J’ai récemment découvert Lecrae, intriguée de le voir trôner au sommet du Billboard 200 avec son album Anomaly alors que je n’avais jamais entendu parler de lui. Et croyez-moi, vous ne perdrez absolument pas 58 minutes de votre vie à écouter son disque dont la piste Nuthin’ résume parfaitement mon problème majeur avec le rap : « Here we go again in circles/I think I heard it all/We’ve been here before/But we need something more/What you say/I can’t hear cause you/Ain’t talking ’bout nuthin' ».
Fort heureusement, on ne peut pas mettre tous les rappeurs dans le même sac, et notamment Akhenaton qui se prépare à dévoiler Je suis en vie le 3 novembre prochain, un cinquième opus solo qui aurait très bien ne jamais pu voir le jour puisqu’il avait initialement refusé l’offre de Def Jam qui impliquait que le projet soit livré pour la rentrée alors qu’il tournait encore avec IAM à l’époque… au mois d’avril. Oui, c’est short. Mais quand on veut, on peut. « Quelqu’un m’a dit : ‘Et si à 20 ans on t’avait proposé de faire un album solo chez Def Jam, le label mythique du hip-hop, comment aurais-tu réagi ?’. J’aurais sauté au plafond. Et on m’a lancé : ‘Alors tu n’en es pas capable ?’. Là, je pense que ma fierté italienne, napolitaine, mal placée m’a fait réagir, a-t-il raconté au Nouvel Obs. Du coup, je n’ai pas arrêté de travailler, dans les trains, les tour-bus avec tous mes appareils branchés, le soir, avant de monter sur scène, j’écrivais dans les loges. En fin de compte, je me suis énormément amusé ! »
Quelques mois de dur labeur auront suffi à l’artiste de 46 ans pour enregistrer 19 nouvelles pépites aux influences blues, soul et jazz et avec bien évidemment quelques featurings à la clé, avec son acolyte Shurik’n et son frère Faf LaRage mais aussi Cut Killer ou encore Meryem Saci. Après un premier extrait intitulé Mon texte, le savon (Part III) qui donne suite aux deux premiers volets sur Sol Invictus (2001) et Double Chill Burger (2005), Akhenaton a dévoilé il y a quelques jours Tempus fugit. C’est l’heure de ressortir son bon vieux latin ! Mais si les souvenirs sont trop flous, je vous file un coup de main : cela signifie « le temps fuit ». Alors forcément, ça parle nostalgie, entre le vieil album photos et une intro et outro qui reprennent des samples d’Oxmo Puccino, Shurik’n et La Rumeur ; de leçons de vie, aussi ; et de l’essentiel, de ce qui compte toujours et réellement, finalement. « Je pense que l’argent, le fait de vouloir posséder, entasser, amasser est aujourd’hui au centre de beaucoup de problèmes. On peut s’en détacher, ce que je dis dans le titre Tempus fugit en ces termes : ‘Tu peux prendre la voiture, le toit et les bijoux, ce sera dur mais c’est le sort qui joue’. L’argent, je n’en avais pas avant. Si demain je n’en ai plus, ce sera compliqué parce qu’on est habitué à vivre dans un certain confort, mais je m’y ferai parce que je pense que ma tête s’est vissée sur des choses qui sont importantes dans ma vie. Le simple fait de se lever, d’être bien, de se sentir en forme, d’avoir du temps : c’est le luxe, ça. Et puis l’argent engendre des trucs culturellement pénibles. Fais un atlas des guerres qu’il y a dans le monde, recoupe-le avec les gisements des énergies tu verras que systématiquement, là où il y a conflit, il y a du fric à se faire ou qui se fait déjà. On a un roi. Ça s’appelle la ‘pognonocratie' », a-t-il déclaré.
Après le latin et la philosophie, je m’en remets donc à Akhenaton (et le pianiste Sébastien Damiani, qui a co-composé l’album avec lui et apparaît à ses côtés dans ce clip) pour terminer avec une bien belle leçon de musique dont je bois volontiers les paroles.