Genre: comédie dramatique, trash, inclassable (interdit aux -16 ans avec avertissement)
Année: 2007
Durée: 1h44 (uncut)
L'histoire: Koen, Ivan et Verbeek, trois musiciens légèrement handicapés mais sûrs de leur talent, rêvent de gloire. Ils décident donc de monter un groupe. Mais pour que leur formation soit au complet, il leur faut un batteur. Ils contactent alors Dries, un célèbre écrivain qui fut, autrefois, un batteur de tout premier plan. Celui ci, devenu manipulateur et machiavélique, voit dans cette rencontre, l'opportunité de combler son manque d'inspiration et de relancer sa carrière. Son idée ? Semer la zizanie et créer le chaos au sein du groupe. Ainsi, il pourra peut être, se servir de cette histoire pour écrire son prochain livre.
La critique d'Inthemoodforgore:
Attention gros film de malades sur le blog. Ex Drummer de Koen Mortier est un ovni trash made in Belgium qui déchire et qui déchire grave ! Rappelez vous, en 1992, les wallons nous avaient mitonné le cultissime C'est arrivé près de chez vous. Quinze ans plus tard, les flamands ripostent avec la bombe Ex Drummer. Parce que ce film est réellement une bombe. C'est bien simple, tous les tabous de notre société sont écrabouillés façon bulldozer: racisme, misogynie, homophobie, abus sexuels, rejet des handicapés, antisémitisme primaire, tout y passe.
Devant un tel festival de cynisme ordurier, le spectateur, et par là même le citoyen, n'a pas le choix: soit il adore soit il déteste. En tout cas, impossible de rester indifférent à ce déferlement non stop de provocations outrancières. Véritable symphonie crade et ultra borderline, Ex Drummer, c'est du culte instantané. Ils sont vraiment fous ces belges !
Pourtant, le film commence comme une farce, certes iconoclaste, mais bon enfant. Les images du générique du début tournées à l'envers, le nom des acteurs inscrit au marqueur sur leur visage, la caméra inversée qui film le chanteur du groupe les pieds collés au plafond... tout cela est amusant et original. Mais ce ton léger et décalé va très vite dégénérer quand Dries, l'ex batteur ("drummer" en flamand), va mettre son grain de sel (et la salière tout entière) dans l'histoire.
Dès lors, tout va partir méchamment en live. Les acteurs, très bons soit dit en passant, sont de parfaits inconnus, en France en tout cas. Signalons la participation d'Arno, le temps d'un boeuf en deuxième partie du film. Le très déjanté chanteur belge, sorte de mixe entre un Bashung fatigué et un Gainsbourg bourré (pléonasme), se trouve tout à fait à son aise dans l'atmosphère fortement barrée qui règne dans ce film. Attention spoilers: Koen, Ivan et Verbeek sont de vrais ratés.
Tous trois légèrement handicapés, vivent avec les minimums sociaux et habitent des baraques insalubres et délabrées. Ils ne sont pas non plus très clairs dans leur tête puisque l'un adore tabasser les femmes, l'autre se came à longueur de journée et le troisième est pédé comme un phoque. Cependant, ce sont de très bons musiciens. Pour se sortir de la galère, ils décident de monter un groupe de punk rock et de participer au concours de Leffinge, qui constituerait un tremplin vers la célébrité.
Reste à trouver un batteur pour que la formation soit au complet. Ils contactent alors Dries, un écrivain à succès, qui fut autrefois un sacré batteur. Dries, lui, vit à l'abri du besoin avec sa femme Lio (!), dans un luxueux appartement d'Ostende. Blasé de tout et en panne d'inspiration, il voit dans cette rencontre, l'occasion de refaire surface.
Ironiquement, les quatre musiciens baptisent leur groupe du nom de The Féminists ("parce que quatre handicapés, ça vaut quatre féministes à la con" dixit l'un d'entre eux). Par calcul (un peu) et par sadisme (beaucoup), Dries va alors s'appliquer à dresser méthodiquement les membres du groupe, les uns contre les autres. Violent et narcissique, il se comporte en gourou manipulateur et n'hésite pas à s'immiscer dans la vie privée de ses collègues pour mieux les détruire.
