Interview avec Stephanie Booth

Publié le 24 mai 2008 par Eogez
Après Vanina Delobelle, c'est au tour de Stephanie Booth de répondre à quelques questions de doppelganger. Stephanie , organisatrice du récent "going solo" , conférence destinée aux "freelancers", et pour qui la présence numérique est devenue essentielle à son activité professionnelle. On peut la lire régulièrement sur son blog, "climb to the stars".
Deux questionnaires doppelganger sont désormais en ligne : le premier pour les recruteurs qui utilisent internet, le second pour les internautes .
Qui êtes vous Stephanie Booth?
Lausannoise. Anglo-Suisse. Judoka. Citoyenne du net. Extravertie.
Intello. Cinéphile. Trentenaire. Musicale. Sociable. Online. MacBook.
Chat (miaou). Manger. Parler. Rire. Comprendre. Echanger.
J'ai certainement oublié quelque chose, mais c'est déjà un point de départ, non?
Quel regard portez-vous sur votre présence sur le web ?
Elle dure depuis dix ans et joue un rôle important aussi bien dans ma
vie personnelle que professionnelle. Elle est devenue naturelle, au
fil des années. Je suis quelqu'un dont la vie a lieu aussi bien dans
le monde physique que le monde numérique.
On me demande parfois combien de temps par jour je passe sur internet,
mais c'est une question à laquelle il m'est impossible de répondre
depuis bien longtemps. Non pas que je ne compte pas mon temps
"connectée", mais parce que mes activités en ligne et hors ligne ne
sont pas clairement distinctes. Je tape ces mots, et je regarde en
même temps la télévision. Suis-je en ligne? Je me promène en ville et
communique par SMS ou Twitter avec mes amis "en ligne" -- est-ce que
ça compte? Le monde numérique est simplement un canal de communication
ou un espace de vie, et certaines relations ou activités y font plus
ou moins appel.
Ma présence sur le web a fini par faire de moi une personnalité
semi-publique. Il y a des gens qui me connaissent et me lisent depuis
des années et dont j'ignore l'existence. C'est étrange au départ et
pas forcément facile à gérer, mais je m'y suis faite. Je crois avoir
une certaine influence et être respectée dans les communautés où
j'évolue, et c'est quelque chose que j'apprécie sans que cela me monte
à la tête (j'espère!).
Etre en ligne me permet de rencontrer et d'être en contact avec des
gens dont je n'aurais jamais eu l'occasion de croiser le chemin. Cela
m'a donné des opportunités aussi bien professionnelles que
personnelles que je n'aurais jamais pu imaginer. J'ai des amis dans
toutes les grandes villes où je suis susceptible de voyager, je
connais des personnes qui ont des millions et d'autres qui n'ont rien
du tout. Ma présence sur le web a ouvert pour moi des fenêtres sur
d'autres cultures et d'autres milieux sociaux, ce que je trouve très
enrichissant.
Les outils de communication d'internet me permettent de rester en
contact avec de nombreuses personnes de mon entourage social qui sont
éloignées géographiquement.
Mais je radote, il va falloir que je passe à la question suivante...
Comment gérez-vous votre identité numérique ?
Mon identité numérique n'est pas fondamentalement séparée de mon
identité tout court. Oui, nous présentons différentes facettes de
nous-même au travail, en famille, à l'église ou avec des amis proches.
En ligne aussi, c'est une certaine facette de nous qui est mise en
avant, mais elle n'est pas moins "moi" que dans ma vie de tous les
jours.
D'un point de vue technique, je me réjouis de l'arrivée de systèmes
centralisés comme OpenID ou FriendFeed qui permettent de rassembler un
peu les différentes expressions de nous-même en ligne. Je souffre de
la fragmentation de mon identité numérique. Je suis quelqu'un qui
recherche l'intégration, la cohérence -- tout en ayant conscience que
l'être humain n'est pas 100% cohérent, et qu'il ne faut donc pas
pousser cette recherche à l'extrême.
Quelle place accordez-vous à votre réputation numérique ?
Ma réputation numérique est simplement l'expression en ligne de ma
réputation tout court. Elle est donc capitale. Je considère aussi
qu'une réputation doit être crédible, et donc je ne tente pas de la
contrôler. Nous avons tous des faiblesses, et je crois qu'il est
important d'être prêt à les assumer -- à nouveau, sans tomber pour
autant dans un extrêmisme de la transparence.
Ce à quoi je prête attention, pour ce qui est de ma réputation
numérique, sont les choses suivantes:
  • j'ai la même éthique en ligne et hors ligne
  • je prends garde de ne pas publier ou divulguer en ligne des informations que je ne suis pas prête à voir devenir publiques
  • je tente de faciliter l'accès au matériel à mon sujet disponible en ligne (il y a encore du travail dans ce département, clairement)

