Bunga bunga radio ! Bunga bunga télévision ! On pourrait se méprendre à la diffusion des informations et croire qu’un nouveau président africain revendique le califat à la place du calife. Bunga bunga, les tamtams souterrains islandais scandent le rythme lancinant d’une éruption qui ne se fait remarquer que par la pollution qu’elle engendre au gré des courants atmosphériques. C’est alors que l’on assiste à des levés de soleil rougeoyants ! À des couchés embrasés où on ne distingue pratiquement plus les montagnes. Fait rarissime par beau temps en Islande où les touristes s’extasient perpétuellement sur la limpidité des paysages. La pleine lune nous accueille avec son visage rose-orangé. On a envie de hurler, à quatre pattes, la queue tendue: au louuuup ! Oui, une éruption volcanique, toutes proportions gardées, est belle, même si on se tient loin d’elle. Il vaut mieux.
Les pieds dans la neige, vingt centimètres, la voiture bloquée en plein milieu de la route qui mène à Nesjavellir, mes amis de randonnés se concertent. On n’ira pas plus loin avec des pneus aussi lisses. Derrière nous, les maris de deux couples de touristes en petite jeep de ville veulent eux continuer. Leurs femmes refusent. La gente féminine est toujours plus raisonnable, moins aventurière… Voyant nos essais infructueux pour faire passer notre véhicule sur la petite côte enfouie sous la neige, ils rebrousseront chemin et prendront la nationale 1. Personne n’avait prévu qu’il tomberait autant de flocons cette nuit d’octobre à une hauteur de 400 mètres. Surtout un dimanche ! Enfin quoi, on travaille toute la semaine pour pouvoir « spássérað » (se promener) le weekend et tout tombe à l’eau. D’autres touristes sont venus se coller derrière nous. Nous les avons tous renvoyés sur la 1. Ils étaient contents qu’on leur sauve leur « sunnudagsbíltúr » (promenade du dimanche). C’est vrai, sur la carte routière la route est praticable mais la réalité, elle, nous dit qu’ici les éléments naturels dirigent toujours en sous entendus. L’imprévu du quotidien et la façon dont les islandais le prennent pour le retourner à leur avantage est une leçon d’optimisme qui surprend les français et sans doute bien d’autres ruminants de noir qui se mettent à vivre dans ce pays. Celui-ci, grognon par habitude, a vite fait de se mettre au pas ou alors il se met à l’écart d’un style de vie sociale qu’il dénigrera toujours. Une heure et demie de promenade plus tard sous un soleil éclatant, un vent glacial et un panorama blanc de haute montagne, la douche et un bon casse croute digérés, je ferme les yeux engoncé dans mon sofa en rêvant qu’ailleurs je pesterais tout bas que l’hiver est déjà là.