Voyage au bout du monde…Je ne vous ai pas encore raconté ...

Par Anaïs N.
            Voyage au bout du monde…
Je ne vous ai pas encore raconté mon séjour aux States. Un périple fabuleux au cœur de la nature américaine dans toute sa cruauté et sa puissance. Les trois endroits les plus grandioses que je retiendrai de ce voyage sont la mythique route 66, qui relie l’est à l’ouest (elle part de Chicago dans l’Illinois vers Los Angeles en Californie), le Grand Canyon, en Arizona et le Mont Rushmore, dans le Dakota du Sud. Trois grands sites, vestiges vertigineux qui, selon moi, devraient compter parmi les 7 merveilles du monde.

La nuit est déjà tombée, sombre, épaisse et légèrement étoilée. Un vent doux et sec me pique le visage. Les cheveux au vent je pénètre l’obscurité dans toute sa noirceur. Le vide, le néant, l’infini. Personne à des lieues à la ronde, personne d’autre, juste ma Rover et moi. Les yeux rivés sur la route, je vois défiler les étoiles avec pour seul témoin le désert. Le vent plus fort, plus vorace me déchire la chair. Ma peau meurtrie par ses morsures violentes se tord, se crispe et se détend comme après un effort. Je baisse les yeux sur le compteur…il grimpe… 210… 220…230…240…250…La vitre toujours baissée, le vent se fait plus mordant, je passe ma langue sur mes lèvres desséchées. Je lève les yeux vers le ciel, le supplie. Le silence et la quiétude de cet espace vierge envahissent mon corps tout entier. Soudain, une confiance aveugle m’emporte vers la curiosité de découvrir cet inconnu dont je franchis le cloître.C’est ce même souffle aride et sec qui m’emporte jusqu’au Grand Canyon. Le précipice se fait plus étroit, plus dangereux, plus caillouteux. Le compteur chute…230…210… La  falaise écorchée à vif par mon intrusion, semble se rapprocher dangereusement autour de la carrosserie comme un étau. Je ralentie dans  ma lancée, la tôle de ma Rover frôle les parois rocheuses. Un goût de terre, de solitude et d’amertume me traverse la gorge. Les strates préhistoriques de ces « mégalithes » à l’état brut, se dressent devant moi comme des buildings touchant presque les étoiles. La voie lactée se délecte de ce nuage vaporeux de poussière qui la pénètre. Au loin des hurlements…celui des coyotes perturbés par le crissement des pneus sur les cailloux humides. Je continue ma route et me lance à corps perdu dans cet abysse qui m’ouvre l’intimité de son antre. Il me semble distinguer une forme sombre profanant la tranquillité de ce paysage désertique, massive et intrigante. Une sensation de jouissance me submerge tout à coup. Je sens arriver la fin de mon calvaire. Fatiguée, le dos brisé, je me jette à ses pieds. Imposant, hostile, rassurant, le Mont Rushmore dans toute sa simplicité. Je descends et entame la montée jusqu’au sommet. Un rapide coup d’œil à mon 4X4, fidèle compagnon de route. Je quitte  à contrecœur la sûreté tiède de son intérieur. Le glapissement des coyotes semble bizarrement se rapprocher, la peur monte en moi, je la sens m’envahir, mais je n’ignore pas qu’il est beaucoup plus fréquent d’entendre un coyote que de le voir. L’écho sûrement. Un doute me traverse l’esprit, mais pousser par le désir, je continue mon ascension sans ignorer les risques encourus par la rudesse du climat. Le sommet me parait bien loin, plus improbable à atteindre aussi. La pente se raidit, se tend.

 Au détour d’un roc, Lincoln appairait enfin, dressé dans toute sa splendeur. Comme ensorcelée, son regard dirige mes pas. Mon corps engourdi ne m’appartient plus, mes membres transis de froid et de douleur s’enivrent de ce supplice. Guidée par les étoiles je tente de me rapprocher encore, de me frayer un chemin afin d’entrevoir Washington, d’imaginer les marques du temps sur le visage de Jefferson, de décrypter le profil de Rooswelt contre le bloc de pierres. La roche durcit par le givre nocturne me refuse le passage. Je continue d’avancer, je trébuche, tâtonne dans le noir et dans un dernier cri, lasse de me débattre depuis la nuit des temps, je m’écroule à leurs pieds, apeurée et exténuée.
   To be continued…