Pour Audrey et Mathieu, un an après s’être installés à Bali, le moral est beau fixe (voir l’interview « la vie balinaise d’Audrey et Mathieu« ). Mais côté business pour le Tropical Bali et le travail en Indonésie, comment cela se passe-t-il ? Je leur ai posé quelques questions sur leur location-gérance et, comme à leur habitude, ils y ont répondu avec beaucoup de générosité et de bienveillance. Je suis certaine que ces infos seront utiles à nombreux d’entre vous qui aspirez à quitter la France pour rejoindre l’île des Dieux et y travailler. Bonne lecture !
Côté business : le Tropical Bali
Comment fonctionne l’hôtel aujourd’hui ? Quel est votre taux de remplissage ?
Audrey : Le taux de remplissage de l’hôtel est conforme à nos attentes et à ce que nous avait annoncé l’ancien gérant, Mathias. Nous avons commencé le 1er octobre 2013, nous pensions que le mois serait « tranquille » pour nos débuts, mais cela s’est avéré assez sportif finalement ! Nous avons tout de suite été mis dans le bain !
- Novembre et décembre furent très calmes, nous en avons profité pour faire des travaux de rénovation dans l’hôtel.
- Janvier-février-mars, nous avons tourné autour de 60% de remplissage, c’est agréable. On a du travail, mais pas trop non plus. Cela nous a permis d’avoir du temps pour sortir un peu de l’hôtel, pour re-visiter certains endroits de Bali et visiter des hôtels (que nous conseillons ou non, ensuite à nos clients). D’ailleurs, nous travaillons avec 2-3 agences de voyage qui nous contactent pour effectuer des réservations pour des voyages de particulier ou pour des groupes (souvent des CE). Ensuite, nous travaillons, au quotidien, avec des chauffeurs-guides anglophones et francophones, que nous contactons lorsque nos clients ont besoin d’un pick-up à l’aéroport ou souhaitent faire une excursion d’une journée sur l’île. En ce début d’année, nous avons aussi pu profiter de mes parents, qui sont venus nous voir pendant 2 mois.
- En avril, tout s’accélère. Il y a eu un petit creux en juin, ce qui nous a permis de souffler un peu.
- Puis depuis fin juin, c’est la haute saison, donc c’est boulot-boulot !
Mathieu : Même si nous n’avons pas encore effectué un exercice complet, le business plan est conforme à nos prévisions (très prudentes). La haute saison (juillet-aout-septembre) est très correcte. Il est vrai que les taux de remplissage constatés les années précédentes étaient supérieurs. Nous devons faire face à une concurrence de plus en plus accrue. De nombreux établissements ouvrent chaque année. Donc la part du gâteau se réduit…
Pour résumer : nous ne perdrons pas d’argent mais nous n’allons pas nous enrichir massivement. On gagnait effectivement plus d’argent en France. Mais la qualité de vie que nous avons trouvée à Bali ne se chiffre pas…
Avez-vous dû faire face à des dépenses imprévues ?
M. : Les dépenses majeures concernent l’hôtel (travaux de rénovation, achat de mobilier…), ces coûts sont supérieurs à ce que nous avions budgétés mais restent absorbables. Mais il existe également des imprévus, voire des grosses galères… En début d’année, le mur mitoyen de notre voisin s’est effondré dans notre hôtel détruisant au passage végétations, cabane en bois (gazebo)… avec de nombreuses conséquences : problème d’évacuations d’eau, piscine inutilisable… difficile à gérer surtout lorsque l’hôtel est complet. Heureusement, il ne s’agit que de dégâts matériels. Ici, pas d’assurance comme en France. Il faut donc négocier. Pas simple lorsque le voisin ne veut rien payer. Essayez de lui faire comprendre que nous avons subi un préjudice sur notre business : impossible ! Et il faut se débrouiller tout seul.
Comment s’assurer que l’on a « les épaules » pour s’installer à Bali et que son projet est suffisamment solide ?
Impossible de répondre. C’est du cas par cas. Dans notre cas (avec un enfant), je n’aurais jamais pu quitter la France (job, maison, famille…) sans avoir une affaire, activité ou opportunité sur place. Il y a toujours une part de folie dans ce genre d’aventure, mais cela doit rester réfléchi ! Nous apprécions notre vie ici car nous avons une « occupation » (qui nous permet financièrement de vivre sur place).
