Selon Jean Ziegler, « tout retour en arrière est désormais impossible. Les lettres ouvertes indignées aux dirigeants du monde malade pour qu’ils changent de cap sont vaines et dérisoires. Comme le dit le banquier défroqué Charles Sannat dans un de ses éditos du Contrarien, il n’y a plus rien à espérer du système agonisant, ni de ses gouvernants :
« Il faudrait tellement tout changer, tellement tout bouleverser que jamais, jamais un consensus ne pourra se faire sur des mesures d’une telle ampleur tant que nous ne serons pas tombés au fond du gouffre. Nous sommes au pied du mur mais cela ne change rien. Nous pouvons gloser des heures et des heures sur quoi faire, comment le faire, pourquoi le faire, nous ne ferons rien. Rien. »
Sauf à « Retourner les fusils ! »
Michel Peyret
, finance
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20 octobre 2014
Jean Ziegler choisit son camp : « Retournez les fusils ! »
À mesure que se précise la débâcle dévastatrice du vieux système capitaliste, le citoyen responsable se devrait de prendre position. Le sociologue suisse Jean Ziegler, lui, n’y va pas par quatre chemins : « Retournez les fusils ! »
Jean Ziegler (photo : AFP/Michael Gottschalk)
L’ouvrage initial date de 1980, mais Jean Ziegler s’est senti contraint de l’adapter aux temps présents en le réécrivant entièrement. À l’origine, explique l’auteur dans une interview au Point, le titre était repris d’un manifeste de Trotski appelant le prolétariat engagé dans la première boucherie mondialisée à retourner leurs armes contre les capitalismes plutôt que contre leurs camarades du camp d’en face.
Trente-quatre ans après, rien n’a changé, sinon en pire. Jean Ziegler :
« Les capitalistes font aujourd’hui un maximum de profits en spéculant sur les aliments de base comme le riz, le maïs, le blé. Les prix explosent, et toutes les cinq secondes, un enfant de moins de dix ans meurt de faim. Aujourd’hui plus que jamais, il faut retourner les fusils. »
Devant son interlocuteur abasourdi, Ziegler tempère à peine son séditieux propos. Non, non, il n’est pas question d’aller illico « flinguer son banquier », mais au moins d’empêcher par tous les moyens les capitalistes de semer la désolation sur toute la planète.
Et de donner l’exemple des cinq cents sociétés tentaculaires multinationales échappant à tout contrôle, notamment à celui des États, s’appropriant 52,8 % du produit mondial brut, coupables de maltraitances contre leurs ouvriers, comme ces quelques 1 300 victimes mortes dans les ruines de l’immeuble insalubre Rana Plaza à Dacca.
Chasser les grands prêtres des religions malfaisantes
Or, la forteresse financière néolibérale n’est désormais guère plus salubre que le bâtiment délabré de Dacca. De sinistres craquements en ont de nouveau ébranlé les fondations tout au long de la semaine passée. Les métastases du cancer systémique ont repris leurs lugubres ravages, frappant jusqu’aux derniers refuges du sanctuaire : les places boursières et financières
Et tout retour en arrière est désormais impossible. Les lettres ouvertes indignées aux dirigeants du monde malade pour qu’ils changent de cap sont vaines et dérisoires. Comme le dit le banquier défroqué Charles Sannat dans un de ses éditos du Contrarien, il n’y a plus rien à espérer du système agonisant, ni de ses gouvernants :
« Il faudrait tellement tout changer, tellement tout bouleverser que jamais, jamais un consensus ne pourra se faire sur des mesures d’une telle ampleur tant que nous ne serons pas tombés au fond du gouffre. Nous sommes au pied du mur mais cela ne change rien. Nous pouvons gloser des heures et des heures sur quoi faire, comment le faire, pourquoi le faire, nous ne ferons rien. Rien. »
Tout changer, oui, dans les institutions comme dans les mentalités. Tout changer pour passer au monde d’après en surmontant le chaos laissé par le monde d’avant. Mais qui pense sérieusement que l’on peut se débarrasser d’un système sans écarter ceux qui s’en portent garants jusqu’à l’intolérable ? Qui croit qu’on puisse mettre hors d’état de nuire une religion malfaisante en restant soumis à ses grands prêtres et respectueux de ses temples ?
"Retournez les fusils ! Choisir son camp". En vente dans toutes les bonnes librairies. L’idée — et l’urgence — méritent qu’on y réfléchisse, non ? D’ailleurs qui parmi vous, chers lecteurs, n’y a pas déjà au moins secrètement pensé ?