Le dernier film de Xavier Dolan, primé à Cannes, n’a plus besoin de recommandation. Cependant j’ai décidé d’en faire quand même un article, parce qu’après m’être dit qu’il était impossible d’écrire dessus, je me suis dit qu’il était impossible de ne pas écrire dessus. Allez-y. Mommy, ça vaut la place à douze euros dans un Pathé de centre commercial.
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Les sceptiques seront confondus.
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Mommy, c’est une histoire originale, aussi peu banale qu’incroyablement ordinaire, l’histoire d’un huis clos, d’un bout de rue et ses quelques habitants qui luttent pour y vivre et non y survivre. C’est un carrefour, où trois vies se percutent, à cent à l’heure, à bord d’une vieille caisse rouillée qui n’a que trop connue les soubresauts qu’offre la vie, et qui pourtant garde espoir, candeur.
Mommy, c’est une formidable photographie, une excellente mise en scène, un cadrage sensible, touchant, et intelligent à la fois, dont le pari est celui d’appartenir au récit, d’être lui-même acteur, de faire sens et de donner sens. Les détails, les gros plans prennent le pas pour exprimer les sentiments de l’âme, et ce qui est hors-champ submerge ce qui nous est donné à voir. Ce quatrième mur que constitue la caméra suit tantôt les élans et revers du cœur, tantôt est simple spectateur, tantôt copie les mouvements du personnage, mais toujours nous positionne au milieu de l’action, ou de l’inaction.
Mommy, c’est un film porté par la performance incroyable de ses acteurs, à tel point qu’on se demande ce que le réalisateur leur fait pour en arriver à une telle délivrance, une telle liberté, mais pourtant une telle justesse. Chapeau bas à Anne Dorsal, pour donner vie avec tant de violence et de sensibilité au personnage incroyable de la mère, socle du film. Idem pour Antoine-Olivier Pilon, pour une interprétation sans faille du colosse au pied d’argile, Steve, poncif qui sied bien à ce personnage antinomique, qu’on craint et qu’on adore en même temps.
Mommy, c’est la justesse de sentiments contradictoires dans un monde étriqué. C’est deux heures trente pour se poser tout un tas de questions, pour réfléchir, à notre façon d’agir, à leur façon d’agir. C’est apprendre à se positionner par rapport à la vie, c’est une leçon de courage et d’humilité.
Mommy, c’est un talent fou, c’est la conscience d’un certain monde vu par un p’tit mec qui, du haut de ses 25 années sur terre, t’explique la force que peut avoir la vie, la complexité de l’amour, l’irréversibilité des choix. Il te montre le type de société dans lequel il évolue, il te montre la beauté de la folie, son intransigeance, son extrême fragilité.
Mommy, c’est de l’amour, de la colère, de la sensibilité, de l’agacement, de la passion, de la pitié, de la vulgarité, de l’inconscience, de la conscience. Mommy, ça vous prend aux tripes, c’est le genre de film dont on ne sort pas indemne, dont on emporte une part avec soit.
Mommy, c’est Xavier Dolan, touché par la grâce.
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« Mommy » par Xavier Dolan (2014)
Avec Anne Dorval, Suzanne Clément, Antoine Pilon
139 minutes
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