Le groupe arrive toutefois (avec un sérieux coup de main du jury) a remporter le précieux concours. On pense alors que The Feminists est lancé vers le succès mais le ressort est cassé. Fatigué par toutes ses dissensions, le groupe se sépare. D'autres musiciens, plus ou moins proches du noyau initial, s'empressent alors de prendre le relais et surtout le même nom ! Mécontents de cette situation et excédés par les rancoeurs accumulées, Dries et Koen décident, un soir, de régler leurs comptes. Ça va faire mal...
Évidemment, et c'est peu de le dire, Ex Drummer ne plaira pas à tout le monde. Glauque, réac, grossier ET vulgaire, ce film accumule tous les clichés du politiquement incorrect en moins de deux heures de bobine. Un Affreux Sales Et Méchants version hyper trash en quelque sorte. C'est tellement gros et putassier qu'il est évident que le réalisateur a outrageusement amplifié la teneur de son propos pour rendre les situations les plus scabreuses possibles. Mais qu'est ce que c'est jouissif !
A l'heure actuelle où nous sommes tellement gavés de bienséance par tous les bénis oui-oui du cinéma, l'occasion d'un bon pétage de durite est trop belle pour qu'on la laisse passer. Parce que Ex Drummer joue à fond la carte de la provoc et de l'immortalité.
Des exemples ? Koen, le chanteur, culbute très méchamment la mère obèse et chauve de son copain Verbeek; ce même Verbeek, homosexuel à demi refoulé, maintient son père grabataire, ligoté par une camisole tandis qu'il lui raconte ses exploits de suceur phallique lors de son adolescence; "Gros Zob", le leader d'un groupe concurrent et membré comme un cheval, justifie pleinement son surnom en déchiquetant l'intimité d'un des assistants de The Feminists, dans les toilettes du concert.
Et ça continue comme ça tout du long...Inutile de préciser que le film (en version intégrale) mérite très largement son interdiction aux moins de 16 ans. A mon avis, il a même dû flirter avec le niveau au dessus lors de son passage devant la commission de classification.
En tout cas, bravo aux producteurs pour avoir osé sortir un truc pareil. Notre époque lisse et aseptisée ne se prête plus guère, en effet, au concept d'une telle abjection filmique. Ex Drummer aurait pu être imaginé par le délire d'un John Waters dans les années 70 ou, pourquoi pas, par feu Sid Vicious des Sex Pistols s'il avait vécu assez longtemps pour se mettre à la réalisation...
Bien sûr, le film est bourré de défauts mais, quelque part, on s'en fout un peu. L'essentiel est que Koen Mortier ait réussi à nous faire adhérer à son projet nihiliste. Il ne faut pas l'oublier, Ex Drummer est film punk et la devise des punks, nous la connaissons tous. Vu qu'il n'y a plus rien à sauver chez l'être humain, pas étonnant que le réalisateur nous ait brossé un portrait au vitriol de cette déjection sur pattes. Et il faut dire que les spécimens présentés sont particulièrement gratinés; pas un pour rattraper l'autre. Ex Drummer, c'est un tunnel de désespoir sans fin, une chronique de la misère sociale qui sent la pisse et le vomi. Et ça, c'est du pur bonheur. No future ?
Peut être, mais qu'il continue à nous faire des films comme ça et Koen Mortier aura, lui, un avenir tout tracé dans le cinéma. Amateurs d'insanités sur pellicule, ce film est fait pour vous. Koen Mortier pratique son art à la truelle et il a programmé son Ex Drummer en mode rouleau compresseur pour satisfaire vos plus bas instincts. Nul doute que ce film incroyablement transgressif y parviendra sans peine. Punk is not dead...
Note: 17/20