Certains philosophes, épris de cartésianisme et de raison redoutent l’Amour et le fuient comme la lèpre. D’autres l’accueillent à bras ouverts et le célèbrent dans la plus solennelle des allégresse. Quant à moi, je ne sais plus tomber amoureuse.
D’un incurable amour, remèdes impuissants. Phèdre
Le Chiasme ci-dessus qui appuie sur la folie destructrice de Phèdre me parle. Il me parle énormément beaucoup ; et ce n’est ni une anaphore ni un pléonasme. Dernièrement, dans le cadre d’une interview, un ami m’a demandé de me présenter à ses lecteurs. Nul besoin de faire une tirade pour expliquer ô combien l’exercice fût rétif et laborieux. Comment se définir soit même quand on est à la fois antithèse, comparaison, gradation, hyperbole, ironie, oxymore et personnification ? Je m’égare au milieu de toutes ces figures de style. Le fait est que je n’ai pas su parler de moi, chose que je maîtrisais il y a encore quelques mois. Il m’aurait posé la question en Octobre dernier, soit il y a un an, je me serais lancée dans un interminable monologue. J’aurais tenu le plus narcissique et égotique des soliloques ; ventant avec une vanité indécente et outrageuse mon naturel passionné. J’aurais évoqué avec une frénésie embrasée mon amour de l’Amour en général. Mais ça c’était avant !
Aujourd’hui, je réalise fatalement que je sais plus tomber amoureuse. Fatalement oui. Pour quelqu’un qui fût jadis amoureux de l’Amour, je me rends compte que ce mot -qui signifiait tout il y a quelques temps- m’est devenu étranger. Je ne sais plus tomber amoureuse en général. Qu’il s’agisse des gens que je croise, des endroits que je visite, des objets ou vêtements que je repère dans une vitrine, même Leonardo DiCaprio -à qui je vouais un culte démesuré- a perdu une partie de sa flamme. J’ai envie de crier au scandale tellement je ne me reconnais plus !
J’ai longuement tenté de résoudre le mystère de ce changement soudain… en vain. Ai-je changé ? Indéniablement, oui ! La question qui se pose c’est pourquoi ? J’ai toujours su, secrètement, que j’étais un peu bipolaire, à la limite de la schizophrénie, mais je confesse ne pas vu venir cette métamorphose radicale. Je ne la soupçonnais même pas à vrai dire. Un peu comme Gregor Samsa, héros de la nouvelle allégorique de Franz Kafka qui se réveille un matin transformé en un monstrueux insecte. L’oeuvre de Kafka évoque moult interprétations. Les plus probantes abordent le traitement social d’individus différents. D’autres mentionnent la solitude et le désespoir, fruits d’une mise à l’écart. Différente ? Assurément que je le suis. Nous sommes tous plus ou moins différents, mais désespérée et paria ? Jamais de la vie !
Je n’arrive plus à tomber amoureuse des gens que je côtoie, eux qui auparavant m’impressionnaient et me faisaient boire jusqu’à l’ivresse, leurs paroles et leur charisme. Je n’arrive plus à tomber amoureuse de ces villes merveilleuses qui m’enivraient de leur charme et Histoire. Je n’arrive plus à tomber amoureuse de ces sacs, « it bag » éternels… trop luxueux, trop hors de prix, trop inaccessibles. Je n’arrive plus à tomber amoureuse de ce concept abstrait qu’est l’Amour.
Curieusement, l’ancienne « moi » à l’esprit volage ne me manque pas plus que ça. J’ai évolué et j’ai mûri. Qu’il en soit ainsi ☮