Christine And The Queens n’est pas une chanteuse ordinaire. C’est un univers entier qui gravite autour d’Héloïse Letissier, nantaise d’1 mètre 60 à la ville, mais géante de la musique à la scène. Quelques heures avant son concert à guichet fermé à la Rock School Barbey de Bordeaux, nous avons pu discuter avec elle de ses envies, son parcours et ses idoles. Car oui, derrière la performeuse qui remplit l’Olympia en moins d’une journée se cache une jeune femme d’une gentillesse et d’une simplicité désarmante.
Across The Days : Pourquoi avoir choisi le nom de Christine And The Queens ?
Christine And The Queens : Christine And The Queens représente une rencontre. Il y a 5 ans j’étais à Londres et j’y ai rencontré des performers, des drag queens, des gens qui savent écouter l’autre et qui n’ont pas un passé forcément évident. C’est donc une sorte d’hommage à ces gens qui m’ont inspirés et aidés à me trouver, à un moment où j’étais un peu perdue.
Quand on voit ce projet, on peut se dire que les « Queens » sont tous ceux qui m’accompagnent sur scène et c’est très beau aussi de penser de cette manière.
ATD : On voit beaucoup de références citées sur internet. Quelles sont vos inspirations ?
Christine And The Queens : Oui c’est vrai qu’il y’en a beaucoup ! Je dirais que mes inspirations viennent d’un mélange entre Michael Jackson, Laurie Anderson, Kanye West et Christophe aussi ! On peut rajouter Pippo Delbono, un metteur en scène italien de théâtre. Mon personnage Christine, c’est une jeune femme qui a beaucoup trop écouté de tout ça !
ATD : Christine And The Queens est un projet très complet. Performances, vidéos, photos, dessin.. D’où vient cette envie de grandeur ?
Christine And The Queens : Ce n’est pas vraiment planifié ni intellectualisé. C’est assez instinctif en fait. Lorsque je compose, j’ai besoin de voir vers quoi je vais, je vois directement de quelle façon je vais danser sur ce morceau, quelle vidéo le représenterait. Je cherche d’avantage à créer un univers esthétique car c’est ce qui m’aide à composer, à voir la finalité des morceaux. J’aime qu’il se passe quelque chose, je ne monterai jamais sur scène pour dérouler mon set et m’en aller.
ATD : Sur scène, vous dégagez une puissance incroyable. Que voulez-vous transmettre au public, et qu’il vous transmette en retour ?
Christine And The Queens : La scène m’a permis beaucoup de choses. Dans la vie de tous les jours, je ne me considère pas comme quelqu’un de réellement passionnant. J’ai même souvent eu du mal à regarder les gens dans les yeux, à m’ouvrir à eux. Sur scène, j’arrive à exister d’une manière plus douce. Je dis souvent au début de mes concerts « Soyez qui vous voulez être ce soir ». C’est ce que je veux faire ressentir, je voudrais que chacun puisse être libre comme je le suis sur scène, et si ça marche dans les deux sens (pour le public et pour moi) c’est parfait.
ATD : Quasiment toutes les dates de la tournée sont complètes, dont l’Olympia le 6 mars prochain que vous avez rempli en moins de 24 heures ! Ça ne vous fait pas un peu peur ? Comment réagissez vous face à cet engouement ?
Christine And The Queens : Oui c’est vrai, quand j’ai vu ça sur mon ordi, je me suis dis « Wow attends !! » (Elle mime un mouvement de recul). Oui c’est réjouissant bien sûr, ça serait mentir que d’affirmer le contraire, on fait ce métier pour être reconnu ! Mais c’était également vraiment effrayant. Un peu comme dans les voitures de course, ça va très vite, c’est grisant mais ça fait un peu peur ! Pour moi l’Olympia c’est une finalité dans une carrière, ça n’est pas pour une fille de 26 ans qui vient de sortir son premier album ! C’est fantastique mais inquiétant de voir cet engouement, ces dates complètes, mais d’un autre côté, dans la musique actuellement tout se consomme vraiment vite et se jette à la même vitesse, donc derrière ce réjouissement se cache quand même une certaine appréhension quant à la suite.
