Critique de Si Guitry m’était conté, de Sacha Guitry, vu le 20 octobre 2014 au Studio-Théâtre
Avec Jacques Sereys, dans une mise en scène de Jean-Luc Tardieu
Si Guitry est d’ordinaire un auteur plutôt délaissé au Français, il est aujourd’hui remis au goût du jour par Jacques Sereys qui retrace sa vie à travers ses textes, et qui, pendant plus d’une heure, prend le corps du célèbre fils de Lucien, accompagné au piano par Françoise Ferrand. On découvre alors l’auteur de Faisons un rêve sous différents aspects : tantôt plus sombre tantôt léger, on comprend peu à peu la construction de la vie pleinement remplie de ce travailleur intensif, de cet homme amoureux des femmes.
Les textes choisis par Jean-Luc Tardieu et Jacques Sereys ne sont pas parmi les plus connus de Sacha Guitry. Là où on aurait pu entendre tous ses bons mots sur les femmes notamment, c’est quelque chose de plus intime qui nous est présenté : l’enfance de l’auteur, élève médiocre renvoyé successivement de 10 lycées différents, enlevé par son père pour jouer en Russie, puis son arrestation après la libération : ce sont des événements ponctuels de sa vie qui nous sont présentés, soulignant peut-être la recherche du bonheur de Guitry, sa joie de vivre, si présente par la suite dans le spectacle.
Un intérieur bourgeois, nécessaire à illustrer l’oeuvre de Guitry, tient lieu de décor. Sur scène, un large rideau rouge sépare le terrain de jeu de l’acteur de celui de la pianiste : elle donne le la au spectacle en l’introduisant par deux morceaux, puis elle l’accompagne par la suite lors des quelques parties chantées du spectacle, pour notre plus grand bonheur. La mise en scène de Jean-Luc Tardieu, discrète, consistera à mettre les différents moments de la vie de Guitry, et les textes qui s’y rapportent, en valeur. Cependant, ce ne sont pas toujours les textes les plus percutants qui sont choisis, et si certains attisent notre curiosité, d’autres suscitent moins d’intérêt.
Jacques Sereys semble si heureux, sur la scène du Studio-Théâtre. On se demande qui parle, lorsqu’il déclare qu’ Il y a du bonheur pour tout le monde ! Et nous devrions tous être heureux ! Et ceux qui ne sont pas heureux, ce sont des maladroits. L’acteur assume le rôle de Sacha Guitry avec une apparente facilité : les textes choisis sont dits avec esprit et vivacité et les parties chantées assurées avec talent : Sereys prend un réel plaisir à incarner cet homme qu’il admire tant, et nous aussi. Et rien ne l’arrête : ni le chant, ni quelques pas de danse ne semblent des obstacles à l’acteur de 86 ans, qui se donne corps et âme pour donner une telle interprétation, fine, et réussie.
Jacques Sereys donne vie à un Guitry heureux et débordant de vie, dont l’énergie et la bonne humeur se transmettent aisément au spectateur. Un bon moment. ♥ ♥