Me voilà de retour après un long dimanche de randonnée dans l’ouest de Tokyo, et, je peux vous l’assurer, il ne fait pas bon être moi aujourd’hui (j’ai l’impression qu’on m’a passé les mollets et la plante des pieds au rouleau compresseur). Eh oui, je ne suis pas une grande sportive, bien qu’ayant une bonne condition physique, et cette ascension du mont Mitsutoge, situé au nord du mont Fuji, à deux heures de train environ de Tokyo, restera dans les annales, puisqu’il s’agissait non seulement de ma première randonnée au Japon, mais surtout de ma première VRAIE randonnée tout court (non, les promenades en montagne avec les parents quand j’étais petite, avec au programme ramassage de feuilles pour l’herbier et longs pique-nique au soleil, ça ne compte pas, malheureusement). Je parle ici de la randonnée qui tue les pieds, de celle qui te fait te demander à mi-chemin, au beau milieu de la pente, pourquoi tu étais si enthousiaste à l’idée d’infliger ça à ton propre corps.
Petite notice : le mont Mitsutoge fait 1.785 mètres d’altitude et le dénivelé entre son sommet et la station de départ est d’environ 900 mètres. Son ascension est connue pour offrir un panorama unique sur le Mont Fuji. Sur l’image ci-dessus, on en devine le sommet.
Voici le récit de notre beau périple dominical.
5h - Lever aux aurores pour attraper le train de la Chuô Line à Shinjuku, avec correspondance à Takao pour un autre petit train de campagne qui nous emmène jusqu’à la station Mitsutoge. Par la fenêtre du wagon, nous pouvons apercevoir, à quelques minutes de l’arrivée, la crête couronnée de neige de ce cher Fuji-san, qui se détache bien net dans le ciel azur. La journée s’annonce des plus ensoleillées.
9h- Arrivée à la station, et c’est parti pour l’aventure (après pause toilettes bien entendu, parce que faire pipi sur un chemin de rando, ce n’est pas des plus évidents) !
10h30 - Le goudron fait enfin place au sentier de montagne, assez raide et serpentant entre les pins de la forêt et de gros blocs de pierre grise. La température est fraîche dans les sous-bois, mais l’effort nous fait vite transpirer à grosses gouttes, surtout moi d’ailleurs, et ma respiration se rapproche soudain de celle d’un buffle ou d’un hippopotame que l’on aurait condamné à courir le marathon de New York. Bien qu’ayant arrêté de fumer depuis mon arrivée au Japon et n’ayant jamais été une grosse fumeuse (maximum cinq à six cigarettes par jour), je sens que mes poumons sont encrassés et que j’ai le souffle court. Bref, vous voyez le tableau, je souffre à mort (et atteins le fameux stade où je suis prête à me laisser choir sur le sol en soufflant, les larmes aux yeux, à mes deux camarades, que c’en est fini de moi et qu’il vaut mieux m’abandonner là).
12h30 - J’ai tenu bon, j’ai dépassé la souffrance physique grâce à mon mental d’acier (sur fond de musique épique dans ma tête et de médailles d’honneur délivrées par Dumbledore – fan d’Harry Potter, que voulez-vous), et nous avons enfin atteint le refuge de haute montagne où se trouve l’aire de pique-nique (la perspective du sandwich, elle aussi, était une carotte très efficace).
Il faut préciser que le mont Mitsutoge est une destination assez fréquentée, et qu’à une vingtaine de minutes avant le refuge se trouve une grande paroi d’escalade (ce qui est assez déprimant quand on se fait dépasser par des petites mémés à peine essoufflées par la montée). Nous mangeons et nous désaltérons goulûment, je suis fatiguée mais très contente, même si, hélas, le temps se couvre.
14h - Nouvelle ascension d’une dizaine de minutes seulement pour atteindre le sommet proprement dit du mont Mitsutoge, qui héberge une antenne de télétransmission assez hideuse. Nous sommes très tristes : le mont Fuji reste bien dissimulé derrière une épaisse couche de nuages blancs et cotonneux. Qu’à cela ne tienne, le paysage est quand même à couper le souffle : tout autour de nous, l’horizon est ciselé par les montagnes, dont les flancs se font bleus plus au nord, tandis qu’au sud les sommets se perdent dans la lumière brumeuse. À nos pieds, la forêt arbore un arc-en-ciel de couleurs allant du vert tendre au rouge vif: ici, l’automne est déjà bien entamé.
14h30 - Nous entamons la descente, après quelques détours pour retrouver la bonne piste. Nous cheminons sous le couvert des feuillages, il fait très frais et le ciel est bas, mais la pluie ne menace pas. Nous devisons gaiement tout en enjambant pierres, racines et troncs d’arbre qui jalonnent le sentier, la crête débouchant parfois sur un espace parfaitement dégagé, ce qui nous donne alors l’occasion de souffler un peu en observant la magnificence des paysages qui nous entourent. Pendant toute la descente, le Fuji est à notre gauche et demeure invisible ; mais nous savons qu’il est là, et sa présence plane sur la forêt. Brrrrr. Non je plaisante, c’est juste que vers les 15h30, il a commencé à faire vraiment très froid.
Vue sur le lac Kawaguchiko
Récompense : un superbe coucher de soleil
17h - Nous arrivons à la station Kawaguchiko, fin de notre périple – Je suis littéralement sur les rotules, et surtout j’ai une migraine tenace qui s’est installée. Lorsque je veux prendre un médoc dans la trousse de secours que j’ai apportée (me connaissant, on n’est jamais trop prudents), je suis très surprise de n’y trouver que des pansements et des compresses. Une couverture de survie aussi. Aucun Doliprane ou Ibuprophène en vue, alors qu’avant de partir au Japon, je me souviens avoir blindé la trousse en question de médocs de toutes sortes. Je me rappelle alors du moment précis où j’ai décidé, ne me demandez pas pourquoi parce que j’ai oublié, que c’était débile d’avoir des médocs dans la trousse de secours et que donc j’allais les enlever. Voilà. Je me suis giflée mentalement quand cela m’est revenu en mémoire. J’ai donc dû supporter une migraine du feu de dieu jusqu’à notre retour chez nous, qui a pris plus de trois heures, car nous avons voulu revenir en bus, ce qui n’était pas une idée très brillante un dimanche soir sur la route de Tokyo. Si vous tentez aussi cette aventure, surtout, prenez le train ! (Ca vous évitera aussi de vous coltiner pendant tout le trajet une tribu de Philippins roteurs).
Conclusion : une super journée (si si, je vous jure, au final j’étais vraiment fière de moi d’avoir réussi !), un grand bol de nature et un bel exercice physique.
Sur ce, je vais mourir dans mon bain.
Ja ne !