ Le parfum est essentiel pour la séduction.

Il prédispose à l’action.

Il me faudrait savoir aussi

Ce que monsieur votre mari

Mange quand il dine avec sa…

Vous devrez lui servir les mêmes plats

Le jour où vous voulez le pincer.

Oh ! Madame, nous le tenons,

Nous le tenons ! ’’

Je m’en allai enchantée.

J’étais tombée vraiment

Sur un homme intelligent.

Six jours plus tard,

Se présentait chez moi vers six heures du soir

Une grande fille, l’air hardi,

Roué, brune et très jolie.

Je lui dis : -’’ Bonsoir, mademoiselle ’’

’’ Oh ! Madame peut m’appeler Adèle.’’

’’ Vous savez pourquoi vous êtes ici ? ’’

’’ Je m’en doute, madame, oui.’’

’’ Fort bien…et cela…

Ne vous ennuie pas ? ’’

’’ C’est le huitième divorce que je fais,

Je suis habituée.’’

’’ Pour réussir, vous faut-il longtemps ? ’’

’’ Cela dépend du tempérament de Monsieur.

Dès que j’aurai vu un moment Monsieur,

Je pourrai vous répondre exactement.’’

-‘’ Vous le verrez tantôt,

Mais je vous préviens :

Il n’est pas beau. ’’

’’ Cela ne fait rien.

J’en ai déjà eu de très laids.

Quel est le parfum de la dame, s’il vous plait ? ’’

’’ Le jasmin.’’

-’’ Tant mieux, madame, je l’aime bien !

Et porte-t-elle

Du linge de soie ? ’’

’’ Non. De la batiste avec des dentelles.’’

’’ Alors, c’est une personne comme il faut.

Le linge de soie

Fait commun, plutôt. ’’

Une heure plus tard, rentrait mon mari.

Adèle, accorte,

Alla lui ouvrir la porte

Sans lever les yeux sur lui.

Mais mon mari leva les yeux sur elle, lui !

Quand elle le fit

Entrer dans mon cabinet,

Elle sentait déjà le jasmin à plein nez.

Mon mari me demanda :

-« Qu’est-ce que c’est que cette fille-là ? »

-« Mais…ma nouvelle femme de chambre. »

-« Où l’avez-vous trouvée ? »

-« C’est une amie qui me l’a recommandée.

Elle a les meilleurs certificats. »

-« Ah ! Elle est assez jolie ! »

-« Vous trouvez, mon ami ? »

-« Mais oui, …pour une femme de chambre. »

J’étais ravie. Je sentais qu’il mordait déjà.

Le soir même, Adèle me confiait :

-« Je promets à Madame que cela ira vite

Car j’ai remarqué sa conduite. »

-« Vous avez déjà essayé ? »

-« Non, mais il a déjà voulu m’embrasser.

Que Madame se rassure, je ne résisterai

Que le temps nécessaire

À notre affaire. »

Bientôt, mon mari ne sortait plus jamais.

Je le voyais rôder

Dans la maison toute la journée.

…Et lui ne m’empêchait plus de sortir.

…Moi, je m’absentais

…Pour…pour le laisser libre.

Le neuvième jour, après souper,

Comme Adèle me déshabillait,

Elle me dit avec son air malin :

-« C’est fait, Madame, de ce matin. »

-« Et…et …ça c’est bien passé ?... »

-« Très bien. Depuis trois jours, il me pressait

Mais j’ai préféré aller modérément.

Madame me préviendra du moment

Où elle désire le prendre en flagrant délit. »

-« Bon. Tenez, …prenons jeudi ! »

-« Si Madame veut bien,

D’ici là, je ne lui accorderai, plus rien.

Je le tiendrai en éveil et l’allumerai

De façon à le faire donner juste à l’heure

Que Madame voudra bien me préciser. »

-« Prenons cinq heures. »

-« Ça va. Et à quel endroit ? »

-« Mais,… dans ma chambre. » -« Soit. »

Alors, ma chérie,

Jeudi après-midi,

J’ai été cherché papa, maman,

Et mon oncle de Saint-Aignan

J’ai convoqué le juge M. Rapelli,

Le concierge et un ami de mon mari,

Sans les prévenir

De ce qu’ils allaient découvrir.

Et puis, pile à cinq heures,

Pan !

J’ouvris la porte en grand…

Oh ! Comme il battait, mon cœur !

Ah ! Ah ! Ah ! Ça y était en plein,

Ma chère,…mais en plein !

Oh ! Si tu avais vu sa tête !...

Quelle tête !...

Ah ! Qu’il était drôle…J’ai ri…

Et papa qui voulait battre mon mari !...

Et le concierge qui l’aidait

À se rhabiller.

Adèle fut parfaite,

Absolument parfaite…

Je te la recommanderais

Si, un jour, par hasard, tu avais

Le même

Problème. »

La baronne, toute émoustillée, demanda :

-« Pourquoi ne m’as-tu pas invitée à voir ça ? »


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