Parce que l'automne est là, parce qu'on a changé d'heure et que ce soir il fera nuit à 18h, parce qu'il est temps de reprendre une pseudo régularité sur cette idée, je vous propose de sauver votre dimanche avec Mariama Bâ.
Pourquoi?
D'abord parce que dès la première page consacrée à l'auteure, on sait que ce roman va être porteur de réalités profondes sur la place de la femme dans la société africaine.
Parce que ce livre est un concentré de sagesse. On y découvre la vie, les croyances, les coutumes de la société Africaine. Dans ce roman, l'auteure interpelle le lecteur sur un univers tabou, celui de la polygamie. Mariama Bâ, dans cette longue lettre, met en scène deux femmes, Ramatoulaye et Aïssatou, amies, qui ont choisi des trajectoires de vie différentes. Dans les deux histoires, les femmes font face à un mari très aimant au début, à un mariage peu approuvé par leur famille "une femme doit épouser l'homme qui l'aime mais point celui qu'elle aime ; c'est le secret d'un bonheur durable" mais pour lequel elles se battent et tiennent au nom de l'amour, de leur amour. Elles ont rêvé, elles ont eu des enfants, elles ont tenu le foyer...jusqu'au jour où leur mari décide de se marier avec une jeune fille plus jeune. Quand Aïssatou décide de quitter son mari et se reconstruire une vie aux Etats-Unis, Ramatoulaye elle, reste au sein du même village et tient bon. "Je n'étais pas divorcée...J'étais abandonnée, une feuille qui voltige mais qu'aucune main n'ose ramasser". Dans les deux cas, ces femmes se sentent assez fortes pour braver l'interdit et décident de ne pas rester dans leur foyer. Mais les coutumes et la religion pèsent lourds dans cette société et ceci n'est pas sans difficulté pour elles.
Malgré la distance les deux femmes se soutiennent dans cette épreuve. "L'amitié a des grandeurs inconnues de l'amour. Elle se fortifie dans les difficultés, alors que les contraintes massacrent l'amour. Elle résiste au temps qui lasse et désunit les couples. Elle a des élévations inconnues de l'amour." Dans ce roman, Ramatoulaye raconte sa vie, ses choix, son quotidien car c'est une femme qui travaillait et menait de front son foyer avec fierté. "Allez leur expliquer qu'une femme qui travaille n'en est pas moins responsable de son foyer...La femme qui travaille a des charges doubles aussi écrasantes les unes que les autres, qu'elle essaie de conciler. Comment les concilier? Là réside tout un savoir-faire qui différencie les foyers"
Elle doit aussi faire face seule à l'éducation des enfants et l'école. Quelle belle réflexion que la suivante !
"Je dis toujours à mes enfants : vous êtes des élèves entretenus par vos parents. Travaillez pour mériter leurs sacrifices. Cultivez-vous au lieu de contester. Devenus adultes, pour que vos points de vue aient du crédit, il faut qu'ils émanent d'un savoir sanctionné par des diplômes. Le diplôme n'est pas un mythe. Il n'est pas tout certes. Mais, il couronne un savoir, un labeur."
"Le rêve d'une ascension sociale fulgurante pousse les parents à donner plus de savoir que d'éducation à leurs enfants."
Vous le comprenez, ce livre est une claque de sagesse et réflexion. On y découvre la vie d'une femme africaine, les mensonges de son mari, la polygamie mais aussi toute la fierté de cette femme qui tient bon, continue de travailler, élève ses enfants avec le respect de valeurs traditionnelles et leur porte un amour inconditionnel. "...on est mère pour comprendre l'inexplicable. On est mère pour illuminer les ténèbres. On est mère pour couver, quand les éclairs zèbrent la nuit, quand le tonnerre viole la terre, quand la boue enlise. On est mère pour aimer, sans commencement ni fin"
Elle les porte vers le futur, ne veut pas de cette société ancrée dans le passé et soutient ses filles, se bat. Une femme plein de courage et de sagesse dont bon nombres de réflexions font écho à notre société. Un hommage à la femme, à la liberté de la femme pour montrer que nous sommes maîtresses de notre destin. Un excellent moment de lecture accompagné d'une très belle qualité littéraire du texte font de ce roman un de ceux qui marquent et que je vous conseille vivement. Une pépite découverte grâce à Stéphie qui l'avait mentionnée dans une chronique consacrée à Caroline Pichon : ICI