Salut internet, je suis encore allée mettre le nez dans les archives de l’Ancien-Régime, je vous ai trouvé une chouette histoire qui n’est pas chouette du tout. On cause droit de la femme et baston sur l’échafaud.
Une sale histoire de viol et d’avortement
Hélène Gillet est une jeune fille fraîche, fertile et pétillante. Genre vraiment. Aussi, durant l’été 1624, un mec fou amoureux d’elle rentre dans sa chambre et la viole. Bon. On est d’accord, c’est une histoire qui commence très mal. Un viol c’est pas rigolol, et pour en rajouter un peu, la malheureuse Hélène tombe enceinte. Putain. C’est un peu la galère. Elle ne dit rien à personne, mais personne n’est dupe.
Le village de Bourg-en-Bresse, qui connaît la châtelaine depuis sa tendre enfance, voit son ventre s’arrondir de jour en jour. Rapidement, tout le monde la soupçonne d’être enceinte, mais elle n’est pas mariée ! Va-t-elle finir fille-mère ? Pendant que les ragots vont bon train, Hélène prend son courage à deux mains, une aiguille et va voir une matrone. Hop, le tour est joué. Le fœtus est enveloppé dans du linge, et Hélène retrouve une vie normale pendant quelques semaines. Les Burgiens, qui ne sont pas des personnes sympas et compatissantes vont prévenir les autorités. La petite Hélène a avorté, et c’est très mal.
Depuis Henri II, c’est pas funky quand on veut avorter. Genre vraiment pas. Que l’enfant soit né, ou encore dans le ventre de sa mère, le faire disparaître c’est la même chose (on va pas rentrer dans le débat de pour ou contre l’avortement). C’est un infanticide, c’est donc la peine capitale. Par contre il faut des preuves. Un cadavre.
Et là, les Burgiens et le lieutenant, malgré l’examen gynécologique de la petite qui montre qu’elle a bien été délivrée, ils n’ont aucune preuve pour inculper Hélène. Enfin, jusqu’au moment où un putain de corbeau tente de sortir un linge d’un trou contre le mur du voisin sous les yeux d’un villageois. Dans ce linge, le cadavre du fœtus. Ni une, ni deux, la petite Hélène est embarquée.
Qu’on lui coupe la tête !
Hélène Gillet est faite prisonnière, et bien qu’elle nie tout en bloc, les preuves sont là et la loi est très claire : « Soient telles femmes tenues pour avoir homicidé leurs enfans ; et pour réparation publique, punies de mort et du dernier supplice, de telle rigueur que la qualité particulière le méritera »
Le 6 février 1625, elle est officiellement condamnée à mort. Hélène va faire appel, mais la sentence est confirmée par le parlement de Dijon le 12 mai.
Le bourreau doit se préparer, il y a tout un rituel. Il se confesse, il communie et il prépare son matériel. Arrivé sur l’échafaud, on trouve le bourreau un peu chelou. Il chancelle, il se met à genoux, demande pardon à la populace. WTF ? Qu’est ce qu’il lui arrive ? On n’en sait rien.
Je vous raconte pas le bordel dans l’assistance, d’autant plus lorsque le bourreau annonce préférer mourir à la place d’Hélène. Et puis, pris de courage, il lève son coutelas, et bolosse parmi les bolosses, il frappe Hélène à l’épaule. Pour info, quand on veut décapiter quelqu’un, on essaie de viser le cou. La meuf, elle se prépare à mourir et son bourreau fait le clown, et il lui fait mal en plus… Le public ne tient plus et balance des pierres sur le forcené. Pendant ce temps, sa femme lui hurle de la tuer, que ce n’est qu’une trainée infanticide. Aucune réaction. Le mec loupe encore Hélène et part se réfugier dans une chapelle, tout près de l’échafaud.
Sa femme attrape alors une corde, la passe au cou d’Hélène. La jeune fille se défend, donne des coups dans la meuf du bourreau. La scène est assez surréaliste. Elles s’étranglent mutuellement sous les jets de pierres du public qui tente de sortir Hélène des griffes de la forcenée. Une fois parvenue à sauver Hélène, la population massacre littéralement le couple de bourreaux. L’un parce qu’il est incapable, l’autre parce qu’elle semble folle cinglée. En attendant, Hélène est entre les mains d’un chirurgien, elle va survivre, et s’écrit « Je savais bien que Dieu m’assisterait ». Euh, meuf, si Dieu t’avait vraiment assisté, t’aurais pas été violée et t’aurais été vachement plus trankil si tu veux mon avis.
En mai 1625, le roi Louis XIII accorde des lettres d’abolition à Hélène Gillet, et officiellement le 5 juin de la même année, la jeune fille est libre ! Merci Loulou !
- Les liens utiles
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- Les illustrations c’est Alice de Pix’n Ink
- En savoir plus :
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