Ballade entre les tombes est le deuxième long-métrage de Scott Frank, inspiré du roman éponyme Lawrence Block dont il est également le scénariste. Il a entre autre scénarisé Minority Report par le passé. Le metteur en scène a su donner à Liam Neeson (qu’on avait abandonné après Non-Stop, thriller épouvantablement long et incohérent) un rôle à sa hauteur, un personnage sombre et sérieux tout en étant profondément sympathique, plus substantiel que le rôle de vigilante bad-ass dans lequel Hollywood aurait tendance à le cantonner.
Matt Scudder (Liam Neeson), ancien policier new-yorkais est devenu détective privé. Il exerce sans licence. Ancien alcoolique, il rencontre Peter Kristo (Boyd Holbrook) à sa séance hebdomadaire des alcooliques anonymes. Ce dernier lui fait rencontrer son frère, Kenny (Dan Stevens) qui lui demande de l’aider à venger sa femme. Celle-ci a été enlevée et assassinée malgré le versement d’une rançon. Aidé par TJ (Brian Bradley), un gamin des rues, Matt Scudder finit par accepter.
Matt Scudder (Liam Neeson) et TJ (Brian Bradley)
Ballades entre les tombes affiche une bande-annonce musclée qui nous avait fait hésiter à aller le voir parce qu’il faudrait que les producteurs qu’un bon thriller repose sur l’intrigue et le suspens, non sur le degré élevé de violence. C’est tout le contraire que nous avons pu voir. Ballades entre les tombes répond à la première qualité que l’on exige d’un film policier, mettre en perspective son personnage principal, lui donner du corps et si possible une âme. La scène d’ouverture, l’ellipse de sept ans, puis d’emblée la réunion des alcooliques anonymes donne le ton, Matt Scudder a littéralement changé de façon d’appréhender la vie. Un changement radical a eu lieu. Par touche, Scott Franck permet à son personnage de se confier, à travers sa relation avec TJ, jeune enfant des rues qu’il prend peu à peu sous son aile. L’impulsivité que lui donner sa consommation d’alcool a disparu pour laisser place à une personne réfléchie. Son esprit grisé a laissé place à une méfiance qui peut se transformer en véritable courage. Sombre et taciturne, Scudder laisse pourtant constamment transparaître des signes de faiblesses avec une sincérité désarmante. C’est ainsi que Scott Frank nous le rend immédiatement sympathique et proche.
Matt Scudder (Liam Neeson), Kristo (Boyd Holbrook), Yuri Landau (Sebastian Roche) et Kenny (Dan Stevens)
Par certains aspects, Ballades entre les tombes s’éloigne du simple récit d’un enlèvement pour sombrer dans le film noir et sonder les tréfonds de l’âme humaine. En parallèle de l’enquête, on suit les kidnappeurs, difficiles à appréhender car la rançon n’est pas leur seul motivation. Matt Scudder est face à des sociopathes dont la parole ne peut pas être prise comme argent comptant. Par la nature de leur actes criminels, Ray (David Harbour) le cerveau du duo et Albert (Adam David Thompson) font virer le film à la limite de l’horreur. Scott Frank fait le choix de laisser hors-champs les sévices des kidnappeurs, ce qui a pour effet de les rendre encore plus dérangeant. On sait alors ce qui se passe mais c’est notre imagination qui travaille. La suggestion a toujours eu plus d’impact que l’étalage de chairs et d’hémoglobine. Même les clients de Scudder, pourtant trafiquant de drogue, sont rendus sympathique par l’attachement profond et sincère aux victimes, par le désarroi poignant qui les étreints. Le scénario rend difficile l’attente car si l’on se doute des événements à venir, il prend à l’image des deux psychopathes, des chemins de traverses qui amplifient le malaise ambiant. Ballade entre les tombes commence en plein jour, arbore une esthétique crépusculaire pour finir dans la nuit noire.
Albert (Adam David Thompson) et Ray (David Harbour)
Décidément, ce mois d’Octobre 2014 est un mois d’exception pour des thrillers d’exceptions. À la suite d’Equalizer, Ballades entre les tombes saura séduire les amateurs de films noirs. La preuve que le thriller de qualité n’a pas disparu, qu’il renaît encore ponctuellement d’entre les morts.
Boeringer Rémy
Pour voir la bande-annonce :