Édition un peu plus bougonne ce matin, alors qu’on jase du trop-plein d’argent que la NFL veut collecter. Est-ce au détriment du fan ordinaire comme vous et moi?
Trop c’est comme pas assez
Je m’étais posé la question lorsque Mark Cuban a prédit un abrupt déclin de la NFL dans la prochaine décennie suite à l’annonce sur les matchs du jeudi soir l’hiver dernier. Je me l’étais aussi posé lorsque Roger Goodell a publicisé son objectif d’atteindre des revenus de 25 milliards de dollars pour sa ligue d’ici 2027, tout comme lors de la saga sur l’expansion du nombre d’équipes en séries. Même l’attitude de la NFL dans toute l’affaire Ray Rice (pré et post vidéo de TMZ), clairement motivée uniquement par la protection de l’image corporative et des intérêts financiers du circuit et des Ravens par ricochet m’a ramené à cette interrogation. Finalement, lors de la préparation et de la réalisation mon voyage à Boston il y a deux semaines, la question m’est revenue en tête régulièrement : la NFL est-elle trop gourmande, enivrée dans une espèce de folies de grandeurs qui lui fait perdre le contact avec le proverbial « vrai monde » ? Et surtout, y a-t-il encore une place pour le fan ordinaire dans un stade de la NFL?
Le Gilette Stadium est un bel endroit pour assister à un match de football à des lunes de l’ancien Foxboro Stadium. Par contre, le droit d’accès s’y paie chèrement. Seulement 16 des 119 sections offrent des billets à moins de 100 $ l’unité, et encore, seulement pour 4 des 8 matchs de la saison régulière. Les 4 autres, plus populaires, exigent un déboursement d’au moins 100 $, même pour les moins bons billets, ceux situés dans les coins et dans les hauteurs de l’amphithéâtre. A cela, il faut ajouter le prix du stationnement (40 $ à Foxboro), des rafraîchissements (bière à 9 $), de la bouffe, des souvenirs, etc… Une étude récente évaluait à 625 $ le coût total d’une virée aux Patriots pour une famille de 4 personnes, soit la paie hebdomadaire (avant impôts) du Québécois moyen!! La Nouvelle-Angleterre est chérante (seuls San Francisco et Dallas font mieux … ou pire dépendant comment vous le voyez), mais la moyenne NFL se situe à près de 500 $ incluant un prix moyen des billets de 84.43 $, en hausse de 3,5 %.
Certains marchés peinent à suivre la cadence. Même s’ils sont dans une des plus belles phases de l’histoire de la concession, les sièges vides se comptent par milliers à Cincinnati. St-Louis, Oakland, San Diego, l’Arizona, Washington, Cleveland, Buffalo et les 3 concessions de la Floride pour ne nommer que celles-ci éprouvent aussi toutes sortes d’ennuis à écouler leurs billets. Depuis le sommet atteint en 2007, l’assistance totale de NFL décline progressivement. Malgré tout, le coût des billets, et surtout, celui des « à côtés » qu’implique une virée au football a progressé à vitesse grand V. Le prix devient de plus en plus prohibitif pour l’Américain moyen qui choisit désormais de regarder le match sur sa télé 50 pouces (qui est elle de plus en plus abordable!).
Évidemment, les baisses d’assistance ne sont pas drastiques, mais la tendance est néanmoins claire. Et parfois, j’ai presque l’impression que c’est ce que la ligue veut. Tous les stades mettent clairement l’emphase vers la clientèle corporative, riche, qui est prête à dépenser sans compter pour des salons privés, des sièges rembourrés et des services de traiteur. A Dallas, le palais de Jerry Jones comprend 5 niveaux de loges corporatives et 3 sections « club » avant d’atteindre l’enclos à partisans normaux dans le pit! Même si tout le monde est bien traité lors d’une visite au AT&T Stadium, c’est assez facile de constater quelle clientèle est visée.
Or, si le partisan moyen ne peut plus se payer une visite au stade, continuera-t-il à suivre son équipe aussi assidument? Présentement, la réponse est oui, les cotes d’écoute télé n’ont jamais été aussi bonnes. Est-ce soutenable à long terme? Manifestement, dans les plans d’affaires des diffuseurs et des ligues professionnelles, la réponse est oui, car chaque nouvelle signature de contrat de télédiffusion fracasse le record établi lors du contrat d’avant. Au football, CBS vient de payer 275 millions pour diffuser 8 mauvais matchs du jeudi soir et ils semblent bien fiers de leur coup! Sauf que toutes ces prévisions sont basées sur une croissance continue de revenus publicitaires, et surtout, d’auditeurs. Or les amateurs de football, bien que très nombreux, ne poussent pas dans les arbres! Quand tu as déjà 24 des 25 émissions les plus écoutées aux USA, quel est le potentiel de croissance supplémentaire?
