[Critique] WHITE BIRD

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : White Bird in a Blizzard

Note: (moyenne)
Origine : États-Unis
Réalisateur : Gregg Araki
Distribution : Shailene Woodley, Eva Green, Christopher Meloni, Shiloh Fernandez, Gabourey Sidibe, Thomas Jane, Dale Dickey, Angela Bassett, Sheryl Lee, Mark Indelicato…
Genre : Drame/Adaptation
Date de sortie : 15 octobre 2014

Le Pitch :
Un jour, la mère de Kat disparaît sans laisser de trace. Désormais seule avec son père, un homme déprimé, la jeune fille ne semble curieusement pas vraiment troublée par cette absence. Elle préfère se concentrer sur ses amis, et sur les garçons. Néanmoins, de curieux rêves troublent Kat, l’amenant à s’interroger un peu plus chaque jour sur les raisons qui ont provoqué le départ de sa mère…

La Critique (Nicolas) : Note: : ICI

La Critique (Gilles) :
États-Unis, dans les années 80 : la vie en banlieue a ses avantages et ses inconvénients. Comme aimait à l’affirmer Mary-Alice dans Desperate Housewives, personne ne sait vraiment qui ou quoi se cache derrière les sourires de ces charmants voisins, ni quels secrets attendent endormis sous le vernis des apparences. Ces maisons, ni trop belles, ni trop délabrées, contiennent ainsi leur lot de bonheurs et de malheurs, sans que personne, hormis celles et ceux qui y vivent, ne saisissent parfois l’ampleur du drame qui est en train de s’y jouer. Comme cette femme disparue du jour au lendemain. Une mère de famille sulfureuse, un peu fantasque, mais remplissant pourtant à merveille les exigences du cahier des charges de la parfaite ménagère.
À l’instar d’American Beauty et de tous ces longs-métrages dont le but avoué est de gratter sous le vernis de l’american way of life, White Bird s’apparente à la radiographie d’une famille en apparence ordinaire. Pour le coup, Gregg Araki, l’enfant turbulent du cinéma américain indépendant (Mysterious Skin, The Doom Generation, Kaboom…) met le silencieux et adopte une approche beaucoup plus feutrée. Adapté d’un roman de Laura Kasischke, son nouveau film n’en demeure pas moins mordant dans son propos, tout comme il traduit toujours l’urgence propre au regard du metteur en scène, sans y sacrifier non plus quelques unes de ses obsessions les plus tenaces.

Sorte de fable à la narration éclatée, White Bird fait le va-et-vient entre passé et présent pour mieux tenter de comprendre qui était cette vamp devenue malgré elle mère au foyer. Le « White bird » du titre pouvant tout à fait faire référence à ce personnage, prisonnier d’un quotidien qu’il assimile à une cage dorée. Cependant, le titre peut aussi renvoyer à la fille de la disparue. À cette adolescente un peu paumée mais néanmoins rattachée à une réalité à laquelle elle s’accroche, en répondant par l’affirmative aux requêtes de ses hormones en ébullition. Ce qui peut paraître étrange dans un premier temps. L’attitude de Kat ne correspond à l’idée que l’on peut se faire en de telles circonstances. Sa mère s’est faite la malle mais pourtant, la jeune fille ne pense qu’à s’envoyer en l’air avec son copain et à trainer avec ses potes. Le truc, c’est que la génitrice n’était pas un modèle de gentillesse et de compréhension, même si les apparences, toujours elles, étaient sauvées en permanence par un jeu fragile destiné à maintenir une normalité factice.
Dans ce manège domestique étrange, le père tente d’exister, tout en se noyant petit à petit dans un quotidien qui lui est devenu hostile, un peu à l’image du personnage de Kevin Spacey dans American Beauty, si ce n’est qu’ici, le paternel ne fait rien pour tenter de rattraper le train en marche.

Gregg Araki raconte le temps qui passe et la perte des illusions. Au détour des rêves de Kat, il s’adonne à un lyrisme très « lynchien » et livre à l’arrivée une partition douce amère étrangement fascinante. Difficile de dire quel est le vrai pivot de cette histoire complétement modelée suivant des contours propres à son réalisateur. Est-ce Eva Green, et son personnage de marâtre sexy, intervenant dans de réguliers flash-backs laissant entrevoir les raisons de son départ, ou est-ce Shailene Woodley , qui évolue entre deux eaux, entre le côté sulfureux hérité de sa mère et le sérieux de son père ? Au fond, la réponse, si réponse il y a, n’a pas vraiment d’importance. Créature à deux têtes, White Bird impose surtout une réflexion lyrique sur une époque révolue, en soulignant bien des thématiques quant à elles toujours très actuelles.
Baigné dans une bande-son très 80’s et donc forcement recommandable, le long-métrage jouit de plus de l’interprétation de comédiens très bien dirigés et investis.
Eva Green trouve d’emblée le ton juste et compose un personnage ambigu, limite dérangeant et pour autant bel et bien fascinant. En face, Shailene Woodley explose. Pourtant déjà remarquable dans des films comme The Spectacular Now et Nos Étoiles Contraires, la jeune actrice trouve ici l’occasion d’exprimer une féminité et une sensualité merveilleusement bien encadrées par la mise en scène d’un Gregg Araki conscient de la valeur du diamant brut qu’il est en train de façonner. Sans retenue, mais aussi sans aucune vulgarité, Shailene Woodley trouve paradoxalement dans White Bird son premier vrai rôle d’adulte, à des milliers de kilomètres de Divergente et de la série dans laquelle elle a débuté (La vie secrète d’une ado ordinaire). La chenille se transforme en superbe papillon au fil des minutes, permettant d’entrevoir le futur radieux de la comédienne, qui espérons-le, ait les coudées franches pour exprimer un talent jusqu’ici trop souvent bridé.
Dans le rôle du père, le discret mais solide Christopher Meloni fait le job sans s’imposer mais en veillant bel et bien au grain tout du long, à l’image de Gabourey Sidibe (Precious) et de Thomas Jane.

Chronique de la vie ordinaire d’une banlieue américaine sous Lexomil, White Bird est parcouru de fantômes. Celui de Laura Palmer de Twin Peaks vient même faire un tour, via l’apparition de Sheryl Lee. Les États-Unis des années 80 répondent aux États-Unis d’aujourd’hui dans ce chant empreint d’une mélancolie rock et pop. Avec White Bird, Gregg Araki avance à pas de loup. Force est de reconnaître que cela lui va plutôt bien. Non seulement il vient de signer son film le plus adulte, mais aussi l’un de ses meilleurs.

@ Gilles Rolland

Crédits photos : Bac Films

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