Le système de paiement mobile sans contact Apple Pay démarre aux Etats-Unis. Sera-t-il au paiement ce qu’iTunes fut à la musique, une révolution dans les usages ? Le projet a déjà suscité un engouement du côté des banques. Jeudi 16 octobre, le patron d'Apple, Tim Cook, s’est vanté d’avoir déjà noué des accords avec environ 500 banques américaines, dont les plus grandes, et 220 000 points de vente, y compris McDonald’s.
La création d’Apple Pay est un aboutissement logique pour la firme à la pomme, qui a la main sur quelque 800 millions de données bancaires grâce à iTunes et à son magasin virtuel AppStore. Cette application s’appuie sur le NFC (near field communication), une technologie qui permet d’effectuer un paiement sans contact, en passant l’objet qui en est doté à quelques centimètres du terminal de paiement. Même si en France, la CNIL et l’UFC-Que choisir ont mis en garde contre les risques liés au règlement par NFC, notamment quand un code d’identification personnelle n’est pas requis, de son côté, Apple promet au contraire de renforcer la sécurité, en ne transmettant pas au commerçant les données bancaires des clients et en dotant ses appareils dernière génération du système de reconnaissance digitale Touch ID.
La firme de Cupertino se rémunère en prélevant une commission – évaluée à 0,15 % – sur les banques. Aux Etats-Unis, les intermédiaires financiers se sont précipités pour adhérer car ils espèrent une hausse des transactions. Surtout, Apple leur promet une baisse de la fraude, très élevée dans un pays où la carte à piste magnétique reste la référence.
DES BANQUIERS « DÉSINTERMÉDIÉS »
Tel quel, ce modèle pourra plus difficilement s’exporter de l’autre côté de l’Atlantique, où la carte à puce a fait diminuer la fraude. « Cela va être beaucoup plus compliqué pour Apple en Europe, où les marchés sont très fragmentés et les commissions déjà serrées », analyse Pascal Burg, du cabinet de consultant Edgar Dunn. Conscient du problème, Apple vient de recruter ces dernières semaines deux responsables de Visa Europe pour préparer le débarquement sur le Vieux Continent.
De quoi inquiéter. « J’étais à une réunion avec des banquiers européens la semaine dernière. Les trois quarts de la conversation ont porté sur Apple Pay. Certains y voient une opportunité car les marchands vont être incités à mettre à jour leurs terminaux de paiement. Mais d’autres craignent d’être désintermédiés », poursuit M. Burg.
En France, les commissions sont versées par le commerçant et sont réparties ensuite entre la banque du commerçant, la banque du porteur de cartes et le réseau d’acceptation (Visa, MasterCard, etc.). La hantise de ces acteurs est de voir Apple les court-circuiter d’une manière ou d’une autre. Au-delà des commissions, « ce qui intéresse les entreprises est de savoir qui, au final, récupère les données collectées et qui récupère la relation client », explique un spécialiste du secteur. Le but ? « Etre celui qui gère les programmes de fidélité et les coupons, qui analyse l’historique des achats des clients et peut leur proposer de nouveaux produits ».
« Beaucoup de spécificités d’Apple Pay vont devenir des références pour les paiements au quotidien », conclut Denée Carrington, analyste chez Forrester. Mais pour que l’application soit massivement adoptée et qu’Apple Pay devienne la plate-forme de référence, la firme devra travailler sur ce qui lui manque encore, prévient-elle, notamment la création de valeur à long terme pour le consommateur et le marchand – que gagne-t-on concrètement à adopter Apple Pay ? – et la capacité à analyser les comportements des consommateurs par le biais des données récoltées. Ce que Apple, en dépit de ses dénégations, ne manquera pas de faire. Source : lemonde.fr