Martine Aubry s'affirme comme première opposante "de l'intérieur" à François Hollande. Manuel Valls précipite l'implosion du PS, un scenario "à l'Allemande" qui, en Allemagne, a permis à la droite de gouverner depuis une décennie.
Le point Valls
Elle n'a plus les mots assez durs. Le Canard Enchaîné rapporte quelques formules terribles contre Hollande: "Hollande est un incapable, il a tout raté". Il y a de la rivalité personnelle dans cet affrontement-là, mais pas seulement.
Martine Aubry est sortie de son silence. Dimanche dernier, l'ancienne première secrétaire du parti socialiste, vaincue à la primaire socialiste de 2011 par François Hollande, a aligné ses "recettes" et ses critiques dans les colonnes du JDD. Elle a ouvert un site. Lundi, elle est sur toutes les ondes. Elle déroule ses propositions, comme celle de réserver les nouvelles exonérations de charges sociales aux entreprises vertueuses ou à celles exposées à la concurrence. Elle préfère un "plan de soutien à la croissance" de 20 milliards d'euros dirigé vers les ménages et les collectivités locales. Elle dénonce l'impasse de la politique économique actuelle.
Martine Aubry est techniquement dans l'opposition à François Hollande, même si politiquement elle ne franchit pas tous les pas.
A l'Elysée, on esquive. A Matignon, on grimace. Cela se lit sur leurs visages. Manuel Valls en personne part à la riposte, il veut provoquer la scission - on appelle cela une "clarification". Monsieur 5% aimerait une maison commune avec les centristes, qui n'en veulent pas. Valls a raison, c'est cohérent. Dans les colonnes de l'Obs, il suggère à nouveau de changer le nom du Parti socialiste, et dénonce la "gauche passéiste". Il voudrait partir avec le coffre électoral du PS - ses élus, ses militants, son implantation. Il y a urgence, Hollande et Valls ont une équation électorale impossible à tenir.
Un ancien médecin et actuel ministre des relations avec le parlement Jean-Marie Le Guen critique le "vieux logiciel socialiste". Martine Aubry fustige les "vieilles recettes libérales". Cette course à la modernité est ce qui reste à des hommes et femmes politiques désemparées.
A l'Elysée, Hollande cède à la tradition des 6 mois, et décore Valls d'une Légion d'honneur pour le semestre écoulé.
Le point Budget
Un grand patron meurt, bête accident d'avion sur une piste en Russie. Christophe de Margerie, PDG de la plus grande entreprise française, Total, reçoit un nombre effarant de louanges posthumes. Le Monde bouscule sa une, tous les éditocrates économiques y vont de leurs hommage. Un socialiste récalcitrant, Gérard Filoche, s'indigne et commet un irréparable tweet contre le défunt. Ses anciens camarades s'engouffrent dans le débat de son exclusion.
Il y a des combats plus faciles que d'autres.
Mardi à l'Assemblée, les députés adoptent de justesse le volet recettes de la loi de finances 2015, avec sa quarantaine de milliards d'euros de réductions de taxes et d'impôts. Quelque 39 socialistes frondeurs et une quinzaine d'écologistes ont préféré s'abstenir. Martine Aubry s'agace des largesses accordées à un patronat qui a imposé son agenda à bas prix. Qui ne le serait pas ? Manuel Valls. " Le CICE ça marche, notamment pour les petites entreprises », plaide ce dernier sur BFMTV-RMC. Son ministre de l'Economie s'inquiète quand même que ce CICE ne serve qu'à augmenter les dividendes ou les salaires.
On croit rêver.
Dans le même Parlement, une soixantaine de députés et de sénateurs ont maille à partir avec le fisc. L'information émane du Canard Enchaîné.
A Bruxelles, la Commission est loin d'applaudir au projet de budget français. On négocie ferme en coulisses, on évoque un possible "clash" entre la Commission nouvellement désignée et un gouvernement français affaibli comme jamais. La France sera encore en déficit l'an prochain- à 4,3% du PIB au lieu des 3% espérés. Pire, il n'y aurait pas "assez de réformes structurelles sur les rails." Cette théâtralisation des échanges entre Bruxelles et les exécutifs européens est cocasse et dangereuse. La Commission n'a qu'un avis consultatif sur les budgets des Etats de la zone euro, qu'elle formulera d’ici la fin novembre.
Le point Sarko
François Hollande garde un oeil sur lui.
Nicolas Sarkozy sillonne la France, une nuée de journalistes, désormais également chroniqueurs judiciaires, à sa trousse. Car on parle moins des propositions du nouveau/ancien candidat à la présidence d'un parti qu'il n'ose plus nommé que des casseroles bruyantes qu'il traîne derrière lui. Lui fait mine de les ignorer. D'après Mediapart, deux journalistes du Monde trop curieux sur les affaires de Sarkofrance ont été espionnés et menacés de mort après d'étonnantes révélations sur une affaire kazakh.
Cette semaine, l'un des plus fidèles amis de l'ancien monarque, Patrick Balkany, est mis en examen pour une nouvelle affaire de «blanchiment de fraude fiscale», «corruption passive» et «blanchiment de corruption». "Quand on n'a rien à se reprocher, on se sent bien" commente, sans rire, le justiciable.
Sarkozy laboure toujours les rangs militants de l'UMP. Certains commencent à comprendre qu'il n'y aura sans doute pas de primaires à l'UMP s'il en remporte la présidence. Et pour cause, Sarkozy veut simplement dissoudre l'UMP dans quelque chose de plus grand. Sa campagne réchauffée prend mal, même à l'UMP. Patrick Buisson, le grand inspirateur de la Doxa sarkozyste de la décennie précédente, n'y croit plus: "La mayonnaise ne prend pas. Il est seul. Y'a plus de jus. Plus rien".
Comme s'il avait compris que le costume du sauveur était décidément trop grand pour lui, Sarkozy a choisi cette semaine de reprendre ses habits buissonnien et ses accents extrême-droitistes.
Lors d'un meeting à Nice, il fustige la "terreur islamiste", célèbre les "valeurs de l'Occident". L'homme surjoue des peurs et des fantasmes. "Nos valeurs doivent être défendues face à un islamisme fanatisé qui rêve de semer la terreur en Occident". A Toulon le lendemain, il s'exclame: "la France ne veut pas disparaître." Il s'indigne encore contre l'Aide Médicale d'Etat:"S'il y a de l'argent pour augmenter l'AME de 50% pourquoi n'y en a-t-il pas pour les familles ?" Faire peur avec l'immigration est un réflexe, agiter les fantasmes une nécessité électorale.
François Hollande fait la course au centre-droit. Martine Aubry occupe son aile gauche.
Et la vrauche dans tout cela ?
Crédit illustration: DoZone Parody