Il me semble que dans le théâtre, entendre les mots est important. Je ne suis pas une puriste. Et comme disait le prof d'un prof: "Violez les vers si vous voulez, mais dans le but de leurs faire des enfants". Les mots ont une couleur, une sensualité, une signification à chaque syllabe, son. Les mots agissent directement sur notre corps, c'est le corps qui amène la parole, les mots sont physiques. Et quand leur auteur est Victor Hugo, ils ont une force brute, sauvage et primaire qu'il faut dompter.
La Lucrèce Borgia de David Bobée est un bel exemple de théâtre branchouille fait de jolies images insignifiantes blindée de fric que je déteste.
© La Maison des Arts de Créteil — 2014Alors pourquoi?
Surtout que sur le papier, l'exercice de populariser une pièce classique du répertoire français, lui donner les codes musicaux, vestimentaires ou people pop d'aujourd'hui, je suis carrément pour. Que ce soit chez Rabeux, Bellorini ou Jatahy, j'adore!Parce qu'au fond les enjeux et les objectifs des pièces classiques nous sont forcement proches. Une mère qui cherche à protéger son enfant, un jeune homme attiré par une femme qui a une mauvaise réputation, la vengeance de jeunes hommes, la vengeance d'une femme.
La pièce commence bien avant que la salle soit dans le noir, les comédiens sont dans la pénombre, éclairés seulement par les lettres en néon qui forment le nom BORGIA. Au fond le musicien-interprète Butch McKoy gratte sa guitare. Le public s'installe. J'ai bien aimé ce parti-pris. Puis la musique commence, les comédiens s'intallent sur des barres, et commence un "clip" très long, où le seul mouvement est la montée-descente du nom en néon et des projecteurs. C'est joli 30 secondes et ça devient très vite long. Très long. Et souvent, trop souvent, cet effet "clip" reviens (comme pour un film de Sofia Coppola). C'est joli, mais ça n'apporte rien, voir ça coule complètement le peu de crédibilité que pourrait encore avoir David Bobée sur la compréhension du texte. Je fais allusion à ce roulage de galoche excessif. On sent que David Bobée a voulu se faire plaisir.
Car je ne le connaît pas mais je pense que, plus que servir l'œuvre, Bobée cherche à caller ce qu'il aime dans son spectacle. Les corps des jeunes hommes choisis par exemple, que tout est prétexte à les déshabiller. Les nombreuses séances de danse aussi. Si elles peuvent être intéressantes voir très bien placée (une fois quand Maffio conte les effets du poison), au bout de la cinquième présentation, on sent l'auto-branlette. Comme les phases musicales très longue, trop longue et qui n'apportent rien.
”Le plaisir n'est pas un mal en soi,
mais certains plaisirs apportent plus de peine que de plaisir.“
Epicure
C'est tellement bête parce qu'il y a quelques jolies images qui fonctionnent bien (et qui généralement sont les plus simples). Comment un simple rideaux et un projecteur nous donne tout l'aspect redoutable d'une pièce de palais italien. Les jeux de lumière sur l'eau qui donne un effet "boule à facette" durant le dîner de la princesse Negroni. La scène où les soldats humilie Lucrèce Borgia en l'arrosant est très très belle et marque absolument la violence de la situation. De plus l'aspect outragée de la dame est d'autant plus flagrant quand elle se relève, mouillée de la tête au pieds.
Car Béatrice Dalle est très bien dans son rôle de Lucrèce B. J'ai aimé le fait qu'elle soit présentée comme une femme sensible, plus que comme un monstre assoiffé. Le soir où je l'ai vu, je l'ai trouvé très juste. Toute en simplicité, toute en économie. De geste ou de voix. Peut-être que le soir où je l'ai vue, je l'ai trouvée un peu "monocorde", toujours un peu sur le même ton. Mais il y a des soirs comme ça. Et pour une première fois, c'est plus qu'honorable. C'est d'ailleurs la meilleure performance de la pièce.
La meilleur car si les autres acteurs se dépatouillent comme ils peuvent avec les mots d'Hugo (Jérôme Bdaux manie même très bien la cocasserie de son personnage), la pire performance reste celle de Pierre Cartonnet. Pas de chance, sa prestation est d'autant plus soulignée qu'il a le premier rôle masculin. Je crois en toute sincérité que depuis que j'ai commencé à étudier l'art de l'acteur d'une façon un tant soit peu professionnel, je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi mauvais. Sincèrement. Tant au niveau physique que vocal. Ce n'est pas un problème de compréhension, le rôle de Gennaro étant, comme souvent chez Hugo, insipide. C'est plus de la technique. Ou ici de la non technique. Sa voix, par exemple, fait toujours la même accentuation. Un début frappé et une finale inaudible. Comme une courbe qui monterrait vite et descendrait lentement pour tomber plus bas qu'elle n'a débuté. Pour le corps, c'est un peu comme si vous aviez une chaîne cryptée, trop de petits gestes, trop de déplacements, trop de mouvements de tête, trop de crispations de visage.
En conclusion, pour 1 choses que j'ai aimé, j'en trouve 5 qui me débectent.
Les critiques d'Un Fauteuil Pour l'Orchestre,et de MHF plus enthousiasmes que moi.