Auteurs : Andréas et Rivière Editeur : Delcourt Année : 1991
Résumé : Ces révélations posthumes racontent cinq petite nouvelles étonnantes. Se passant à différentes époques, elles sont toutes liées d'une manière ou d'une autre à l'étrange et aussi à l'art... Découvrez la biographie de Monsieur Barlow, mort en 1951, la petite aventure de jeunesse de Bertram Waring, la curieuse et magnifique rencontre vécue par Raymond Roussel en 1899, La visite de Pol Delmotte au musée de cire Spitzner en 1919 et l'incroyable crime auquel se retrouve mêlé Alfred J. Nobbs en 1936 ! Mon avis : Cinq histoires différentes et pourtant si proches. Je vous précise d'emblée que dans cette chronique, je ne révélerai aucun des mystères de ces courts récits pour vous en laisser toute la saveur. Seule votre connaissance des faits historiques liés parfois à certaines de ces nouvelles vous aidera à comprendre le cheminement des événements, voire à les anticiper. Rivière a opté pour un curieux choix, qui fait que l'on peut qualifier ces courtes BD de nouvelles. En effet, le texte est écrit comme un livre. Vous ne trouverez donc pas de bulles mais bien des encarts entre les cases, autour ou parfois dedans vous narrant les faits, toujours du point de vue d'un narrateur lié aux récits - à l'exception de la première, une biographie racontée à la troisième personne -. Sans doute pour nous amener de manière progressive dans l'ambiance du fantastique. La première histoire est la plus curieuse, elle nous présente vu de l'extérieur une série de faits, la vie de Robert-Howard Barlow donc. Une narration sans montée dramatique, sans enjeux, sans véritable obstacle et pourtant, la tension se crée. Même quand il ne se passe rien, le texte décrivant des moments simples de vie, le dessin exerce sur nous une pression. On sent que quelque chose ne tourne pas rond mais quoi ? Dans les nouvelles qui suivent, Rivière reprend les codes du fantastique littéraire et aussi ceux de la dramaturgie. Le classique trio exposition-tension-résolution est là et fonctionne à merveille. Même si je ne peux m'empêcher de pressentir certaines des chutes, ce qui devrait arriver à ceux qui sont habitués à rôder aux côtés de Poe, Lovecraft ou Maupassant. Mais le plaisir est là, et ce fut un régal de les relire, si longtemps après, et de les découvrir avec un autre regard. J'avais même oublié la chute de la seconde histoire, qui fut une nouvelle révélation pour moi ! Que demander de mieux ? Malgré ce format court, Rivière a su prendre son temps et dilater ses textes grâce à sa collaboration avec Andréas dont les dessins apportent une magnifique touche fantastique complémentaire au récit. Si bien que ces cinq nouvelles, ma foi, se dégustent lentement mais offrent le temps de la découverte, de l'immersion. Au fil de la lecture se pose alors une question essentielle: quelle est la part du réel dans cet album ? Ces noms, Barlow, Theresa Neele, Roussel, Pol Delmotte et la maison de Pierre Loti ont un sens, ils s'ancrent dans un réel paradoxalement méconnu – en tout cas par moi -. Alors ne cliquez sur les liens précédents qu'après avoir lu les Révélations Posthumes, sinon, vous pourriez trop en découvrir... Ce fantastique à l'ancienne fonctionne d'autant plus que c'est Andréas qui appose sa patte sur ces histoires courtes. Et avec quel talent ! Il choisit un style totalement réaliste mais base son graphisme sur un dessin tout en traits. Leur sens, la distance les séparant, leur absence permettent de donner une forme concrète à ses planches. Andréas va à contre-courant de ce qui se fait d'habitude. Ces dessins, au lieu de chercher un dynamisme, se dirige vers un immobilisme marqué. Ce tracé au trait - affectionné par l'auteur - crée un premier trouble, surtout imposé par exemple par le blanc infiniment vide des yeux alors que tout le reste du corps prend son relief avec ces traits. De plus, cette absence de mouvement renvoie à des photographies anciennes. Chaque dessin s'impose comme le reste d'un passé, un témoignage qui dégage plus qu'une simple illustration du texte. De même que Rivière écrit et nous offre dans le non-dit un message qui nous attire vers le fantastique, de même Andréas dans les vides, les non-dessinés, les attitudes figées, recrée aussi un non-dit, un sous-entendu flagrant et inquiétant. Toute la BD est en noir et blanc. Aucune couleur, donc. Selon les histoires, les pages sont noires ou blanches, chaque récit est introduit par un page découpée en cases verticales, dont une seule comporte un dessin lié à l'histoire qu'on va découvrir. Autour le vide. Ce choix renforce le côté ancien des histoires et nous attire vers le passé. Cette BD n'est pas un recueil de textes illustrés mais bien une Bande Dessinée. En effet, Andréas nous sert un cadrage totalement BD. Les cases sont découpées, s'enchaînent. Les choix des cases de différentes tailles, horizontales, verticales, se mêlant les unes aux autres imposent un style BD et non roman illustré. En creusant plus loin, on se rend compte qu'à chaque histoire, Andréas garde ce style curieux, figé, photographique mais qu'il modifie son cadrage selon chaque histoire. Ce qui modifie sensiblement l'ambiance mystérieuse flottant dans chaque nouvelle. La mise en scène joue sur des détails occupant parfois une case pleine, comme un moyen d'attirer notre attention sur quelque chose qui ne semble pas important. On se demande sans cesse quel sens a cette image ? Pourquoi ce gros plan sur ce regard ? A qui sont ces yeux ? Et l'angoisse s'insinue doucement au fond de nous. Et toc, les deux auteurs atteignent leur objectif, nous faire trembler le temps d'un dessin ou d'une phrase... Alors, si vous souhaitez redécouvrir le goût des contes fantastiques d'antan, ouvrez grand les yeux et osez ces très originales Révélations Posthumes.
Zéda influencé dans sa vie de tous le sjours par l'étrange...