Eric Zemmour en 2012
Bonjour à tous !
Il est de retour, le phénomène Eric Zemmour ! Après le procès dont il avait fait l’objet pour ses dires dans l’émission On N’est Pas Couché (où il formait un duel d’enfer avec Eric Naulleau), après sa Mélancolie française (que nous avions d’ailleurs commentée), le Zorro du journalisme politique revient plus tranchant que jamais avec son livre Le Suicide Français. Promis à un bel avenir, ce dernier essai n’a pas encore détrôné le livre de Valérie Trierweiller en nombre total de vente mais selon certains estimations il pourrait se vendre à 300 voire 500 000 exemplaires au total. Cela dépasse de loin Le bûcher des vaniteux ou encore Mélancolie française et le pamphlet pourrait être un des gros best seller de l’année. Les chiffres sont donc éloquents et qu’il agace ou qu’il suscite l’enthousiasme, le polémiste ne laisse pas indifférent, en témoignent les réseaux sociaux ou encore le paysage médiatique. Essayons donc de comprendre pourquoi le journaliste et écrivain suscite autant de passions et de ventes pour son dernier livre.
Des idées qui trouvent public
Eric Zemmour est souvent dépeint comme un leader de l’opinion réactionnaire, concentrant en sa personne tous les méfaits : islamophobie, homophobie, conservatisme, xénophobie… Pour autant, alors que le système politico-médiatique réussissait auparavant à isoler facilement par ces anathèmes, cela ne semble pas fonctionner avec Eric Zemmour. Tout d’abord parce que la société française s’est radicalisée sur le plan des opinions politiques. Les partis radicaux, plus à droite que l’UMP et plus à gauche que le PS gagnent des suffrages, ont particulier le Front National qui a même remporté les dernières élections européennes. Ensuite parce qu’il est plus difficile d’isoler un journaliste qu’un homme politique. En effet, dans le cas d’Eric Zemmour, les « dérapages » vont surtout amener à des critiques venant des pairs, à savoir les journalistes. Les hommes politiques critiquent moins le journaliste car même s’ils ne sont pas forcément d’accord, il ne constitue pas pour eux un concurrent direct car il ne se présente pas aux élections et ne représente pas un parti.De même, étant journaliste et non pas homme politique, Eric Zemmour est peut-être vu comme au-delà des partis (en particulier de droite), d’autant plus qu’il refuse qu’on lui colle une étiquette partisane ou qu’on lui attribue un vote. Enfin et surtout, les thèmes évoqués par Eric Zemmour suscitent l’intérêt et le débat. Les questions d’identité (immigration et islam) sont importantes dans une société qui connaît une crise économique. Les français sont en recherche de repères identitaires. Aussi l’intégration de l’Islam un sujet d’actualité depuis les années 1980 au moins, avec des liens aussi avec le principe français de laïcité. La question de l’immigration se pose aussi alors que le taux de chômage est de plus en plus élevé. Eric Zemmour évoque aussi souvent les sujets connexes à la construction européenne : l’euro, les frontières, la mondialisation… sont autant de thématiques qui sont bien installées sur le débat public depuis quelques années. On peut aussi prendre un dernier exemple : celui du progressisme et de la destruction des autorités (famille, armée, Etat…) depuis 1968. Le mariage pour tous et l’éventuelle adoption de la PMA voir de la GPA sont pour le journaliste le dernier avatar de cette destruction. Inutile de rappeler que le débat fut plus que houleux à propos ne serait-ce que du mariage pour tous, et d’ailleurs la « Manif’ pour Tous » le rappelle encore fréquemment.
