"Mon ennemi c'est la finance" Taxe sur les transactions financières: 24 milliards à prendre ou à laisser

Publié le 23 octobre 2014 par Blanchemanche
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Selon une étude réalisée pour Challenges par Sia Partners, taxer les transactions financières pourrait rapporter très gros à la France. Sauf que Bercy traîne des pieds.

Par Grégoire Pinson Publié le 23-10-2014

Le chiffre ne passera pas inaperçu alors que le débat budgétaire est en zone de tension maximale. La taxe sur les transactions financières (TTF) discutée au niveau européen pourrait en effet rapporter 24,4 milliards d’euros par an à la France. Une véritable "manne", relève Sia Partners, qui a réalisé cette évaluation pour Challenges. Le cabinet de conseil a aussi élaboré des scénarios moins favorables, intégrant une baisse des transactions qui découlerait du nouveau prélèvement. Mais dans tous les cas, l'apport se mesure en milliards d'euros.
Premier scénario : une chute de 15% sur les obligations et actions et de 75% sur les dérivés - des chiffres retenus par la Commission européenne pour réaliser sa propre étude d’impact au niveau européen, sans rentrer dans le détail, pays par pays. Dans ces conditions, les revenus annuels de la TTF pour la France seraient encore de 15 milliards d'euros. Et même si les échanges sur les actions et obligations étaient divisés par deux –estimations les plus crédibles, selon Sia- les revenus atteindraient tout de même 9,6 milliards. Dix fois plus efficace que la baisse des allocations familiales, qui ne parvient à afficher que 800 millions d’euros de rendement avec un coût politique important dans l’opinion! Dans tous les cas de figures, c’est la taxation des transactions sur les obligations, privées et d'Etat, qui rapporteraient quasiment la moitié de ces montants.

17 à 28 milliards pour l'Allemagne

Pour parvenir à ces résultats, le plus difficile pour Sia a été de reconstituer la volumétrie des échanges sur les différents produits financiers en passant au crible les documents de la Banque des règlements internationaux (BRI), de la BCE, de la Banque de France, etc. L’exercice se complique singulièrement lorsqu’il s’agit de comptabiliser les dérivés qui font l’objet de transaction «over the counter», c’est-à-dire hors des marchés régulés, le plus souvent directement entre une banque et une entreprise. "Nos calculs sont très prudents, précise Jean-François Saudrais, associé de Sia. Nous n’avons retenu que des transactions dont nous avons pu estimer les volumes. Il est possible que les échanges de gré à gré soient en réalité plus importants – et donc que les revenus de la taxe soient plus élevés".
Parmi les 11 pays* qui s’engagent à mettre en œuvre la TTF en 2016, La France ne serait pas la seule à bénéficier de cette nouvelle ressource. Selon une étude d’impact commandée par le gouvernement allemand et remise par l’institut Copenhagen economics en septembre, les revenus pour les finances publiques outre-Rhin s’inscriraient dans une fourchette de 17 à 28 milliards d’euros. La méthodologie utilisée, différente de celle de Sia et fondée sur des hypothèses en cascades, rend cette estimation sans doute un peu trop généreuse. Quoiqu’il en soit, ces montants sont difficiles à refuser…

Michel Sapin étonnamment prudent

Dans une Europe aux finances publiques malmenées, les Etats qui se sont engagés dans cette coopération renforcée auraient tout intérêt à accélérer le processus. Bruxelles aurait aussi des raisons d’espérer une mise en œuvre rapide de la TTF, puisque, selon le mécanisme retenu, les recettes générées doivent être partagées entre l’Union européenne et les Etats – une partie de cette taxe permettrait de remplacer une partie des contributions nationales au budget européen.
Pourtant, les discussions s’éternisent entre les 11. Le sujet n’a même pas été évoqué lors du dernier conseil entre les ministres de l’économie et des finances, le 14 octobre. Bercy traine particulièrement les pieds et, contrairement à l’Allemagne, le gouvernement se garde de publier la moindre étude qui officialiserait cette cagnotte potentielle. "La taxation n’est pas forcément faite pour rapporter, mais pour dissuader", expliquait même récemment Michel Sapin, ministre des finances, étonnamment prudent.
La crainte de la France? Que la TTF déstabilise ses établissements bancaires. BNP Paribas, et surtout la Société Générale sont en pointe sur le marché des dérivés actions. Or ce marché est particulièrement sensible à la variation des coûts. "Avec la TTF, toute une activité de trading et d’arbitrage disparaitra, estime Anatole de La Brosse, DG adjoint de Sia Partners. On écartera la «mauvaise finance», mais aussi la bonne, celle qui apporte de la liquidité aux marchés et permet aux entreprises de recourir à d’indispensables éléments de couvertures des risques".
*France, Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Estonie,  Grèce, Italie, Portugal, Slovaquie, Slovénie.
http://www.challenges.fr/economie/20141022.CHA9257/taxer-les-transactions-financieres-24-milliards-a-prendre-ou-a-laisser.html