Chronique « Harlem, sur la route du diable » : ça swingue en enfer !
Scénario de Boriau, dessins de Goum,
Public conseillé : Tout public
Style : Polar musical et fantastique
Paru aux éditions Physalis fin octobre 2014, 64 pages couleurs, 14.90 euros
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L’histoire
Harlem 1973. Une ‘mama’ black, entourée de ses trois filles, reçoit la visite du proprio. Sans pitié, l’homme leur promet de les jeter à la rue s’il ne touche pas son loyer. Malgré la promesse d’argent, liée au contrat que vient de signer Jazz, le fils ainé avec une maison de disques, n ‘y fait rien.
Quant Harlem, le plus jeune garçon de la fratrie, revient à la maison, il apprend la mauvaise nouvelle.
Jazz lui a envoyé, en cadeau, sa première guitare. Dès qu’il se met à jouer, le fantôme de Robert Johnson (le musicien de blues qui a vendu son âme au diable) apparaît. Musicien doué, aidé de « la guitare du diable », Harlem arrive même à émouvoir le proprio et à gagner quelque délais..
Quant le fantôme lui explique que son frère est en contrat avec le “Baron Samedi” (le diable), Harlem file secourir Jazz, armé de la guitare magique et de son sens du rythme…
Ce que j’en pense
Repéré totalement par hasard, grâce à un billet d’Aurélien Ducoudray sur facebook, j’ai découvert la production de cette jeune maison (Editions Physalis) avec ce titre, et grand bien n’en a prit.
Brodant sur le thème de Faust / Robert Johnson (l’homme qui a vendu son âme au diable), Boriau nous offre une variation BD et musicale très inspirée et très groove.
J’aime bien qualifier « Harlem, sur la route du diable » de « comédie musicale / BD » : un concept original, plutôt fou, puisque dénué de musique, mais qui marche du feu de dieu.
Saturée de morceaux qui swinguent, Boriau nous entraîne dans un scénario au rythme « allegro », qui m’a séduit dès les premières pages.
En rupture avec le contexte original de Robert Johnson (les années 30 et le blues du Missouri), il situe son histoire dans le Harlem des années 70 et fait appel à la musique de l’époque pour accompagner son petit héros. Jazz, Soul, Funk, toute la musique noire est à l’honneur dans cet album réjouissant qui enchaîne les morceaux (allez donc nourrir vos oreilles avec la bande-son sur le site de l’éditeur) et les scènes avec la même énergie.
Difficile de ne pas craquer devant la folie-douce de l’album. Des “battle” musicaux, le diable et son armée de zombie, un proprio sale et méchant, un fantôme trop coooooollll, Boriau ne s’interdit aucun délire, et ça fait du bien !
Au milieu de la quête de Harlem, il insère quelques scènes de grosse comédie, qui détendent l’atmosphère, sans casser le rythme. Juste ce qu’il faut pour apporter un peu de légèreté et de bonne humeur dans ce monde diabolique et dramatique. C’est bien joué et ça devrait plaire à un public large (à partir de 10-11 ans).
Le dessin
J’ai été complètement bluffé par le dessin de Goum. Son dessin, très caricatural et expressif, me fait penser à certains dessins animés de Walt Disney, mais pas n’importe lesquels : les plus déjantés et second degré (« Hercules« , et bien sur « Aladdin » et son génie “frapadingue”). J’y re-trouve la même “folie graphique », le même lâché-prise.
Gaum s’affranchit des normes classiques (les traits sont ronds, ou aigus mais toujours très graphiques) pour représenter sa propre vision du monde : un univers dynamique, péchu et jamais ennuyeux.
Sans contours apparents, (là encore, on se rapproche d’une technique de dessins animés), ses personnages et décors (souvent minimalistes) sont d’une énergie folle.
Remarquable, la mise en couleurs est une explosion psychédélique en camaïeux de verts, de bleu, de pourpres… soutenue par de subtils dégradés et effets de lumière. Avec une saturation très poussée, c’est un ravissement à chaque planche !
Seul petit bémol à l’ensemble : les flous (pour détacher les plans ou pour forcer un mouvement) sont un peut trop présents et nuisent à la beauté de l’ensemble.
Pour résumer
Paru aux éditions Physalis, « Harlem, sur la route du diable » est une petite perle. Gaum et Boriau nous offrent une « comédie musicale en BD », pourrie de Swing et de groove.
A fond la caisse, suivez Harlem, un petit héros attachant dans sa quête. Guitare enchantée, musicien pactisant avec le diable et “Baron Samedi”, Gaum et Boriau ne s’interdisent rien. En plus, le dessin est dans la meme veine : péchu saturé et débridé !