Elle arrive, chemisier aussi rouge que ses lèvres, l’air presque gênée de voir autant de monde l’attendre. Vers la fin de l’été Sofar Sounds organise la listening party de Karen O (grossièrement sur le même concept de concerts à emporter de la Blogothèque). Elle y présente son album Crush Songs à venir au début de l’automne, entonnant seule avec sa guitare une poignée de morceaux. Difficile de voir la frontwoman de Yeah Yeah Yeahs presque timide devant ce parterre de spectateurs alors qu’elle enchaînait encore il y a quelques mois les festivals.
Crush Songs est une collection de demos composées entre 2006 et 2007. Pourquoi avoir attendu si longtemps avant publication ? Karen O semble avoir pris quelques réserves sur son œuvre personnelle depuis la fuite de KO at Home en 2006. Enregistrés pour David Sitek, tête pensante de TV On The Radio, le bougre laissa derrière lui les fameux enregistrements dans l’appartement après son déménagement avant que ceux-ci ne soient récupérés et balancés sur la toile. C’est en toute souplesse aujourd’hui, que la belle s’éloigne à nouveau (après la jolie récréation Where The Wild Things Are) pour marcher dans un sentier plus large et confortable que celui de YYY.
Ce disque remplis au bas mot une vingtaine de minutes, réunissant une quinzaine de démos lo-fi, romantiques et catchy. Le format dépassant difficilement les deux minutes voir la minute (NYC Baby), ces ballades somme toute mignonnes, laissent un goût de paresse, et en tête des impressions des morceaux bancales et inachevés au premier abord (n’est pas Daniel Johnston qui veut). La tentative a pourtant l’air trop sincère pour qu’elle ne soit un pied de nez. Armée seule de sa guitare, elle livre sa période « cœur d’artichaut » dans un style intimiste et dépouillé.
Étrangement au fil des écoutes, ces pièces avortées et sans traitement aucun révèlent une dimension poétique, dont seule la voix tremblotante de Karen O tient les rennes. La demoiselle a du talent, on le voit encore dans ce grand écart. Ça ne tape aussi juste que la BO Where The Wild Things Are, mais on sent une envie irrépressible d’appuyer encore et encore sur le bouton repeat. Une fille qui débine ses peines de cœur sur quelques cordes c’est d’un chiant. Mais on te le répète que c’est toujours « plus compliqué que cela ».