La NFL n’est pas unique dans cette flambée des dollars. En Europe, Sebastien Vettel vient de recevoir 240 millions sur 3 ans (240 fucking millions!!!!!) pour faire le saut chez Ferrari et Adidas vient de s’engager à verser 75 000 000 de livres sterling (135 600 000 en dollars canadiens) par année à Manchester United pour devenir son habilleur officiel. J’imagine qu’ils ont fait quelques projections financières avant de signer le chèque. De retour chez nous, la LNH vit sa propre folie des grandeurs, gonflée notamment par l’entente gargantuesque signée avec Sportsnet et TVA Sports. Eux aussi ambitionnent d’accroître « l’exposure » du hockey au Canada. Est-ce possible? Tôt ou tard, le marché sportif sera saturé et certaines ligues professionnelles (et télédiffuseurs) feront une douloureuse rencontre avec leur modestie, un peu comme le Comité international Olympique en manque de candidatures de qualité pour l’organisation des jeux d’hiver 2022. En ce sens, le monde du sport professionnel me fait penser à ces détenteurs d’actions des sociétés technologiques des années 90 qui croyaient que leurs placements n’allaient toujours qu’augmenter, augmenter puis encore augmenter! La vie n’est pas un film d’Hollywood, ça ne fonctionne pas comme ça
Quel est le futur de la NFL? Il est sans doute brillant. Le sport est solide, le produit est captivant et l’ensemble est plutôt bien géré. Sauf que, si trop occultée par sa folie des grandeurs, la NFL perd contact avec le partisan moyen sur des enjeux simples comme les commotions (de moins en moins de parents permettent à leur enfant de jouer au football) et l’accessibilité au match, même la plus puissante ligue au monde va frapper un mur à un moment donné.
A surveiller aujourd’hui
Je ne veux tout de même pas passer un tailgate complet à chialer, donc voici 5 éléments qui retiendront mon attention dans la palette de rencontres intéressantes présentées cette semaine.
- Les Saints pourront-ils marquer face aux Lions? Il n’y a que 3 semaines, c’eut été une chose délirante à écrire, mais la défensive des Lions broie tout sur son passage et le match aura lieu à Détroit. Quand on connaît les déboires des fleurdelisés hors de leur SuperDome, il faut presque craindre le pire pour eux.
- La défensive des Bengals retrouvera-t-elle ses repères ? Hum, ça irait mieux s’il restait des secondeurs partants et s’ils n’affrontaient pas Andrew Luck dans son antre. On ose espérer un sursaut d’orgueil, mais la connexion Mohammed Sanu – Andy Dalton devra probablement porter le club sur ses épaules pour espérer gagnant. Inquiétant…
- Des pièges pour les Cowboys et les Browns : Les premiers viennent de tronçonner les champions en titre à Seattle et ils ont désormais Dallas et tous les médias des USA à leurs pieds. Heureusement pour eux, ils affrontent leurs éternels rivaux de New York, donc la motivation devrait y être. C’est différent pour les Browns, eux-aussi chouchous de la semaine, qui iront défier les putrides Jaguars. Rien de trop stressant en théorie, mais rappelez-vous qu’il a fallu un petit miracle pour que les Bruns ne se fassent pas surprendre par Tennessee il y a 2 semaines. Ne misez pas sur Cleveland dans vos pools « survivor », ça sent mauvais…
- Favre aux oubliettes dès ce soir? Il ne maque que 2 passes de touchés à Peyton Manning pour égaler le record du Brett pour le nombre de relais décisifs et 3 pour le battre. Le visiteur de la semaine au Invesco Field (San Francisco) n’est pas piqué des vers, mais Manning n’a pas l’habitude de laisser traîner ces choses-là…
- Sursaut d’orgueil des Steelers? Le rendez-vous du lundi soir (Houston à Pittsburgh) n’est pas trop sexy, mais il permettra tout de même de jauger ce que les Steelers ont dans le ventre. Disons qu’après le fiasco contre Tampa Bay lors du dernier rendez-vous local et celui à Cleveland dimanche dernier, il serait impératif que les serviettes jaunes ne laissent pas filer ce match-là.
Bon football et comme d’habitude, revenez consulter nos résumés dans la journée.