ATD : Pourquoi avoir choisi d’alterner le chant en anglais et en français ?
Christine And The Queens : En fait c’est venu naturellement sur une chanson. Je sais, ça peut paraître étrange mais quand j’ai composé Saint Claude, le refrain m’est venu en anglais. Après j’ai cultivé ce choix car j’aime beaucoup cet aspect « double voix » dans un morceau. Je pense à Kendrick Lamar dans son dernier album, on aurait dit qu’ils étaient 7 à chanter en même temps ! Ça ajoute quelque chose au refrain sans pour autant en faire une montée épique en fait. Il y a aussi un côté qui me plaît dans ces chansons bilingues, c’est le fait de chanter dans ma langue maternelle, le français, en maîtrisant chaque mot, et en anglais d’un manière plus naïve, plus pop.
ATD : D’ailleurs, les textes de vos chansons sont assez mystérieux. C’est volontaire ?
Christine And The Queens : Oui c’est volontaire. J’aime beaucoup laisser libre cours à l’interprétation des textes. Après les concerts, des gens viennent me voir en me disant « J’ai adoré la façon dont tu as parlé de ça » tandis que la personne à côté réplique « Ah mais non ça ne parlait pas de ça du tout ! » Dans mes références en matière d’écriture, je cite souvent Bashung qui m’inspire dans le sens où il n’est pas dans le message directement. Ce mystère, je le cultive aussi car c’est ce qui fait perdurer le désir d’en savoir plus, un peu comme dans une relation amoureuse.
ATD : Comment vous est venue l’idée de ce medley Christophe/Kanye West sur « Paradis Perdus » ?
Christine And The Queens : Naturellement aussi ! En fait, je bossais la chanson « Paradis Perdus » de Christophe et je trouvais le refrain vraiment décalé par rapport au reste du morceau. Et c’est venu comme ça, à la fin du couplet, j’ai entonné « Heartless » de Kanye West, et ça m’a semblé coller parfaitement. Rétrospectivement, j’aime bien cette idée d’avoir marié le temps d’une chanson un rappeur noir américain assez jeune avec un chanteur français blanc grisonnant.
ATD : La théorie du genre, de l’entre-deux est un sujet récurrent dans le projet (la chanson Half Ladies, le clip Narcissus Is Back, les tenues de scène…)
Christine And The Queens : Bien sûr, on parle de ce que l’on ressent et ce qui nous interpelle dans les morceaux. C’est vrai que ce sujet me tient à cœur, c’est l’interrogation d’une vie. Christine se revendique elle même comme une femme qui ne rentre pas dans les codes féminins très communs et sexualisés d’aujourd’hui. Half Ladies c’est un peu mon Single Ladies à moi, l’histoire d’une fille un peu bizarre, un peu maladroite qui se fait une place parmi ce schéma féminin.
ATD : Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
Christine And The Queens : Un Best Of et 30 ans de carrière ! C’est la classe d’avoir un Best Of en vrai non ? Avec une couverture bien kitsch ! Plus sérieusement, une belle carrière et que ça continue de cette manière.
ATD : Pour finir en chanson, dites moi…
ATD : La chanson que vous écoutez en tournée ?
Christine And The Queens : Un remix de la chanson Why du groupe Chic, par Carly Simon
ATD : La chanson que vous auriez aimé écrire ?
Christine And The Queens : Life on Mars de Bowie
ATD : La chanson chantée étant petite ?
Christine And The Queens : Born In The USA Bruce Springsteen
ATD : La chanson chantée dans les moments d’euphorie totale ?
Christine And The Queens : Tout le répertoire de Beyoncé !