Via Lusitania, étape 15, une belle arrivée, ça s'arrose!

La pluie m'a accompagné toute la journée pour cette dernière étape sur la Via Lusitania.  Une pluie en récital, avec toutes ses gammes. De la pluie fine, du crachin, la pluie classique aussi, avec de vraies gouttes bien mouillantes. Puis les trombes d'eau,  qui tombent autant à l'horizontale qu'en verticale tant le vent les accompagne.
Je n'ai donc pas vraiment eu les meilleures conditions pour admirer les paysages de cette dernière journée de marche, pourtant courue à travers une belle campagne à qui la pluie va bien. On sent ici que le climat océanique marque jusqu'aux pierres des maisons.
J'ai sans doute rater quelques belles photos,  ne sortant mon appareil que lors de rares acalmies. Mais il me restera de beaux souvenirs de cette dernière étape.

Des souvenirs qui resteront liés aux rencontres. Celle du chemin, tout d'abord. Comme  je double quelques pèlerins, j'échange le classique "buon camino" et quelques mots. Mais je lie ensuite conversation avec deux d'entre eux avec qui le courant passe tout de suite, en français il est vrai.
Didier occupe sa préretraite de voyages à pied depuis qu'il a découvert la randonnée. Il a un bel accent de Carcassonne mais vit à Montpellier.  Son compagnon de route , Indra,  est espagnol mais possède un parcours bien original. 
Il a grandi en Inde, près de Pondicheri , où il a appris le français et le tamil , puis vécu en Angleterre et en Italie,  en Espagne et en France.  Après ce pèlerinage, il ira à Londres vendre des décors de Noël,  un boulot alimentaire,  puis retournera dans son eco village indien pour reprendre ses activités de cordiste élagueur. Son enfance multiculturelle lui a donné une belle ouverture d'esprit et en compagnie de Didier, nous parlons de plein de choses,  tout naturellement et comme de vieux amis.
Nous évoquons la mode des régimes "sans". Didier, trente ans auparavant,  fut crudivore et a suivi les préceptes de linstincto thérapie.  Une expérience, qu'il a toutefois stoppé car elle coupait du monde. Pour ce pèlerinage, se plaçant un peu aussi dans une tradition indienne, Indra a stoppé le café et l'alcool. Je lui dis en riant que pour moi c'est l'inverse,  je ne bois jamais tant que sur les chemins!
Je décide d'accompagner ces deux bons camarades de sentiers jusqu'à Padron,  qui marque ma mis course. Ils s'arrêteront un peu plus loin. Je les quitte juste avant la ville, où je me refugie toutefois un instant dans un bar tant la pluie est forte. Décidément j'aurai rencontré des pèlerins "alternatifs" et intéressant.
J'arrive ensuite dans les faubourgs de Santiago,  mais plutôt par un chemin des bois. Le centre ville se rapproche vite et je retrouve pour les derniers mètres les petites rues anciennes.
Me revoilà sur cette grande place, devant la cathédrale. Kilomètres zéro. 
C'est la troisième fois en deux ans et demi que je rejoins cette place après un grand périple à pied. Il s'en est passé des instants dans le monde, et dans ma vie, depuis ma première arrivée ici. La cathédrale est de plus en plus enveloppée d'échafaudages,  ma barbe est de plus en plus blanche. Je reviendrai encore ici, à pied, par d'autres voies.
Le temps de trouver une pension pas bien loin, dans un immeuble du centre en belles pierres anciennes et de me reposer un instant dans une chambre bien chaude où il flotte une bonne odeur de bois et dencaustique, de meubles anciens,  et me revoilà à flâner dans les rues, toujours sous une pluie fine. J'ai troqué mes chaussures Hoka contre mes sandales Keen. Mon rythme est celui d'un promeneur urbain.
Je dinerai un peu plus tard d'un plat de poulpe, on est en Galice,  en discutant agréablement avec Francisco, un ancien journaliste et professeur américain,  venu du Texas. Demain, je repars déjà vers une autre destination, mais ce nouveau voyage vers Santiago conservera la saveur particulière de ces instants précieux où l'on est à sa place, celle où l'on a voulu être. Pour moi,  sur le chemin.