Saura-t-on la vérité sur l'assassinat des moines de Tibhirine?

Publié le 19 octobre 2014 par Medzaher

Le juge français Trevidic va pouvoir enquêter sur place en Algérie. Mais trois scénarios s'opposent sur l'origine de cette tragédie.

Saura-t-on un jour la vérité sur le drame qui s’est joué il y a dix-huit ans, de mars à mai 1996, dans le fief montagneux de Médéa, à 90 kilomètres d’Alger, où sept cisterciens trappistes du monastère Notre-Dame de l’Atlas, dans le village de Tibhirine, ont été enlevés, puis massacrés? Si on découvre, un jour prochain, les circonstances de leur mort, ce sera sans doute à la persévérance de Marc Trévidic, juge antiterroriste du tribunal de Paris, et à l’obstination de Me Patrick Baudouin, avocat des familles des victimes, qu’on le devra.Dans cette affaire hors du commun, rien n’a été fait selon les règles. Comme si la France avait voulu ménager la susceptibilité des dirigeants algériens, on attendra plus de sept ans, en 2004, avant qu’une information ne soit ouverte par le parquet de Paris. Puis, une fois lancée, l’enquête a végété pendant des années: aucune audition d’importance, aucune autopsie des dépouilles.
Depuis qu’il a récupéré le dossier en 2007, après le départ du juge Bruguière du pôle antiterroriste, le juge Trévidic s’est fixé deux objectifs: se rendre enAlgérie pour auditionner une vingtaine de témoins clés de l’affaire, y compris des terroristes repentis; puis faire exhumer et autopsier les têtes des moines martyrs, seules dépouilles retrouvées près de Médéa, le 30 mai 1996, une semaine après l’annonce de leur égorgement. Il est capital en effet, pour établir la vérité, de savoir si ces têtes présentent ou non des impacts de balles et si les moines ont été décapités avant ou après leur mort.Le juge Marc Trévidic vient d’enregistrer un début de victoire. Il se trouve, depuis le 12 octobre, en territoire algérien, en compagnie de quatre experts français. Il lui a fallu plus de deux ans de patience pour vaincre les résistances d’Alger. C’est en décembre 2011 qu’il avait lancé une commission rogatoire internationale et c’est seulement en décembre 2013, après la visite de François Hollande à Alger, qu’il a obtenu l’autorisation des autorités pour une exhumation, une autopsie et l’établissement de tests ADN.Victoire encore incomplète: d’une part, Alger a imposé que l'opération soit menée par des experts algériens. D’autre part, l’interrogatoire des témoins ne pourra pas se faire par le juge français. Celui-ci pourra seulement recevoir les procès-verbaux des enquêteurs algériens.Pour les autorités algériennes, cette pression du juge et de l’avocat des familles est une ingérence intolérable dans leurs affaires internes. Pour elles, l’affaire est classée depuis longtemps. La mort des sept moines de Tibhirine est un épisode sanglant, parmi tant d’autres, de la guerre civile qui a frappé la décennie des années 1990 en Algérie et a fait une centaine de milliers de victimes. Les moines ont été enlevés et égorgés par le Groupe islamique armé (GIA), l’un des groupes terroristes les plus actifs à l’époque dans la région de Médéa. Pourtant, dix-huit ans après les faits, cette thèse officielle suscite ne convainc presque plus personne. Trois scénarios sont aujourd’hui en présence.Par Slats Afrique