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Il s'est penché sur l'origine des noms des navires négriers rochelais

Publié le 16 octobre 2014 par Blanchemanche
#Histoire #LaRochelle

L'étude menée par l’ancien archiviste de la Chambre de commerce, Christophe Bertaud, porte sur les 424 expéditions qui ont effectué la traite des Noirs au XVIIIe

Il s'est penché sur l'origine des noms des navires négriers rochelais Christophe Bertaud devant les ex-voto de la cathédrale Saint-Louis, dont certains représentent des navires négriers du XVIIIe. © Photo photo dominique jullian par  Christophe Bertaud s’est attelé à l’étude d’un pan singulier de l'’histoire rochelaise : le commerce triangulaire, travaillé sous l’angle inattendu de l’origine du nom des navires de la traite négrière. Ancien archiviste de la Chambre de commerce et d’industrie de La Rochelle, il avait alors sous la main l’un des fonds d’archives rochelais parmi le plus denses sur le sujet. Cet historien de formation, qui travaille aujourd’hui au Grand Port maritime (où il a notamment remonté l'’histoire des grues de la Pallice), a formulé une interrogation comme préalable de ses recherches : « Comme l’on prénomme un enfant, je me suis demandé quelle était la motivation guidant le choix du nom d’un navire lancé pour un voyage au long cours, périlleux, où la réussite n’était pas forcément au bout… »
L'’étude porte sur les 424 expéditions qui effectuent la traite des Noirs au cours du XVIIIe siècle au départ de La Rochelle. Cela représente 257 noms de navires distincts, un même navire ayant pu effectuer plusieurs expéditions sous la même dénomination.
Des occasions rebaptisées
« Le nom du navire est bien un choix voulu par l’armateur. Il peut se faire construire un navire spécifique mais, souvent, il recourt au marché de l’occasion en achetant un navire revenant d’une traite ou bien en en transformant un autre. Et, lors du rachat, la première action est souvent de rebaptiser. »
C’est un petit monde que celui des armateurs. Bordelais, Rochelais, Nantais et Malouins s’informent dans les mêmes journaux, se jugent, s’associent et se copient entre cités rivales. Le fond culturel est partagé, les références sont communes, aussi n’est-il pas rare de retrouver les mêmes noms de navires dans des lieux différents.
Dans son travail, Christophe Bertaud a classé les 257 noms par familles. Il dégage ainsi 14 thèmes. Il n’existe pas de règle spécifique concernant la dénomination des navires de la traite négrière. Pourtant, dans certains cas, l’activité a donné lieu à des baptêmes tout à fait explicites quand au commerce de destination. Certains navires renvoient ainsi aux lieux où la traite est pratiquée (l’« Affriquain », l’« Angola », « Le Dahomet »), d’autres se réfèrent plus directement à la nature du trafic (« Le Négrillon », « L’Ébène »). Il reste que ces patronymes reliés à l’activité sont une minorité : 4 % des noms des navires.
Des prénoms pour noms
« Le plus souvent (18 % des patronymes), des prénoms sont utilisés pour identifier les navires. » Les armateurs rendent hommage à un être cher : mère, fille, sœur (« La Julie », « L’Henriette », « La Nancy »). Ils recourent à des surnoms ou à un qualificatif qui témoigne d’une relation particulière avec l’être évoqué. Pour « L’Aimable Jeanne », « L’Aimable Marie », « L’Aimable Marthe », il faut garder à l’esprit qu’aimable, au sens du dictionnaire d’alors, est la personne qui est digne d’être aimée.
Pour 10 % des navires étudiés figure le nom du négociant qui l’a armé. « Le “Bonfils” (1750) tire sans doute son nom de son capitaine, Jean Bonfils ; tandis que Pierre-Jean Hoogwerff, qui rachète “L’Altier” à Admyrault, le rebaptise “Le Hoogwerff” pour son expédition de 1777. »
Autre exemple : la famille Weiss, originaire de Suisse, s’associe pour le voyage à une relation de Bâle et, naturellement, ces navires « La Ville de Bâle », et « Les Treize Cantons » y font allusion.
Les personnalités contemporaines sont aussi au goût du jour, dans 14 % des cas. Personnalités de premier plan du royaume, intendants de la généralité de La Rochelle, ministres du royaume, personnalités auprès desquelles l’armateur recherche une protection. Pêle-mêle : « Le Sartine », « Le Sénac », « Le Barentin ».
La religion est-elle source d’inspiration ? Rarement. Et en tout cas, moins ici que chez les armateurs bretons. Les « Saint-Jean », « Saint-Paul », « Saint-François » et consorts ne sont gravés que sur 8 % des coques.
Outre les prénoms, l’autre grande source d’inspiration, ce sont les dieux de l’Antiquité et ses mythes. « Jupiter » navigue de conserve avec « Diane », qui coupe le vent de « Vénus » avant de virer de bord sous le nez d’« Apollon ». Des néréides bienveillantes (« La Neyrade », « Galatée ») accostent des monstres marins et autres gorgones (« Méduse », « Euryale »).
« Mais, souligne l’historien, si les négociants rochelais puisent à l’occasion dans la culture classique pour baptiser leur bâtiment, ils ne font quasiment jamais référence aux arts. Ni même aux idées des Lumières, à l’inverse de leurs homologues Nantais », dont le « Le Jean-Jacques », « Le Contrat social », « Le Voltaire » font route vers les côtes d’Afrique.
« Les armateurs ont voulu, pensé et choisi ces noms. La nature du commerce négrier n’a pas de réelle influence dans ces choix qui, souvent, reflètent leur époque. Au cours du XVIIIe, les noms évoluent au gré des modes. »


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