Pour revenir à votre question, ma réputation en ligne ne me préoccupe
pas outre mesure. J'en prends soin naturellement, en essayant de le
faire ni trop, ni pas assez.
Une chose à ne pas faire sur le web ?
Croire qu'on peut rester anonyme. Le contenu de nos écrits finira par
nous trahir. Des gens parleront. On finit par découvrir qui sont ceux
qui se cachent, au bout du compte.
En corolaire, ne pas oublier qu'une fois lâché dans le monde
numérique, ce qu'on y met échappe à notre contrôle. Un jour où l'autre
ça finira par ressortir.
Mais aussi... ne pas avoir trop peur. Le web, c'est simplement une
culture un peu différente de la nôtre, mais il est peuplé d'êtres
humains -- et ceux-là ne changent pas fondamentalement parce qu'ils
sont derrière un clavier.
(Ça fait plutôt trois choses... oups.)
Et une à faire absolument ?
Interagir avec les gens dont le chemin croise le nôtre. Rendre
service. Etre authentique.
Quelle est la part des réseaux sociaux (virtuels) dans votre activité professionnelle ?
Tout est "réseau social" dans l'internet des gens et des relations.
Les blogs en sont un, très clairement, quoique peu formalisé. En ce
moment, Twitter est un centre important de mon univers en ligne.
Facebook, dans une moindre mesure (quoique, maintenant qu'ils ont
introduit le chat...) -- et il y en a une quantité d'autres. Le
problème avec les réseaux sociaux du type Facebook, MySpace, LinkedIn
est que tout le monde ne s'y trouve pas.
Cela veut dire que pour mes activités professionnelles, il me faut
généralement recourir au plus petit dénominateur commun: l'e-mail.
J'ai cependant de nombreux contacts professionnels sur Facebook,
LinkedIn, Twitter, Dopplr -- et ailleurs. La frontière entre vie
privée et professionnelle (et les activités qui s'y rapportent)
s'effiloche, donc il n'est pas toujours simple d'évaluer ce qui
ressortit précisément à l'une ou l'autre. Je dirais donc que les
réseaux sociaux jouent un rôle capital dans mon activité
professionnelle, car celle-ci repose en grande partie sur mon réseau
(à plus forte raison depuis que j'organise des conférences) et que la
cohésion de celui-ci repose à son tour sur mes activités dans ces
réseaux sociaux en ligne (mais pas uniquement).
Comment appréhendez vous le foisonnement toujours grandissant des services et outils proposés sur le web ?
Comme je l'ai dit plus haut, je souffre un peu de la fragmentation de
ma présence en ligne. Je suis quelqu'un que l'on pourrait classer
parmi les "innovateurs" -- j'essaie tout ce qui me tombe entre les
pattes, et si ça me plaît, je suis souvent celle qui va encourager ses
amis à essayer également. Je reste lucide, par contre: après une
période initiale d'excitation, le soufflé retombe souvent. Il y a pas
mal de déchets. Je considère que le meilleur filtre est mon intérêt:
si je me désintéresse, je me désintéresse. Si je croche, je croche.

Un dernier mot ?

Je crois avoir assez tartiné, donc merci de m'avoir lue jusqu'au bout!
Merci !