Titre original : The Boxtrolls
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateurs : Graham Annable, Anthony Stacchi
Distribution voix : En V.O. : Simon Pegg, Nick Frost, Ben Kingsley, Elle Fanning… / En V.F. : Michel Vuillermoz, Miljan Chatelain, Adèle Ferrier…
Genre : Animation/Comédie/Adaptation
Date de sortie : 15 octobre 2014
Le Pitch :
Pendant longtemps, la population humaine de la ville « fromagée » de Cheesebridge a été en conflit avec les Boxtrolls, une race de créatures souterraines qui utilisent des boîtes en carton comme des carapaces de tortues et qui ont bâti leur propre demeure sous terre grâce à leur génie du recyclage, réutilisant les ordures jetées par les habitants gaspilleurs. Il n’y a jamais eu une bonne entente entre les deux espèces, mais la tension monte d’un cran quand le méchant Archibald Trappenard offre ses services au maire Lord Belle Raclette, lui proposant d’exterminer les Boxtrolls contre son admission dans la bonne société de Cheesebridge.
Mais les Boxtrolls, eux, ne sont pas des monstres carnivores mais de gentilles créatures qui se cachent instinctivement dans leurs boîtes au premier signe de danger. Alors que les années passent et que leur population est progressivement anéantie, les Boxtrolls élèvent un enfant humain qu’ils ont recueilli…
La Critique :
Peut-être le rapprochement le plus précis qu’on peut utiliser pour encapsuler Les Boxtrolls c’est qu’il s’agit un peu d’un mélange animé de Fraggle Rock et du Cabal de Clive Barker, cuisiné par les studios Laika, les sauveurs du stop-motion responsables pour le récent (et magnifique) ParaNorman. Si vous reconnaissez ces trois trucs et que la combinaison vous parle, y’a des chances que Les Boxtrolls vous séduise.
Cela dit, il faut noter d’emblée, qu’il est un peu décevant de constater que le film n’est tout simplement pas aussi bon que ParaNorman (parce que oui, on n’utilisera toujours pas le titre marketing à la noix qu’ils ont collé sur le poster) ni même que Coraline, leur premier métrage sorti en 2009. Inspiré très librement d’un roman enfantin d’Alan Snow sur des monstres qui habitent dans des cartons, le film démarre assez abruptement, balançant directement le spectateur dans l’action sans prévenir. D’un côté, c’est rafraichissant, vu qu’on nous sauve d’une narration condescendante qui est typiquement employée pour ouvrir des films d’animation inférieurs, mais ce n’est que quand le film se décide enfin à trouver un personnage à identifier comme protagoniste principal, qu’on se rend compte qu’on est en train de regarder le premier, et pas le deuxième acte du film.
En même temps, le scénario du métrage (écrit par Irena Brignull et Adam Pava, qui écrivaient pour la télé et font leurs débuts au grand écran) n’essaye pas de jouer sur des codes bien connus. Les Boxtrolls vise plus jeune et plus large, avec une histoire simple dont la morale est évidente à l’avance, avec chaque acte du récit ponctué par des révélations surprises que même les plus petits vont sans doute piger dès le début. Et si il a beaucoup du même humour décalé et pittoresque qui marque un grand nombre de films pour enfants un peu plus « classes » (pensez à Monty Python, mais pour toute la famille), il est plus qu’enthousiaste dans sa compréhension que les gosses ont tendance à adorer les trucs dégueulasses : y’a pas grand-chose dans le film qui n’est pas conçu pour enfler, dégouliner ou répugner, esthétiquement ou autre.
Cet engagement à la laideur s’étend admirablement aux personnages : c’était prévisible, les Boxtrolls sont crasseux et morbides, mais à côté d’une population humaine dotée de corps difformes, des dents crochues et des membres lourdauds, ils sont pas aussi incongrus que ça, finalement. Ce qui est, bien entendu, le but du film. De certaines façons, surtout une fois que Œuf (le héros un poil terne de l’histoire) tente de s’intégrer à la foule de l’humanité, on a le sentiment que la métaphore générale serait de communiquer une vision enfantine des absurdités du monde moderne, avec ses fixations sur la forme des silhouettes, les moustaches, le maquillage et les chapeaux qui définissent les statuts. Comme ParaNorman avant lui, Les Boxtrolls profite de la technique Spielbergienne de positionner la caméra du point de vue d’un gamin, donc dans pas mal de scènes, on ne voit que des gros culs et des bedaines.
Curieusement, le personnage le plus moche du film (au sens propre et figuré), Trappenard, envahit de longs passages du récit comme si c’était le personnage principal. Et dans un sens, il l’est. Ce sont ses actions qui motivent environ 90% de l’intrigue, et la grande leçon à apprendre (on peut changer qui on est, mais pas simplement en changeant notre apparence) est une leçon qui a besoin d’être apprise avant tout par lui. Il est également de loin la création la plus originale de l’histoire, une sombre inversion de la parabole qu’adorait Dickens : un monstre qui veut être un homme, et qui a confondu ce désir avec le but de vouloir élever son statut social.
Et pourtant, il est aussi bizarrement attachant. Le niveau pathétique de ses intentions (en gros, il veut juste avoir un chapeau de richos et se joindre à un club de nourriture stylée) contrasté avec ses horribles intentions serait drôle et touchant s’il ne faisait pas toutes les trucs méchants qu’il fait pour arriver à ses fins. D’ailleurs, certains pourraient peut-être y voir un message « pro-classe » dans le gag supplémentaire qui consiste à souligner son absurde allergie au fromage – autrement dit, il ne peut même pas utiliser le statut et le luxe qu’il prétend désirer. Sans dévoiler l’expression ultime de ce qu’il est prêt à faire pour réussir dans ses projets néfastes, on peut affirmer qu’elle pourrait également attirer quelques réactions perplexes…
Alors oui, Les Boxtrolls trouve plus de choses dans la scatologie que dans la substance; on pourrait sortir l’argument habituel qu’il s’y donne avec beaucoup de cœur et les histoires sur l’acceptation de soi sont toujours les bienvenues (et dans une certaine mesure, c’est encore vrai). Mais il y a quand même une merveilleuse inventivité visuelle à l’œuvre ici qui n’est pas loin de rappeler les vieux classiques d’Aardman. Une fois de plus, les animateurs de chez Laika ont crée des décors méticuleusement conçus, toujours grouillant d’activité et intégrés sans anicroches avec des effets de synthèse par ordinateur, et il y a toujours deux ou trois gags en train se tramer à l’écran en même temps. Un magnifique robot mécanique géant à la sauce steampunk qui débarque lors de l’acte final et l’inclusion de deux hommes de main qui s’avèrent largement plus intelligents que leur boss et passent tout leur temps à râler et à discuter de sujets académiques, est le genre de fioriture qui est encore plus géniale dans la façon dont elle est balancée à l’écran sans trop en faire, avec tellement d’assurance et de désinvolture. Conseil : restez pendant le générique de fin.
@ Daniel Rawnsley
Crédits photos : Universal Pictures International France adaptation animation Anthony Stacchi Ben Kingsley Comédie critique Elle Fanning Graham Annable Laika Les Boxtrolls Nick Frost Simon Pegg