Scorpion est une nouvelle série de 24 épisodes diffusés sur les ondes de CBS aux États-Unis et CityTV au Canada. L’action tourne autour d’un groupe de geeks dans l’agence-conseil spécialisée en informatique dirigée par Walter O’Brien (Elyes Gabel) qui est sur le point de faire faillite. Par un coup de main du destin, ils sont approchés par l’agent du département américain de la sécurité intérieure Cabe Gallo (Richard Patrick) qui est bien au courant de leurs talents respectifs. En échange d’une somme substantielle, il les persuade de se joindre à lui alors que plusieurs disques durs d’avions devant atterrir à l’aéroport de Los Angeles sont défectueux et menacent la vie des passagers. Toute la bande accepte et avec leurs ordinateurs, s’installent dans un café où travaille en tant que serveuse Paige (Katharine McPhee) qui par un concours de circonstances, les aidera à mener à bien (in extremis bien sûr) leur mission. Dès lors, l’agent Gallo les engage tous à temps plein dans une unité spéciale qu’il pilotera pour faire face aux pires dangers qui menacent le pays. En ondes depuis la mi-septembre, Scorpion a tout d’une série mainstream dans laquelle se spécialise CBS; sans saveur particulière et surtout d’un mécanisme forcé au profit d’un scénario qui s’ingurgite sans effort et qu’on a tôt fait d’oublier. Ces supposés geeks pourraient tout aussi bien être des robots qu’on n’éprouverait pas plus de sentiments à leur égard.
Une espèce « très rare »
Le supposé intérêt de Scorpion tient du fait qu’on suit épisode après épisode, un groupe de geeks; cette catégorie de personnages qui ont fait de succès de séries telles Silicon Valley et The Big bang theory. Mais le problème avec la série de CBS est qu’elle ne joue pas dans la comédie et qu’en se prenant au sérieux, elle devient justement ridicule. C’est que l’on dépeint Walter et son groupe comme étant carrément des espèces à part et extrêmement uniques, ce qu’on peine à croire, puisqu’ils ressemblent davantage à des clichés ambulants. Au sein du groupe nous avons Toby (Eddie Kaye Thomas), spécialisé dans l’étude du comportement humain, Happy (Jadyn Wong), ingénieure en mécanique et Sylvester (Ari Stidham), un statisticien hors pair. Pour en revenir à Walter, il a un Q.I. supérieur à celui d’Einstein (ce qu’il aime rappeler à tout le monde) et se spécialise dans le cyber espionnage et l’infiltration. Donc, tous les membres du groupe sont complémentaires, ce qui leur permet de mener à bien leur mission. Outre les disques durs des avions à reprogrammer dans le pilote, ils doivent trouver dans le second épisode un homme qui a créé un virus mortel dont est atteinte la fille du gouverneur de la Californie et dans le troisième, ils doivent arrêter des extrémistes qui ont planté des bombes un peu partout à Los Angeles.
Le premier problème dans toutes ces histoires, c’est qu’on a affaire à des petits génies un brin prétentieux qui n’ont rien de vraiment attachant. À la fin du second épisode, on nous offre un petit montage du côté plus sombre de chacun des membres. Ainsi, Toby est accro aux jeux de hasard, tandis que Sylvester est atteint du trouble obsessionnel compulsif. Happy est pour sa part très isolée alors que Walter est incapable de sociabiliser avec les gens. En fait, ils ont tous de la difficulté à interagir avec les autres êtres humains et c’est là que Paige entre en scène. Elle est engagée par Walter pour un travail fort simple : « You will translate the world for us », pour citer le protagoniste, comme s’ils étaient des robots. Il y a tout de même une limite à avoir de la difficulté à communiquer… Ainsi, la jolie brune leur apprend à dire « s’il vous plaît », à modérer leur ton lorsqu’ils interrogent des suspects et va même jusqu’à s’assurer qu’ils mangent de temps en temps. On comprend mal cette association d’autant plus que l’ancienne serveuse n’est au départ pas caractérisée pour sa perspicacité. Elle est mère célibataire de Ralph (Riley B. Smith), qui doit environ avoir 10 ans et qui selon elle a des troubles de comportement. Mais voilà que cinq minutes après l’avoir rencontré, Walter en déduit qu’il est lui aussi un petit génie et le prend sous son aile. Pour une mère attentionnée, on s’étonne que jamais elle n’ait remarqué quoi que ce soit en ce sens…
CBS
Cette station généraliste a depuis bien longtemps le haut du pavé sur ses acolytes que sont ABC, NBC ou Fox. Son secret? Elle réussit à retenir son public prenant un minimum de risques. Scorpion est en l’exemple parfait. Certes, sur papier le concept semble un tant soit peu original : des mésadaptés entraînés dans des aventures rocambolesques qui parviennent à assurer la sécurité intérieure. Mais on se rend vite compte qu’il s’agit d’un prétexte pour nous présenter un procédural à la mécanique des NCIS ou de Criminal Minds. Dans la plupart des séries, on a affaire à des protagonistes avec des défauts et des qualités. Ici, tout est forcé. On sait à l’avance qu’on ne s’attarde que pour la forme aux défauts des membres du groupe, qu’on n’y prêtera jamais une attention sérieuse, sinon que d’essayer de les rendre plus humains de temps en temps.
Tim Surette dans sa critique de la mission des personnages durant le premier épisode résume bien la « stratégie CBS » : « It all happened lightning quick and with technical nerd-speak to distract us from poring over the details, which was necessary in order to get the boring process stuff out of the way and keep the show’s pulse relatively high ». Tout est en effet plutôt superficiel et on ne s’étonnera pas que la production ait demandé à Justin Lin de réaliser le pilote. Celui-ci est spécialisé dans les scènes d’action (il est à l’origine des quatre derniers volets des Fast & Furious) et oui, il nous en met plein la vue. Dans une scène, Walter avec à ses côtés Paige conduit une voiture sport alors qu’un avion en danger vole au–dessus de leurs têtes. C’est que la jeune femme doit connecter un câble de son portable au système informatique de l’appareil, afin d’y télécharger un programme qui lui évitera de s’écraser. Certes, on retient notre souffle durant toute la scène, mais celle-ci est en fin de compte d’un ridicule incroyable, d’autant plus que l’on sait que ce n’est que du tape-à-l’œil destiné à vendre la série à des chaînes étrangères et que jamais on ne retrouvera de pareils effets spéciaux au cours de la saison.
Comme il fallait s’y attendre, Scorpion est un gros succès d’écoute. 13,83 millions de téléspectateurs ont écouté le premier épisode et ils étaient 13,36, 12,05 et 11,51 millions pour les suivants. Ces chiffres sont encourageants pour CBS puisqu’elle projette de diffuser la série au minimum jusqu’au printemps prochain. Manque d’originalité, personnages quelconques, mises en situation impossibles : Scorpion, c’est de la vieille télévision qui ne marquera pas les esprits pour son originalité, mais qui a au moins le mérite d’être rassembleuse.
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