Comment gérez-vous les ressources humaines balinaises du Tropical Bali ?
A. : Nous avons 4 personnes à plein temps. Pour la haute saison, nous avons recruté un jardinier à mi-temps. Nous respectons le droit du travail indonésien concernant les salaires, horaires, congés, etc. Au niveau management, ce n’était pas vraiment évident au début. Il y a eu des petites tensions dues, je le reconnais, à notre culture du « toujours sous pression ». Au final, nous avons vite compris, qu’ici, nul besoin de se stresser. Le travail est toujours bien fait, calmement, sans s’énerver, sans courir partout, et dans la joie et la bonne humeur. Bref, à mon sens, il faut rester cool, et, lorsque quelque chose ne va pas, il faut le dire, sans s’énerver. Il faut éviter de dramatiser les choses.
M. : La logique de raisonnement des balinais et leurs sources de motivation sont véritablement différentes des nôtres…
N’appliquez surtout pas nos méthodes de management occidentales ici à Bali !
Point de vue administratif et légal, comment vous en sortez-vous ?
M. : Notre formule de location gérance fait que de nombreuses démarches administratives sont assurées par notre propriétaire. Nous avons rencontré quelques soucis avec nos visas puisque les règles d’attribution changent régulièrement. Nous travaillons avec plusieurs agents. Certains sont plus ou moins sérieux. Ils ne vous informent pas des changements de loi… difficile d’allier qualité et prix compétitif ! Il est possible de faire les démarches soit même directement auprès de l’administration indonésienne. Ce que j’ai fait au début dans un souci d’économie et d’intégration (contact avec les locaux, apprentissage de la langue…). Finalement, il est plus simple et moins contraignant de passer par un agent. Mais c’est également plus cher ! Nous avons vraiment beaucoup de chance d’avoir un propriétaire « réglo ». Malheureusement, d’après ce que nous avons pu entendre, ce n’est pas toujours le cas. Et même si vous avez recours à un notaire ou un avocat, la corruption est tellement présente qu’un contrat ou un accord ne peut jamais être véritablement fermement « cadré ».
Comment communiquez-vous pour attirer des clients ? Y consacrez-vous un budget ?
A. : Nous n’avons pas voulu entreprendre de grandes actions marketing ou communication pour l’instant. On souhaitait se laisser du temps pour voir et bien analyser les choses. Aujourd’hui, nous sommes toujours référencés dans le Guide du Routard et nous sommes bien classés sur TripAdvisor catégorie Chambres d’hôtes (NDLR : laissez-y un petit commentaire si vous y avez séjourné). Cela nous apporte beaucoup de clients. Le bouche-à-oreille commence aussi à porter ses fruits. Et puis, l’an dernier, par le biais d’un collègue de travail, j’ai eu la chance de rencontrer une jeune fille qui tient un blog très réputé ayant pour sujet Bali…
D’où vient la clientèle du Tropical Bali ?
Nos clients sont principalement Français. A 85% je pense. Les touristes français sont réputés pour être assez exigeants, tout critiquer… Nous, on ne se plaint pas ! Les gens sont vraiment charmants, détendus (car en vacances), tout se passe bien. Et, pour nous, parler tous les jours français, cela est un plus qui nous permet de ne pas avoir le mal du pays.
Travailler en couple, une épreuve ?
A. : Lorsque nous nous sommes lancés dans cette aventure, beaucoup de nos proches avaient peur pour notre couple… : « Travailler à 2, ce n’est pas évident ! » « Vous avez des caractères différents… » « Etre 24h/24 ensemble… ». Clairement, nous aussi on avait une petite appréhension. Au final, tout va bien, même mieux qu’avant. Mathieu m’impressionne sur un certain nombre de choses que je ne l’aurai pas cru capable de faire ou de gérer. « Partir à l’étranger », l’idée venait de moi, mais il s’est énormément investi dans ce projet, et, sans lui, on ne serait pas là… Bref, ce que j’apprécie le plus dans cette nouvelle vie : le fait d’être tout le temps tous les 3.
