La société maya pré-hispanique n'avait rien de sympathique. Une hiérarchie sociale pesante, des rites morbides et masochistes, une propension à guerroyer sans cesse entre roitelets, le choix de sacrifier sans merci les prisonniers afin de verser leur sang pour se concilier les dieux, une tendance à l'automutilation : la vie n'était pas vraiment facile dans ces jungles difficilement contenues par l'homme.
L'aventure a pourtant duré près de deux mille ans et produit de merveilleuses oeuvres et une culture énigmatique dont l'exposition en cours à Branly montre l'originalité et la richesse. Soudain, il y a environ 1000 ans, la civilisation maya s'est comme effondrée, les villes ont été désertées et les traditions locales sont tombées dans l'oubli. On échafaude encore des hypothèses sur ce naufrage. A méditer devant les poteries raffinées et les sculptures expressives et à tenter de comprendre les principes d'écriture sophistiqués des glyphes qui ornaient les bâtiments on en vient à la conclusion provisoire qu'une grande absente marquait cette civilisation : la liberté individuelle et notamment celle d'aller et venir. Tout semblait codifié pour cantonner les hommes dans des pratiques rituelles et une organisation sociale extrêmement rigide. Les étrangers étaient avant tout des prisonniers promis aux sacrifices et les conflits entre les cités-états incessants. Le langage écrit se plaisait au raffinement et à l'hermétisme en multipliant les manières différentes de figurer un même concept. Pour protéger les hommes d'un environnement assez hostile, la culture maya était excessivement contraignante ce qui ne favorise guère la capacité à faire face à des changements radicaux. Cela a pu peut-être favoriser un jour révolutions et incapacité à faire face à des crises sanitaires dont nous avons perdu les traces.
Il y a donc beaucoup à apprendre encore de ce monde et de sa disparition subite. En attendant, la fraîcheur admirable des figurines de terre cuites et la puissance remarquable des masques de pierre vous raviront. Il n'est pas une seule des quatre cents pièces prêtées par les musées mexicains qui ne soit de haut intérêt esthétique. Il est à peu près impossible de réaliser la sophistication formelle à laquelle étaient parvenus les Mayas avec ce que l'Europe possède dans ses propres établissements culturels. Il faut donc vous précipiter à Branly avant que ces trésors ne repartent chez eux.
2 - Elle l'adore (et nous aussi)
Autre plaisant moment qui s'offre à vous, au cinéma cette fois : "Elle l'adore". Sandrine Kiberlain prouve à nouveau qu'elle est la meilleure actrice de sa génération. Le film de Jeanne Herry est un petit bijou de sophistication et d'intelligence narrative. Un chanteur à grand succès, désemparé face à un drame familial, va multiplier les bévues et ne sera sauvé des pires ennuis que par une groupie mythomane, véritable génie du mensonge. Les puissants sont faibles et les humbles plus solides qu'on le croit, tel aussi ce flic de base qui mène l'enquête et comprend tout quand sa hiérarchie est aveuglée par les préoccupations budgétaires et la communication. Bref, un film très distrayant et beaucoup plus subtil encore qu'il n'y paraît, un vrai régal.
3 - Un homme très recherché (à juste titre)
Pour son dernier rôle avant son décès obscur, l'excellent Phillip Seymour Hoffmann a parfaitement incarné un espion revenu de tout, blanchi sous le harnois et qui pourtant conservait un peu d'humanité. Juste ce qu'il fallait pour se faire doubler misérablement in fine. La lutte contre le communisme, toile de fond des intrigues de John Le Carré, est subtilement remplacée par celle contre l'islamisme dans cette adaptation sophistiquée. A voir aussi.