Et même si certains des êtres vivants n’ont pas la grâce de charmer les sens, ceux-là prennent un plaisir inexprimable qui, lorsqu’ils les contemplent, savent percevoir par les liens de causalité comment la Nature a produit ces êtres en artiste, et qui sont d’un tempérament incliné à la philosophie. Et d’ailleurs il serait déraisonnable voire absurde que nous trouvions du plaisir à contempler les images représentant ces êtres, parce que nous y saisissons en même temps l’art, par exemple du sculpteur ou du peintre qui les a produits, et que, examinant ces êtres en eux-mêmes, produits par la Nature, nous n’éprouvions pas une joie plus grande encore de cette contemplation, dans la mesure au moins où nous comprenons ce que nous voyons. Il ne faut donc pas se laisser aller à une répugnance puérile pour l’étude des animaux moins nobles. Car, en toutes les œuvres de la Nature, il y a quelque chose de merveilleux. Il faut retenir le propos que tint, dit-on, Héraclite à des visiteurs étrangers qui, au moment d’entrer, s’arrêtèrent en le voyant se chauffer devant son fourneau ; il les invita en effet à entrer sans crainte en leur disant que, dans la cuisine aussi, il y a des dieux. De même, on doit aborder sans dégoût l’examen de chaque animal avec la conviction que chacun réalise sa part de nature et de beauté.
Aristote, Des parties des animaux, Livre I, 645.a21