Deux prix Nobel sont
venus relever notre pauvre France frappée de sinistrose ! Ça fait du bien !
On n’est pas si nul que cela finalement. A moins que les membres du Jury ne
nous aient octroyé ce satisfecit pour nous éviter les abysses suicidaires.
Patrick Modiano a reçu le prix
Nobel de Littérature. Le romancier des rues de Paris, maniaque des détails
cartographiques a été récompensé pour son œuvre haletante qui mène les lecteurs
en ballade.
Jean Tirole, épousant le gentil rôle d’économiste a reçu le prix
Nobel de cette discipline qu’il n’a pourtant jamais exercée comme agent en
Tyrol. Le Toulousain est gratifié pour ses moult recherches notamment sur « l’analyse
de la puissance du marché et de la régulation ». Il s’est spécialement penché
sur les situations d’oligopole qui se creusent dès qu’un Etat abandonne
certaines activités au profit du secteur privé. Il en résulte une dérégulation
qui peut mener à des stratégies semblables à celles que l’on trouve dans les
jeux de rôles : anticipation, tromperie, feintes pour tromper le concurrent…
Tirole a un large boulevard d’études en devenir car la dérégulation devrait s’élargir
eu égard au retrait croissant des puissances publiques dans l’interventionnisme
économique. Il aura encore tout loisir de disséquer les attitudes d’acteurs du
privé : coups tordus pour couler un concurrent, application de tarifs
prohibitifs pour des qualités de services rendus bien inférieures à celles qu’on
retirait des services publics…
J’ai imaginé ce petit
scénario empruntant les titres de Modiano dans un contexte de dérégulation
avancée en plein Paris post industriel.
Il se retrouvait régulièrement sur la Place de
l’Etoile (d’arrêts niais) où la compagnie de Taxi Electruc jouait de son prestige sur le marché
oligopolistique des transports privés électrifiés. L’obscurité était contrariée
par la luminescence de réverbères LED qu’avait fait installer l’entreprise LEDoniste,
boîte privée qui s’avérait une lumière dans sa gestion agressive du parc
luminaire de Paris. Il se retrouvait là,
policier superbe, magnifiquement éclairé par tant de Lux (autant que nous le
savons) ! Il effectuait la ronde de
nuit en remerciant le ciel de n’avoir point été affecté sur les Boulevards de
ceinture, dénommés ainsi de par leur exiguïté à travers un quartier perdu ou
une rue des Boutiques obscures.
Oui, le planton, juste nommé vigile catégorie IV par
sa société privée de surveillance, retrouvait une jeunesse depuis que l’Etat
s’était déchargé de sa fonction régalienne de sécurité. Il ne se faisait plus
traiter de sale fonctionnaire même les dimanches d’août, pourtant si dépeuplés
de hargne franchouillarde tandis qu’affluent les touristes.
Il avait vu ses collègues, de si braves garçons,
refuser le statut privé pour se recycler dans une autre administration :
l’Offense, anciennement la Défense rebaptisée ainsi en raison des stratégies
d’attaque, en moult pays, contre des armées terroristes de tous poils mais
principalement barbues.
Le policier avait choisi le privé quand bien même la
concurrence était rude avec d’autres sociétés de surveillance dont la fameuse
« Chien de printemps » S.A. au capital de 650.000 € dirigée par une
certaine Catherine Certitude, ancienne Ministre de l’Intérieur et spécialiste
de brigades cynophiles à base de doberman génétiquement modifiés ayant donc
perdu un pedigree jugé encore trop pusillanime.
L’homme était armé d’un pistolet laser (bad-gens) au
cas où. Mais il était devenu adepte de l’anti sélection ! Il savait que
les gens connaissaient son armement ! Aussi répugnait-il à l’utiliser du
plus loin de l’oubli pour sortir d’une poche secrétaire un Taser de
fabrication douteuse voire coréenne ! Dans le café de la jeunesse perdue,
encore frappé d’acné pré pubére, il s’amusait déjà à tirer au pistolet à
patates sur des verres à pieds et sous le regard complice voire laxiste de son beau-père
bistrotier, ainsi que l’atteste le livret de famille.
L’amour des armes l’avait conduit vers l’horizon
policier, puis vers des spécialisations de filature (à Roubaix) : suivre
des inconnues qui « dealent » l’herbe des nuits en créant l’accident
nocturne ! Oui, par une nuit de brume l’homme avait interpellé Dora
Bruder, chanteuse à texte d’origine panaméenne ascendance suédoise, qu’il avait
confondue avec la Petite Bijou, chef de
gang de la nébuleuse « Fleurs de ruine » spécialisée dans les
arnaques d'un faux voyage de noces ! La méprise avait fait grand bruit à
l’époque et il s’était vu rétrograder, sans remise de peine, au gardiennage du
vestiaire de l’enfance, maison de correction des 13-14 ans, 14,78 ans pas plus à l’aspect décrépit
de villa triste ! Il y avait végété 5 ans, à morigéner des petits merdeux
à longueur de journées avec pour seule parenthèse une magie de chapiteau le
temps qu’un cirque passe…
Oui, il avait subi l’aléa moral en payant chèrement
une erreur liée à de mauvaises conditions atmosphériques alors que, jusqu’à ce funeste
écart, ses notations s’enjolivaient de dithyrambes.
Il fut finalement soulagé de voir l’Etat se défaire
des services de Police pour privatiser la chose. Il rebondit dans ce jeu de rôles aux stratégies vicieuses
en s’incarnant policier en contrat privé. Il retrouva des attributions dignes
de sa personnalité. L’augmentation de
ses revenus liés aux nombre de PV infligés lui permit de se rassurer sur sa
solvabilité dans le cadre d’une union à risque. Il se maria dans une église
assomptionniste à capital variable après être tombé amoureux d’une poupée
blonde. Elle s’appelait Françoise et lui avait acheté un super GPS :
« pour que tu ne te perdes pas dans le quartier » avait-elle cru bon
de préciser !
Désormais il était heureux quand bien même moult
Parisiens commençaient à regretter l’ancienne Police, celle qui était gratuite
(oui, enfin, quand même…les impôts), arrivait toujours à l’heure pour débrouiller
les affaires et parvenait régulièrement à stopper la délinquance (sauf cas
contraire).
Oui, il était heureux de travailler dans le monde
merveilleux et oligopolistique de la sécurité et se voyait déjà approcher par
des sociétés concurrentes (dont « Chien de Printemps »), attirées par
son CV resplendissant. Il parlait souvent de ce nouveau paradigme, le soir, à Françoise !
Mais celle-ci ne l’écoutait que distraitement, toute plongée dans un livre
« une aventure de Choura » histoire d’un Labrador qui lui évoquait
son premier chien !
Un pauvre clébard mort en mission en Afrique, broyé
par un boa : maudits anneaux !!