Max | Cheng et le cornet à la crème pâtissière, immortels

Publié le 15 octobre 2014 par Aragon

Ayant un fauteuil - le numéro trente-quatre - au 23 du quai de Conti il a gagné l'immortalité, mais aurait-il le quarante et un, comme l'eurent Molière, Flaubert ou Proust il n'en eût pas moins gagné l'immortalité. Gageons aisément, mais nous ne serons pas là pour le constater, que ses vers, sa prose, se liront comme ceux de mademoiselle Sapho de Mytilène, de Lucrèce, dans deux mille cinq cents ans.

L'homme est incroyable, il me bouleverse, il m'émeut, il est exquis. Son oeuvre poétique et littéraire est bouleversante, émouvante, exquise. Je lis sur mon hebdo préféré (TRA n°3379) qu'il sera sur France Culture la semaine prochaine du lundi au vendredi à 20h. Il se racontera. Il sera à écouter toutes affaires cessantes.

François Cheng est unique comme chaque feuille de bambou est unique. Il me scotche les papilles cependant pour un détail sucré car je n'aurai jamais cru ça, je suis sidéré, nous avons un point commun, un énorme point commun : la gourmandise !

Il parle au détour de ses entretiens de sa passion pour une pâtisserie disparue ( je n'en trouve plus moi-même depuis belle lurette ) ou dit-il, en voie de disparition, mon intuition me dit que c'est le même que le mien, une espèce de "cornet rempli de crème pâtissière". Mouche plein coeur. Cette pâtisserie, môme, c'était "la mienne", mom en achetait parfois le dimanche chez la boulangère du village qui a fermé boutique, sans successeur, depuis longtemps, je crois me souvenir que nous appelions ça si sottement - ce nom me paraissait ridicule eu égard à la magnificence - des "carottes". Je mettais des plombes à la bouloter ma "carotte" à la fin du repas dominical, j'exagère à peine, cérémonial immuable dimanche de l'enfance après dimanche de l'enfance... J'en choisissais une dans le plat, celle, bien sûr qui me paraissait la plus belle et mon frère n'avait pas son mot à dire, il savait ce qu'il risquait quand il ne serait plus "à l'abri des parents", je me moquais de son oeil rageur, je prenais donc ce "bonheur", l'observais longuement dans mon assiette, puis, enlevais l'opercule de pâte, le mangeais, je regardais alors à "l'intérieur", longuement, satisfait de l'épaisseur de la crème qui s'offrait à mon regard, je me décidais "au bout d'un certain temps", je l'aspirais lentement lentement lentement, la vidais de sa substance exquise... Cette crème était incomparable, mousseuse, probablement montée aux blancs d'oeufs, un chouïa de parfum amandé, le cornet magnifique lui aussi, en pâte feuilletée marqueté de sucre cristallisé était mangé en toute fin, un certain temps encore après que la crème eût été mangée. Je n'en reviens pas que Cheng et moi ayons ce chef d'oeuvre disparu ou en péril en commun.

Cheng a connu mille exils, mille misères, mille pauvretés, mille faims extrèmes. Mon trio littéraire est composé de PQ, de JMGLC et de François Cheng. Mais François, depuis que je sais "le cornet rempli de crème pâtissière" est numéro 1. Le titre du papier de Télérama dont je vous parlais : "Chineur de sensualités". C'est bien ça. Mon frère François Cheng !

http://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/24205

http://www.babelio.com/auteur/Francois-Cheng/8113/citations