Les cautions d’Eric Zemmour
Non seulement Eric Zemmour sait parler des sujets qui intéressent, mais en plus il peut attirer par son statut. Le fait qu’il ne soit pas homme politique, qu’il n’ait donc jamais exercé le pouvoir et qu’il n’ait d’ailleurs par prétention à y parvenir, fait de lui un homme plus libre. Par conséquence il peut se permettre de développer une pensée moins politiquement correcte. Mais ce n’est pas tout, l’écrivain a une formation plutôt solide qui lui donne une sorte d’autorité et un certain poids à ses paroles. Il est diplômé en sciences politiques et a fut admissible une fois à l’Ecole Nationale d’Administration, qu’il a toutefois échoué à intégrer par deux fois. Enfin, son origine origine sociale modeste et la nature immigrée de ses parents a pu lui un temps le préserver de certaines critiques concernant le racisme ou la xénophobie.
On le voit donc, Eric Zemmour est bien placé pour faire passer son message. Mais si ce message semble intéresser, c’est aussi une question de style.
Un style bien à lui
Eric Zemmour est un journaliste politique qui a une conception subjectiviste du journalisme et une conception rigoureuse de la politique. Selon lui le journalisme n’est pas que le simple fait de relater des événements, c’est aussi avoir une vision des ces événements et donc inévitablement avoir un avis sur ceux-ci. Il renonce donc à une objectivité radicale. De même sa conception de la politique l’amène à aborder les sujets de manière satyrique et provocatrice, suscitant la polémique et le débat. C’est ce style très caustique qui l’amène souvent à des duels verbaux très houleux dans les talk-show et débats télévisés. C’est ce style de polémiste spectaculaire qui suscite inévitablement l’intérêt pour les auditeurs ou les lecteurs. Le « style Zemmour », c’est aussi une singularité politique. Dans un milieu souvent présenté comme majoritairement à gauche, Eric Zemmour contraste par son fort ancrage à droite, par ses idées conservatrices voir réactionnaires. Il se démarque en pourfendant la bien-pensance et le politiquement correct, ce qui lui a d’ailleurs valu plusieurs ennuis judiciares. Il se moque de ce qu’on pense de lui et a une personnalité assez atypique. En débat comme dans ses livres, son style est un atout. Eric Zemmour est un féru de théories et de grilles de lecture, de thèses, de raisonnements. Il aime se laisser à des démonstrations parfois longues dans lesquelles chaque mot a une importance et un sens. Il adore remonter dans l’histoire ce qui a le don de plaire aux français (l’histoire est une passion française), le tout accompagné de références à des auteurs de disciplines diverses ou à la littérature, mais sans pour autant prétendre au statut d’historien. C’est aussi de manière romancée que l’écrivain développe ses thèses, étant homme de lettres plus qu’homme de chiffres (et sa dernière joute avec Aymeric Caron semble le confirmer). Au final, sa pensée paraît à la fois simple et complexe ce qui bien sûr peut plaire à tout le monde. Mais si le chroniqueur a aussi du succès, c’est qu’il est bien intégré au système médiatique.
Un feu bien entretenu
Eric Zemmour est vendeur. Son style, ses idées, peuvent intriguer, attirer ou répulser, mais ses intervention font vendre. Le Zemmour est une arme d’audimat massive. Pour preuve, I-Télé le dépasse BFM TV en audience que lorsque Zemmour croise le fer avec Nicolas Domenach dans « ça se dispute ». Aussi malgré les différents procès qui lui ont été intenté, le chroniqueur a su conserver sa place à RTL. Son éviction de l’émission On N’est Pas Couché ne l’a pas empêché de poursuivre l’aventure avec Eric Naulleau sur Paris Première. Invité aussi sur le plateau de Ce Soir ou Jamais, ancien invité sur France Ô, Eric Zemmour est donc très présent dans les médias et cette présence s’accentue lorsqu’il sort ses livres ou se retrouve au cœur de l’actualité. Malgré toutes les critiques dont il fait l’objet, Eric Zemmour ne semble pas atteint, comme en témoigne son succès actuel. Peut-être parce que ses adversaires, par leurs réactions un peu épidermiques voire caricaturales, entretiennent l’originalité d’Eric Zemmour dans le milieu médiatique. Lui donnent-elles raison ? Nous jugerons sur pièce…
Source : Le Figaro
Vin DEX