Face à la montée de l’épidémie Ebola en Afrique de l’Ouest, ces experts en maladies infectieuses appellent à la prise de mesures exceptionnelles pour contrer la propagation du virus. Ils suggèrent ainsi, dans les Annals of Internal Medicine, que les centres médicaux conventionnels (ici aux États-Unis) ne sont pas suffisamment préparés et équipés pour gérer Ebola. Ils appellent à la mise en œuvre d’un réseau national spécialisé, de confinement et de traitement. Car avec plus de 8.000 cas et 4.000 décès, l’épidémie poursuit sa propagation, et à Dallas, un décès et un second cas, chez un professionnel de santé montrent l’urgence de mieux se préparer.
Si les Centers for Disease Control and Prevention ont –comme la DGS en France- publié des recommandations de détection et de prise en charge, ainsi qu’une liste d’hôpitaux ressources, si les autorités communiquent toujours sur l’efficacité des mesures de prévention mises en œuvre, l’expérience récente montre toute la virulence du virus et le risque particulièrement élevé de transmission nosocomiale.
Les chiffres sont éloquents. Au 8 octobre 2014, selon le dernier bilan de l’organisation mondiale de la Santé (OMS), l’épidémie à Ebola aura fait 8.397 cas dont 4.032 décès dans les principaux pays touchés d’Afrique de l’Ouest (Guinée, Libéria, Sierra Leone et le Nigeria).
Aux États-Unis, un second professionnel de santé qui s’était occupé du premier patient américain infecté a été contrôlé positif à la maladie. Il marque la 3ème troisième transmission nosocomiale en dehors de la zone touchée d’Afrique de l’Ouest.
Le 6 Octobre, les autorités espagnoles avaient également signalé un cas confirmé sur un professionnel de santé qui avait pris soin d’un patient infecté rapatrié.
En France enfin, un cas, qui pourrait être le premier déclaré dans le pays est suspecté sur une infirmière hospitalisée jeudi 16 octobre à l’hôpital Bégin qui avait été en contact avec l’humanitaire de Médecins sans frontières atteinte par Ebola.
Enfin, plusieurs autres cas suspects retiennent l’attention des autorités sanitaires espagnoles, sans confirmation encore à cette heure. On l’aura compris, si jusque-là l’Agence sanitaire européenne (ECDC) considérait comme extrêmement improbable une propagation importante en Europe, aujourd’hui l’évolution augmente la probabilité d’infection en UE, par importation de cas ou exposition à des personnes infectées ou malades.
Au global, plus de 400 professionnels de santé auraient été touchés.
Le défi d’un virus qui nécessite une attention particulière à chaque détail des soins : Les auteurs prévoient une nécessité d’un réseau de centres de référence régionaux garantissant le niveau de confinement biologique de haut niveau nécessaire où les patients Ebola pourraient être transférés avec, également un niveau plus élevé de soins.
Ce centre qu’on appelle « la prison » : Ce constat est basé sur les expériences des premiers foyers signalés de Marburg (1967) et Ebola (1976) et sur l’évolution dans la réflexion sur les mesures de protection personnelle optimales pour le personnel soignant médical. De 1972 à 2010, l’unité de soins de confinement de haut niveau (HLCC) de l’Institut de recherche médicale de l’armée américaine des maladies infectieuses (USAMRIID : U.S. Army Medical Research Institute of Infectious Diseases), appelée « la prison », a été considérée comme l’étalon pour de tels soins. Les contrôles techniques ont été perfectionnés pour un niveau de biosécurité de niveau 4, les équipements améliorés avec protection par air comprimé et filtration, une douche de décontamination installée, avec sas et cuves à immersion antiseptiques pour tout mouvement vers et hors de la zone de confinement. L’évacuation des déchets se fait via un réseau spécifique et l’établissement possède son propre autoclave, salle d’opération et laboratoire. Ces fonctionnalités ont visé le risque 0 d’infection nosocomiale. Le résultat est là, précisent les auteurs, en 38 années d’exploitation et 21 patients en quarantaine après de possibles expositions, personne « n’est tombé malade ».
Actuellement, il existe 4 installations de ce type aux États-Unis qui garantissent ce niveau de confinement.
L’insuffisance de la préparation actuelle : La virulence du virus Ebola actuel, la méconnaissance des cliniciens, l’absence de traitements et de vaccins efficaces, le risque élevé pour les personnels soignants, et les problèmes de contrôle de l’infection plaident pour un tel niveau de confinement et de traitement. Même avec une formation très poussée et l’équipement adéquat, en établissement conventionnel, il est impossible de complètement circonscrire l’erreur humaine, d’éliminer le risque lié aux objets tranchants ou des blessures par piqûre d’aiguille (AES), ou d’empêcher toute contamination de contact accidentel. S’occuper de ces patients dans un cadre conventionnel, est donc bien plus qu’une procédure et une liste d’établissements, démontrent les auteurs, en faisant la liste de l’ensemble des détails qui, sur le parcours de soin, ne tolèrent aucune marge d’erreur.
Une préparation nationale approfondie et immédiate est impérative, alertent les auteurs qui appellent à la mise en œuvre d’un réseau de centres de référence régionaux situés de manière stratégique sur le territoire, associés aux grands centres médicaux et coordonnés par le Secrétariat à la Santé et les CDC. Avec une préoccupation constante, la préparation en continu pour les prochaines épidémies émergentes.
Sources:
Annals of Internal Medicine 16 October 2014 doi:10.7326/M14-2289 Caring for Patients With Ebola: A Challenge in Any Care Facility
ECDC Update 13 Oct. 2014