M. : Comme Audrey, j’appréhendais vraiment le côté destructeur sur le couple du « travailler ensemble ». Finalement, c’est totalement l’inverse. Cette expérience a renforcé notre couple et plus globalement notre famille. Même si nous sommes polyvalents, nous avons chacun nos rôles au sein de l’hôtel, rôles définis en fonction de nos appétences et compétences. Nous sommes complémentaires. Travailler ensemble, en équipe, est notre force. Et cela me permet de (re)découvrir et apprécier les qualités de mon épouse (que j’avais pu oublier en France !). Une famille heureuse dans un cadre tropical avec une douceur de vie exceptionnelle : serait-ce le paradis ?
Point de vue sur le travail en milieu hôtelier à Bali
Avec quelques mois de recul, pensez-vous que la location-gérance soit la bonne solution pour associer qualité de vie et retour sur investissement à moyen terme ?
M. : Dans notre cas, le système de location gérance est un excellent tremplin pour ce « changement de vie » : investissement financier limité, durée d’engagement réduite. Donc risque limité mais perspectives de gains également limitées.
Nous recevons beaucoup de mail de français qui cherchent à s’expatrier à Bali pour prendre la gestion d’un hôtel en location-gérance. D’après mes « minces » recherches, l’offre ne semble pas pléthorique. Généralement, les propriétaires demandent 5 ans de loyer d’avance. Il faut également bien faire attention à « qui paie quoi ». Car ce serait dommage de payer des travaux de rénovation, de plomberie ou de toiture pour un bâtiment qui ne vous appartient pas… Nous avons la chance d’avoir un propriétaire très souple avec qui nous entretenons d’excellentes relations. Les offres de location semblent plus abondantes pour les villas de 3 ou 4 chambres. Mais je reste très sceptique quant à la rentabilité ; c’est le problème des petites structures…
Où trouver des opportunités de location-gérance pour des hôtels à Bali ?
M. : Nous ne connaissons pas d’agence spécialisée en location-gérance à Bali. Le meilleur moyen est de venir sur place et se constituer un réseau : parler avec les locaux et les expatriés, visiter des hôtels, se renseigner… Certaines communautés Facebook sont également très actives.
Comment trouver un indonésien de confiance pour ses affaires à Bali ?
M. : Dans les affaires, difficile de faire confiance. Que ce soit avec un indonésien ou un français. Selon la nature de l’investissement ou de la collaboration, il faut impérativement que le contrat soit « béton ».
Y’a-t-il encore du business à faire à Bali, des créneaux à prendre en matière de commerces ou de tourisme ?
M. : Bali représente une puissance touristique extraordinaire. Mais, à mon sens, l’île devient totalement saturée. L’offre hôtelière et de restauration est largement supérieure à la demande. Sur Sanur, même en pleine saison, de nombreux restaurants restent vides… on voit également des hôtels à l’abandon ! Personnellement, ce contexte ne m’incite pas à investir durablement et massivement à Bali. Surtout que les prix ont réellement flambé ces dernières années. Dans le sud, le moindre bout de terrain (quand il en reste !) est vendu à prix d’or. Les propriétés deviennent donc de moins en moins abordables, même si on reste très loin des prix de l’immobilier parisien… Il existe encore des zones authentiques et préservées situées plus au nord. Mais cela manque cruellement d’infrastructures de santé et d’écoles de qualité. A ne pas négliger quand on a des enfants. Ici, beaucoup pensent que Lombok ou Florès seront le futur Bali. Peut-être… Mais il sera impossible de retrouver la gentillesse et le sens de l’accueil des balinais.
Est-il facile de trouver un travail dans la restauration ou l’hôtellerie en tant qu’étranger (et donc obtenir un visa de travail) ?
Mathieu : Pas simple d’obtenir ces postes pour un étranger. La plupart des jobs liés à la restauration et/ou hôtellerie peuvent être pourvus par des locaux. Cela m’a été confirmé par un français qui occupe le poste de global manager d’un resort de 400 chambres situé à proximité de Kuta. Ce n’est pas impossible mais il faut vraiment apporter un savoir-faire ou des compétences supplémentaires.
