Un soir - en 2006- à Villers Saint Paul, commune voisine de Creil,, on jouait " la compagnie des spectres" , texte de Lydie Salvayre , mise en scène de Gérard Lorcy... L'écrivain(e) était là , j'avais lu presque tous ses romans, je lui ai parlé , nous étions côte à côte pendant le spectacle et, celui-ci à peine fini , émue , elle se disait à voix basse "ne pas pleurer ", ne pas pleurer".....En voyant son nouveau roman à la médiathèque, j'ai pensé à cette soirée - d'autant plus que moi aussi , incapable de maîtriser mes émotions , même les applaudissements m'émeuvent ; je suis comme une éponge qui absorbe les émotions des autres en plus des miennes....
Donc je viens de finir la lecture de "Pas pleurer" et c'est magnifique... Lydie Salvayre est près de sa mère qui conte ses souvenirs , surtout cet été 1936 où elle a vécu le meilleur de sa vie. Elle, Montse ,avait accompagné son frère Josep -avec aussi Joan et Francisca-à Barcelone , au moment de l'insurrection libertaire... ce fut pour elle un éblouissement au point que le reste de sa vie fut comme une non-vie traversée de traumatismes ... Elle avait seize ans , n'avait connu que son village , avec la famille riche , les Burgos qui étaient les maîtres , et les pauvres dont sa famille, bien que son père possédât quelques petites terres... Son frère Josep rêvait d'une Espagne meilleure , il s"enflammait pour les idées révolutionnaires...
Montse raconte toutes les cicatrices intérieures que laisse une existence difficile ,pleine de tensions... Récit parallèle à celui que fait Georges Bernanos dans "les grands cimetières sous la lune" qui ,à Palma de Majorque ,voit les horreurs de la guerre civile , horreurs entretenues par l'Eglise catholique . L'écriture du roman oscille entre le français mêlé d'espagnol de Montse et le français de sa fille dans lequel transparaît toute sa sensibilité ,de la tendresse au coup de poing....
Le livre commence par un paragraphe qui donne le ton à la suite :
" Au nom du Père du fils et du Saint- Esprit, monseigneur l'évèque-archevèque de Palma désigne aux justiciers, d'une main vénérable où luit l'anneau pastoral, la poitrine des mauvais pauvres . C'est Georges Bernanos qui le dit. C'est un catholique fervent qui le dit."....
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