Conseils d’expats
Bali, une prison dorée
M. : Il faut bien savoir qu’ici, c’est un peu comme une prison dorée. Le cadre de vie est magnifique. Le coût de la vie est très bas (si vous consommez « local »). On peut donc bien vivre sur place. Mais quand on veut sortir du pays ou reprendre un mode de vie européen, ça se complique. Car les revenus ne sont plus en adéquation avec de telles charges. Il faut donc mettre la main au portefeuille.
Anticiper les frais de santé
M. : Il est également important de bien anticiper les dépenses de santé. Car ici, avant d’obtenir des soins, il faut sortir la carte bancaire. Je conseille vivement de souscrire une assurance maladie et une complémentaire. Cela représente un coût non négligeable mais indispensable en cas de pépin. J’ai récemment eu un accident de scooter avec fracture de la clavicule. Cela chiffre vite, très vite… Dans la zone de Kuta / Sanur, il existe des hôpitaux proches de nos standards occidentaux où les soins prodigués sont de qualité. Mais les coûts sont excessifs. Vous serez très bien pris en charge pour des soins « basiques ». En revanche, quid en cas de problématiques plus complexes, maladies graves… ? C’est pourquoi tous ceux qui souhaitent s’installer à Bali (notamment les familles et les retraités) ne doivent pas négliger l’aspect santé. L’Indonésie, ce n’est pas la France où les services de santé sont de qualité et (quasi) intégralement pris en charge.
La scolarité des enfants à Bali
M. : Les familles qui souhaitent s’installer à Bali doivent impérativement prendre conscience de la lourdeur des frais de scolarité. Et on ne trouve pas des écoles anglophones dans tout Bali ! L’Indonésie, ce n’est pas la France où le système éducatif est de qualité et (quasi) intégralement prix en charge.
© Edmund Lowe
A. : On ne s’est pas encore trop penché sur le sujet, Alban vient tout juste de fêter ses 2 ans. D’après ce que l’on sait, les frais de scolarités peuvent être assez élevés. Mais c’est le prix à payer pour avoir une bonne école. Le niveau semble bon. Je ne m’inquiète pas trop de ce côté-là. Il y a une école française à Kerobokan, mais cela est trop loin de Sanur pour Alban, donc nous ne nous y sommes pas intéressés. Les quelques enfants d’expatriés que nous connaissons et qui vivent sur Sanur vont donc dans des écoles sur Sanur ou Denpasar où la langue principale est l’anglais. Les enfants ont souvent une nounou Indo. Du coup, généralement, les enfants de français parlent français, anglais et indonésien.
La nounou d’Alban est indonésienne et s’appelle Tatik. Ça se passe très bien avec elle. Elle le garde à l’hôtel et ça nous permet, lorsque nous avons du temps dans la journée, de profiter de lui, d’aller à la piscine ensemble, etc. Niveau éducation, il faut aussi s’adapter au standard « indonésien » qui n’est pas le même que chez nous.
Si en France, nous parlons de « l’enfant Roi », alors ici, le concept est, à mon sens, celui de « l’enfant Dieu » !
Tatik et le staff de l’hôtel parlent à Alban en Indonésien, nous lui parlons en français. Il commence à parler dans les 2 langues, donc tout le monde s’adapte ! Nous apprenons de nouveaux mots indonésiens et Tatik apprend le français
Et la suite pour vous 3 ?
A. : Jusqu’au 30 septembre 2015, si tout va bien, nous serons toujours au Tropical Bali Hotel. Après… ?? Aucune idée ! Je suis quelqu’un de très organisée, j’adore planifier les choses, ma vie… Tout ! Aujourd’hui, ou plutôt, pour le moment, je n’ai plus envie de réfléchir à l’avenir et d’organiser les choses. Nous verrons où la vie nous mène. Des événements nous amèneront peut-être à retourner en France, ou des opportunités nous ferons partir dans un autre pays… ou rester !? Car, pour l’instant, on s’y sent bien à Bali !
Merci à vous deux pour ce témoignage, Balisolo et sa communauté vous souhaitent le meilleur !
Je vous invite à découvrir la première partie de cet interview, plus personnelle, juste ici